Tout le peuple en prière (Luc 1,5-25)

Prédication du dimanche 1er décembre 2025, premier dimanche de l'Avent

Attente

Voici un couple, Zacharie et Élisabeth, pour qui tout va bien en apparence, mais qui porte une douleur intime, à la fois secrète et publique, la stérilité. Car dans l’Ancien Testament, la fécondité est une bénédiction.

 

Pourtant ils sont justes, irréprochables. Ils sont de la tribu de Lévi, d’une famille de prêtres, et Élisabeth descend même d’Aaron le premier grand-prêtre, et porte le même nom que la femme d’Aaron, Élishéba (Exode 6,23). Donc ils viennent d’une bonne famille, et sont fidèlement pratiquants. Et s’ils sont appelés justes, c’est que leur foi est grande et sincère.

 

Simplement comme Job, et comme tous les humains, ils connaissent aussi le malheur.

 

Oui pour plusieurs d’entre nous, nous pouvons nous sentir proches de Zacharie et d’Élisabeth, dans une vie de foi réelle, mais qui n’est pas épargnée par la souffrance, ou un regret, une insatisfaction. Zacharie prie pour avoir un enfant. Nous avons des désirs à demander à Dieu, nous sommes en attente. Nous attendons une vie plus épanouie encore, plus accomplie.

 

Dans cette situation, il y a d’abord la prière. Et ce n’est pas seulement la prière solitaire d’un individu face à son Dieu ; mais c’est une prière communautaire. « Toute la multitude du peuple était en prière au-dehors à l’heure de l’offrande de l’encens. » Même si seuls Zacharie et en principe quelques autres avec lui entrent à l’intérieur du sanctuaire, la communauté du peuple est en prière avec lui. Et nous aussi, notre prière n’est pas seulement la nôtre, mais elle est portée dans l’unité par toute une Église invisible, en communion des saints. Et la prière s’élève vers Dieu comme un encens, comme un parfum, une nuée odorante qui se diffuse vers le ciel.

 

À travers la liturgie, à travers l’offrande à brûler, à travers l’institution des prêtres et du temple, se vit aussi une foi fervente et profonde. A travers une prière quotidienne et ancrée dans notre emploi du temps, à travers le culte du dimanche et nos autres rendez-vous avec Dieu, nous faisons entrer Dieu dans notre vie, et il est présent. Car le temple, le sanctuaire de L’Esprit saint, c’est nous-mêmes. Nous pouvons ainsi entrer dans notre lieu intérieur le plus saint, pour adorer Dieu.

 

C’est ainsi que Zacharie et Élisabeth patientent avec fidélité, et espèrent avec persévérance. Ils continuent à espérer malgré le temps qui passe, et qui, à mesure qu’ils avancent en âge, rend de plus en plus improbable qu’ils deviennent un jour parents. Nous voyons même que Zacharie a cessé de croire à un fils – et c’est humain, et c’est rationnel. Mais il continue de croire en Dieu, de prier, de lui faire confiance pour sa vie, d’espérer un bel itinéraire selon le désir de Dieu, même sans savoir où il les conduira. Ainsi nous prions : « Que ta volonté soit faite (que ton désir soit fait) comme au ciel, aussi sur la terre. » Ou comme écrit joliment la TOB :

« fais se réaliser ta volonté sur la terre à l’image du ciel » (Matthieu 6,10).

Restons ouverts nous aussi à l’inattendu de Dieu, qui a plus d’une manière de nous surprendre.

 

La plupart du temps, notre prière est ordinaire, et Zacharie ne voit pas l’ange Gabriel. Mais il peut arriver aussi que Dieu se révèle d’une façon extraordinaire, que nous sentions vraiment sa présence, que nous recevions une réponse claire de sa part, un message. Alors pour ces instants bénis que Dieu nous donne, il vaut la peine de prendre le temps de prier, et d’inscrire Dieu dans notre vie, de le graver sur notre cœur, de même qu’il écrit notre nom sur la paume de ses mains. Même quand il ne se passe rien en apparence, Dieu est là, il nous écoute.

 

Nous entrons aujourd’hui dans le temps de l’Avent, un temps d’attente et d’espérance. Un temps privilégié pour prier, pour renouer une relation avec Dieu qui a pu se distendre.

 

Celui que nous attendons, c’est le Messie.

Messager de Dieu

Grâce du Seigneur

Et dans cette beauté de tout un peuple en prière, Dieu vient et accomplit sa promesse. Le nom Zacharie signifie : « Le Seigneur se souvient » ; et comme en écho, Élisabeth veut dire : « Le serment de mon Dieu ».

 

Que donne Dieu quand il se souvient de sa promesse ? Il donne Jean, en grec Ioannès, en hébreu Yohanân, le Seigneur fait grâce. La grâce de Dieu fait irruption dans notre vie, et voici une naissance, un nouvel avenir, et la guérison de notre stérilité. Voici que par grâce, nous portons du fruit, nous croissons et multiplions.

 

Le messager de Dieu annonce la joie, une joie qui dépasse même celle d’Élisabeth et Zacharie, qui s’élargit à une multitude.

 

Prêtre et prophète

Jean ne boira ni vin ni alcool, comme il était demandé aux prêtres en signe de consécration. Selon Lévitique 10, « Le Seigneur dit à Aaron : Tu ne boiras ni vin ni boisson alcoolisée, toi et tes fils avec toi, lorsque vous entrerez dans la tente de la Rencontre » (Lévitique 10,8-9). Il ne s’agit pas d’entrer en transe, mais de rester lucide, au service de Dieu.

 

Jean sera donc en un sens prêtre comme son père. Il sera aussi prophète, car il sera rempli de l’Esprit saint dès le ventre de sa mère (cf. Jérémie 1,5 ; Ésaïe 49,5).

 

Annonceur du Messie

Il sera grand, parce qu’il annonce le Messie. Le livre de Malachie, le dernier des livres des Prophètes, se termine par cette attente :

« Je vous envoie Élie, le prophète, avant que n’arrive le jour du Seigneur, jour grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers les fils et le cœur des fils vers leurs pères » (Malachie 3,24).

Ainsi les divisions qui déchirent au sein même des familles, les plus profondes et les plus douloureuses, seront réconciliées. Et l’ange dit aussi : « Il ramènera beaucoup des fils d’Israël au Seigneur leur Dieu ». Ainsi ils seront fils et filles et de leur père du ciel, réconciliés. Ils aimeront le Seigneur leur Dieu, ils aimeront leur prochain.

 

Ce jour du Seigneur est le jour où le Seigneur vient se dévoiler à nous. Au début du même chapitre, Malachie 3 (Malachie signifie « mon messager », « mon ange »), il est dit :

« J’envoie mon messager : il fraiera un chemin devant moi. Il arrivera dans son temple à l’improviste, le Seigneur que vous cherchez ; le messager de l’alliance que vous désirez, il arrive, dit le SEIGNEUR de l’univers. » (Malachie 3,1).

 

 

Quant à Gabriel, il est apparu dans le livre de Daniel. Au chapitre 9 :

« je parlais encore, en prière, quand Gabriel, l’homme que j’avais vu précédemment dans la vision, s’approcha de moi d’un vol rapide, à l’heure de l’offrande du soir. Il m’instruisit en me disant : […] Sache donc et comprends : Depuis le surgissement d’une parole en vue de la reconstruction de Jérusalem, jusqu’à un messie-chef, il y aura sept septénaires. » (Daniel 9,21.25).

L’apparition de Gabriel signifie que le Christ va venir.

Sans voix

Comment réagir face à cet évangile, cette bonne nouvelle ?

 

Zacharie dit : « Moi je suis un vieillard, et ma femme est avancée en âge. » Ce n’est pas de l’humilité. Ce n’est pas un compliment pour sa femme, ce n’est pas une déclaration d’amour ; et encore il s’est retenu de dire qu’elle était stérile. Voilà les mots dégradants de Zacharie sur lui-même et son épouse. Il ne sait plus qui il est, et même l’apparition d’un ange du Seigneur ne suffit pas à le dérider. Il ne sait plus qu’il est une créature merveilleuse aimée de Dieu, il ne voit plus la beauté en lui et en sa femme, il ne voit plus qu’ils sont tous deux justes et irréprochables devant Dieu, le couple parfait. Déjà à son époque, il fallait être jeune, et vieillir paraissait une malédiction qui rendait aveugle à toutes les autres qualités.

 

L’ange répond : « Moi je suis Gabriel qui me tiens devant Dieu. » Au découragement, à la désespérance, Gabriel oppose la puissance de Dieu. Son nom signifie l’homme fort de Dieu, le héros de Dieu, le guerrier de Dieu. Il vient combattre le désespoir, et le doute qui fissure notre foi et ébranle notre être.

 

Zacharie demande un signe, et ironiquement, il reçoit le signe d’être rendu muet. Comme pour signifier que nos paroles négatives, de doute et de découragement, sont superflues ; il vaut mieux se taire. Et dans ce silence, Dieu travaille en nous. Quand Zacharie retrouve la parole, à la fin du chapitre, il est rempli de l’Esprit Saint et prophétise, et proclame un cantique de louange. Voilà ce qu’a produit ce silence de neuf mois, le temps de la grossesse, le temps que prenne chair la parole et la promesse de Dieu. Que Dieu nous donne cette qualité de silence et cette qualité des mots que nous prononçons, qu’ils servent la gloire de Dieu.

 

De son côté, Élisabeth vit dans son corps la croissance de l’enfant de la promesse, de l’enfant extraordinaire, la grâce du Seigneur. Elle est déjà dans la louange en déclarant : « Voilà ce qu’a fait pour moi le Seigneur ».

 

Nous pouvons nous demander à notre tour : quelle est ma prière au Seigneur ? Et qu’est-ce que le Seigneur a fait pour moi, qu’est-ce qu’il est en train de faire pour moi ?

 

Seigneur, nous te prions et nous te rendons grâce. Nous t’attendons.

 

Amen.

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