Le vin pour les noces (Jean 2,1-12)

Prédication du dimanche 19 janvier 2025.

La joie

Les noces de Cana sont une fête. Les fêtes dans la Bible sont très importantes. Le jour du shabbat est un jour de fête pour le Seigneur. Les noces ont lieu le troisième jour, mais si on compte les jours depuis le début de l’évangile de Jean, on arrive au septième jour, un jour de fête pour faire une pause, célébrer le Seigneur et être libéré de l’esclavage, de la servitude du quotidien. Du temps libre, du temps de liberté.

 

Oui louer le Seigneur est une fête.

 

Dans Jean chapitre 3, Jean Baptiste déclare :

« Celui qui a l’épouse est l’époux ; quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il l’écoute et la voix de l’époux le comble de joie. Telle est ma joie, elle est parfaite. » (Jean 3,29).

 

Cette joie est symbolisée par le vin. Le Psaume 104 raconte les merveilles de la création : « Le vin réjouit le cœur des humains en faisant briller les visages plus que l’huile. Le pain réconforte le cœur des humains. » (Psaume 104,15).

 

Mais plus encore, dans le livre des Juges, la vigne répond aux arbres qui veulent la faire régner sur eux : « Renoncerais-je à mon vin, qui réjouit Dieu et les hommes, pour aller planer sur les arbres ? » (Juges 9,13). Le vin réjouit Dieu.

 

Alors une première lecture des noces de Cana nous invite à la joie. La joie vient à manquer ; et Marie constate qu’il n’y a plus de joie. Or Jésus vient redonner la joie. Et même, il donne le meilleur vin. La joie que donne Jésus est plus profonde, plus savoureuse, plus vive que la joie de l’ivresse légère et de la convivialité.

 

Il a gardé le meilleur pour la fin ; c’est dire que pour nous, le meilleur est encore à venir. Quelle grande espérance ! Trop souvent, nous avons l’impression que tout va de plus en plus mal, qu’aujourd’hui n’a plus la saveur d’hier. Le temps amenuise nos forces et limite nos capacités. Or ici ce qui vient après est meilleur. L’avenir est encore meilleur que le passé. Le vin vieux est meilleur, parce qu’il a eu le temps de prendre de la maturité, et surtout parce qu’il est un don de Jésus.

 

Notre vie parfois s’écoule comme de l’eau, comme une pluie de grisaille insipide, fade, sans saveur. Un jour de pluie comme un jour d’ennui derrière la fenêtre. Jésus change l’eau en vin. Il crée un nectar, un délice, une boisson sucrée. Il redonne le goût à ce qui nous semblait fade dans notre quotidien.

 

Et son don est surabondant, des centaines de litres de vin, on pourrait s’y baigner ! Telle est la générosité sans mesure de la grâce de Dieu.

Le sang de la purification

Une deuxième lecture peut s’appuyer sur la nature de ces jarres, destinées à la purification des Juifs. Oui, ce sont des eaux pour les bains rituels, les ablutions, les gestes rituels et religieux pour recevoir le pardon.

 

La présence de ces jarres d’eau est bonne, mais elle n’empêche pas de manquer de vin. Je pense à Nietzsche qui voyait tant de bons protestants austères, mais qui ne voyait pas la joie chez les chrétiens. Il ne suffit pas de respecter scrupuleusement les règles religieuses, d’être fidèle, d’être un bon élève de la foi. Car il risque de manquer l’étincelle, la saveur du sel, les yeux qui pétillent comme des bulles de champagne. Seul Dieu donne la vie, l’eau vive.

 

Seul Jésus donne son sang pour notre purification. L’Apocalypse a cette image paradoxale :

« Ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies dans le sang de l’agneau. » (Apocalypse 7,14).

 

C’est le sang du Christ qui nous lave, qui nous purifie une fois pour toutes. Il est plus puissant que toutes les ablutions mille fois répétées. Non que les gestes rituels soient mauvais, car tout dépend du sens que nous mettons, de notre participation intérieure par la foi qui s’incarne dans ces gestes très humbles et modestes, et un peu dérisoires. Mais les rites sont devenus secondaires. Grâce au sang du Christ, ils sont devenus facultatifs, nous en sommes libérés.

 

Être fidèle à Dieu, ce n’est plus d’abord observer toute une série de prescriptions formelles. C’est d’abord aimer, vivre et rayonner de joie, dans la confiance au Christ.

 

Voici un commandement nouveau : « Faites tout ce qu’il vous dira. » Si nous voulons être les serviteurs du Christ, nous n’avons pas à faire des choses écrites par avance. Nous avons à rester tout près de lui, à écouter ce qu’il nous inspirera, et à le faire alors, ce qui sera juste et vrai sous son regard, et ce qui nous donnera la plus grande joie, une joie extraordinaire.

 

Le troisième jour est aussi le jour de la résurrection, le jour qui offre une issue, une échappée. A Cana, l’heure de Jésus n’est pas encore venue, et plus tard quand son heure est venue, il est élevé sur la croix. A Cana, il manifeste sa gloire, et sur la croix, il est glorifié.

« Un des soldats lui transperça le côté avec une lance ; aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. » (Jean 19,34).

L’eau et le vin de Cana annoncent le sang et l’eau qui jaillissent du côté du Christ.

 

Voilà pourquoi Cana est le premier des signes. Parce que c’est le signe de la mort et de la résurrection du Christ, et donc le premier, le plus grand, le plus essentiel des signes.

 

Mais ce que ça nous dit de nouveau et d’étonnant sur la mort et la résurrection du Christ, c’est que c’est une joie. Le sang du Christ ne symbolise pas la souffrance et la passion du Christ, l’expiation par le sacrifice sanglant. Le sang du Christ, c’est du vin, c’est de la joie. C’est la vie. Le sang c’est l’âme, c’est l’être, c’est la vie même, voilà pourquoi l’Ancien Testament interdit de manger le sang. Selon Lévitique 17 : « Car l’âme de toute chair, c’est son sang, qui est en elle. C’est pourquoi j’ai dit aux enfants d’Israël : Vous ne mangerez le sang d’aucune chair ; car l’âme de toute chair, c’est son sang » (Lévitique 17,14).

 

Or voilà que Jésus nous donne à boire son sang, comme une vraie boisson.

« Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le relèverai au dernier jour. » (Jean 6,54).

« Celui qui boira de l’eau que, moi, je lui donnerai, celui-là n’aura jamais soif : l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira pour la vie éternelle. » (Jean 4,14).

L’eau vive offerte à la Samaritaine équivaut au sang du Christ.

Les noces de l'Agneau

Ainsi, célébrer la Sainte Cène n’est pas une mémoire douloureuse de la mort d’un homme ; c’est une fête joyeuse. L’ange dit à Jean dans l’Apocalypse : « Heureux ceux qui sont invités au dîner des noces de l’agneau ! » (Apocalypse 19,9).

 

Les noces ont lieu entre l’Épouse, qui est l’Église, et l’Époux, qui est le Christ, l’agneau immolé qui a versé son sang pour nous.

 

Car les noces sont une image du Royaume de Dieu, comme le dit Jésus en Matthieu 22 :

« Le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit des noces pour son fils. […] Il envoya encore d’autres serviteurs, en disant : Dites aux conviés : Voici, j’ai préparé mon festin ; mes bœufs et mes bêtes grasses sont tués, tout est prêt, venez aux noces. […] Allez donc dans les carrefours, et appelez aux noces tous ceux que vous trouverez. » (Matthieu 22,2.4.9).

 

Ces noces dans le ciel viennent. Jésus dit en célébrant la pâque : « Amen, je vous le dis, je ne boirai plus du produit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. » S’il boit un vin nouveau au ciel, n’est-ce pas pour les noces ?

 

Les noces signifient l’union, l’unité, la réconciliation et la réunification avec Dieu. Elles témoignent aussi de l’amour de Dieu pour nous, dans toute son intensité. « Car Dieu a tant aimé le monde » … (Jean 3,16).

 

Il est écrit aux Éphésiens :

« Maris, aimez votre femme comme le Christ a aimé l’Église : il s’est livré lui-même pour elle, afin de la consacrer en la purifiant par le bain d’eau et la Parole, pour faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut. […] Il y a là un grand mystère ; je dis, moi, qu’il se rapporte au Christ et à l’Église. » (Éphésiens 5,25-27.32).

Le couple humain est donc une métaphore de l’union du Christ et de l’Église ; il est à l’image de Dieu, c’est un mystère, un sacrement, le signe visible d’une réalité invisible.

 

Depuis Osée jusqu’au Cantique des Cantiques, la métaphore conjugale parle de la relation de Dieu à son peuple :

« Eh bien, moi, je vais la séduire ; je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur. […]

Je te fiancerai à moi pour toujours.

Je te fiancerai à moi par la justice et l’équité, par la fidélité et la compassion.

Je te fiancerai à moi par la probité, et ainsi tu connaîtras le SEIGNEUR. » (Osée 2,16.21-22).

 

Dieu est amour et Dieu nous aime, avec toute l’immensité de sens du mot amour, de l’amour véritable, du grand Amour.

C’est pourquoi Dieu dit à Jérusalem par la bouche du prophète Ésaïe, comme une déclaration d’amour :

« On t’appellera ‟Mon plaisir est en elle”, et on appellera ta terre ‟L’Épousée” ;

car le SEIGNEUR prend plaisir en toi, et ta terre sera épousée. » (Ésaïe 62,4).

 


En résumé, voilà un jour de joie, le septième jour, où Dieu change nos tristesses en bonheur. Faire tout ce qu’il nous dira nous libère et nous donne la joie en abondance comme un fleuve. Il nous redonne goût à la vie, et nous promet le meilleur pour la fin. En ce jour aussi, le Christ nous purifie par son sang de vie, son sang joyeux. Il nous donne un vêtement blanc. Il nous invite à ses noces exprimant l’immensité de son amour, il déclare son plaisir en nous, et son désir d’être un avec nous.

 

 

Amen.

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