Je voudrais vous parler d’abord de l’élan, de ce dynamisme qui met en marche Marie pour rendre visite à Élisabeth.
Puis ce message de grâce et de joie, de bénédiction et de béatitude qu’Élisabeth lui transmet.
Enfin derrière tout cela, est à l’œuvre l’Esprit saint qui circule et se propage en chacune et chacun.
L'une vers l'autre
C’est d’abord l’histoire de deux femmes, unies par un lien de parenté, cousines au sens large d’appartenir à la même tribu familiale. Deux femmes enceintes, deux amies intimes.
Pourquoi Marie va-t-elle voir Élisabeth, en hâte ? N’est-elle pas elle-même indisposée par les nausées d’un début de grossesse ? Mais cela n’a pas d’importance pour elle. Elle veut partager sa joie. Élisabeth est âgée, et Marie nous l’imaginons toute jeune fille, n’étant pas encore mariée. Mais elles sont reliées par l’heureux événement qui leur arrive, par l’ange Gabriel qui l’a annoncé pour chacune d’elles.
Ce qui est étonnant, c’est que Marie vient juste de recevoir cette annonce bouleversante par l’ange. Elle pourrait avoir besoin de faire une pause pour se remettre, pour tenter de comprendre l’incompréhensible qui lui arrive. Mais au contraire, il lui pousse des ailes et elle vole presque à la rencontre d’Élisabeth. Pourtant Marie habite à Nazareth en Galilée, et Élisabeth en Judée, sans doute à proximité de Jérusalem où Zacharie est prêtre. Elle doit donc changer de région, c’est un voyage de plusieurs jours.
Malgré cela, la première réaction de Marie après sa conversation avec Gabriel, c’est de courir voir Élisabeth. Car l’ange a annoncé à Marie qu’Élisabeth, qu’on disait stérile, est à son sixième mois de grossesse. Habituellement, c’est plutôt l’annonce de la naissance de Jésus qui nous paraît le message central de Gabriel.
Or Marie est tellement décentrée d’elle-même qu’elle ne pense pas d’abord à sa propre grossesse, ni à la manière dont elle devrait annoncer à Joseph ce petit détail, ni à ce que son corps va vivre, ni aux risques d’un voyage. Elle pense d’abord à la joie d’Élisabeth enfin enceinte, à lui rendre visite pour l’aider aux tâches quotidiennes, et à se réjouir ensemble.
Si Marie est enceinte, ce n’est pas pour elle seule, c’est pour tout le peuple.
Et Élisabeth, symétriquement, répond en ne parlant que de Marie et de l’embryon qu’elle porte. Élisabeth aussi est totalement décentrée d’elle-même. Elle se réjouit, non pas parce qu’elle se sent enfin accomplie dans son identité de femme, mais parce qu’elle voit la mère du sauveur et que le petit Jean dans son ventre a bougé à l’unisson.
Bénédictions
Maintenant, entrons dans la beauté de ce message donné par Élisabeth.
C’est d’abord une double bénédiction. Marie est bénie entre les femmes, comme dans l’Ancien Testament déjà Yaël était bénie entre les femmes. C’était à l’époque de la juge Débora. Yaël a tué par ruse Sisera, le chef de l’armée cananéenne. Débora chante alors :
« Bénie soit entre les femmes Yaël, femme de Héber, le Caïnite ! Bénie soit-elle entre les femmes qui habitent sous la tente ! » (Juges 5,24).
Yaël est une femme qui a sauvé son peuple en assassinant son ennemi. Et d’une autre manière, Marie est bénie parce qu’elle va donner naissance au sauveur qui libérera le peuple.
Il ne s’agit pas d’établir une hiérarchie entre les femmes, entre les hommes, et de placer Marie au sommet. Yaël aussi est bénie de la même manière. Ne sommes-nous pas bénis, nous aussi, de la même manière ? Élisabeth n’établit pas une hiérarchie, mais elle se réjouit de la grâce que Dieu a donnée à Marie, elle se réjouit pour elle, généreusement, sans jalousie ni rivalité, elle qui est enceinte également. Sara femme d’Abraham était bénie aussi :
« Je la bénirai : d’elle aussi je te donnerai un fils ; je la bénirai, et elle deviendra des nations ; les rois de plusieurs peuples sortiront d’elle. » (Genèse 17,15).
Et Dieu dit à Abraham :
« je te bénirai et je multiplierai ta descendance comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est au bord de la mer. […] Toutes les nations de la terre se béniront par ta descendance, parce que tu m’as écouté. » (Genèse 22,17.18).
La bénédiction est collective et non exclusive, elle se répand sur toutes les nations.
Le fruit de son ventre est béni. Deutéronome 28 emploie la même expression :
« Voici toutes les bénédictions qui viendront sur toi et qui t’atteindront, parce que tu écouteras le Seigneur, ton Dieu : Tu seras béni dans la ville, et tu seras béni dans la campagne. Le fruit de ton ventre, le fruit de ta terre, le fruit de ton bétail, la reproduction de tes bovins et les portées de ton petit bétail seront bénis. Ta corbeille et ta huche seront bénies. Tu seras béni lorsque tu rentreras, et tu seras béni lorsque tu sortiras. » (Deutéronome 28,2-5).
Cette bénédiction vient de l’écoute de la parole de Dieu. Elle est pour nous aussi. Dieu met devant nous la bénédiction et la vie, à nous de choisir de l’écouter et de recevoir ses dons.
Quand Jean Baptiste encourageait à faire un beau fruit, voilà que ce fruit, c’est Jésus, fruit de ventre de Marie, fruit spirituel en chacun de nous.
L’ange avait dit : « L’Esprit saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. » (Luc 1,35). Quand l’Esprit saint vient sur nous, et nous couvre de son ombre, il produit une fécondité extraordinaire.
L'Esprit saint
Oui le secret de toutes ces personnes, c’est l’Esprit saint qui les anime. Ce n’est pas seulement Marie. L’ange Gabriel avait annoncé, pour Jean Baptiste : « il sera rempli d’Esprit saint dès le ventre de sa mère » (Luc 1,15). Alors n’est-ce pas ici l’Esprit-saint qui le fait réagir à la proximité de Jésus, et sursauter de joie ?
Et juste après cela, à son tour, « Élisabeth fut remplie d’Esprit saint », comme si l’Esprit saint présent au sein du fils qu’elle porte l’inondait elle aussi par le lien qui les unit étroitement.
Et c’est l’Esprit saint qui inspire à Élisabeth la bénédiction qu’elle proclame, comme plus tard son mari Zacharie à la naissance de Jean : « Et Zacharie, son père, fut rempli d’Esprit saint et prophétisa » (Luc 1,67).
Que l’Esprit saint circule ainsi et se diffuse dans notre famille et à nos amis, à tous ceux que nous rencontrons !
Bonheur
Et un deuxième secret, c’est la foi. « Heureuse celle qui a cru, car ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s’accomplira ! » La béatitude s’adresse initialement à Marie, mais justement elle ne nomme pas Marie, pour qu’elle se généralise à toutes celles qui ont cru, à tous ceux qui ont cru. Et notre foi n’est pas déçue. La parole de Dieu pour nous se réalisera.
C’est pour nous un grand encouragement, un grand bonheur. Car parfois même dans notre foi nous sommes effleurés par un soupçon de doute. Et si ma foi était en partie une illusion ? Comment puis-je être sûr que je ne me trompe pas en choisissant la foi ?
Mais puisqu’une promesse nous a été dite de la part du Seigneur, cette promesse s’accomplira. Dieu ne nous mentira jamais. Il est la vérité. Notre confiance en lui est bien placée. Nous sommes donc heureux, nous qui avons cru, parce que Dieu ne nous décevra pas, il tiendra parole et accomplira même au-delà de ce que nous pouvions imaginer.
En résumé, Dieu nous invite à nous décentrer de nous-mêmes pour nous réjouir de la joie de l’autre. Il nous donne mille bénédictions. Il nous donne son Esprit saint. Alors soyons renouvelés, vivifiés par son énergie, sa puissance agissante en nous.
Et je conclus avec Éphésiens 3 :
« À celui qui peut, par sa puissance qui agit en nous, faire au-delà, infiniment au-delà de ce que nous pouvons demander et imaginer, à lui la gloire dans l’Église et en Jésus Christ, pour toutes les générations, aux siècles des siècles. Amen. » (Ephésiens 3,21).