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Présenté au Seigneur (Luc 2,22-40)
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Prédication du dimanche 2 février 2025.
Après les bergers à Noël, l’évangile nous présente ici encore deux témoins de l’enfance de Jésus, des témoins qui voient ce qui ne se voit pas encore, qui voient l’invisible. Ils croient sans avoir vu, et leur foi nous inspire. Deux témoins, un homme et une femme, et une histoire pour chacun.
Syméon, Shimôn, dont le nom signifie l’écoute, a entendu l’Esprit-Saint. Il est l’homme de l’attente et de la patience. Il a reçu cette promesse de voir le Messie de Dieu, et il l’a vu, de son regard de foi. C’est l’Esprit qui l’a mené au temple, qui lui a donné cette intuition de venir là au bon moment. Syméon a cette douceur paternelle, cette tendresse quand il prend dans ses bras le bébé. Il y a quelque chose d’insolite à voir cet homme s’approcher d’un bébé inconnu, qui n’est pas de sa famille, et à le prendre dans ses bras, dans un geste d’affection qui pourrait paraître presque féminin, à une époque où les enfants étaient assez peu considérés. Or il voit dans ce petit bébé la paix, le salut, la lumière, la gloire ; il voit en lui tout ce qu’il attendait, toute son espérance pour la consolation d’Israël par Dieu. Quand les parents de Jésus accomplissent les prescriptions de la Tora, Syméon est cette apparition incongrue et prophétique, hors cadre, imprévue, libre, comme une surprise de Dieu. Syméon, le serviteur fidèle à l’écoute du Seigneur, a su voir par la grâce ce que les autres ne voyaient pas, ce que Jésus serait et qu’il n’était pas encore.
Anne, Hanna, veut dire la grâce ; et elle porte le même nom que la mère de Samuel, qui elle aussi attendait dans le temple. Samuel, Dieu entend, encore une fois, la même racine que Syméon. Elle est fille de Phanouel, Peniel, face de Dieu, le lieu où Jacob a lutté avec l’homme, avec l’ange, avec Dieu (Genèse 28). Là aussi nous pouvons imaginer l’intensité humaine de son drame, elle qui a perdu son mari après sept ans de mariage, et qui, nous ne savons pas pour quelle raison, ne s’est pas remariée. Les veuves à l’époque sont démunies, sans ressources. Et pourtant, elle a vécu ces cinquante ou soixante ans de célibat d’une façon pleine et belle, nuit et jour en prière. Et à quatre vingt-quatre ans, elle est encore pleine d’énergie pour louer Dieu et annoncer la délivrance. Cette vieille dame devient une figure féministe, en montrant qu’une femme peut vivre une vie accomplie sans dépendre d’un homme. Elle autorise à rester célibataire et se consacre à Dieu, inspirant dès les premiers siècles de l’Église d’autres veuves, des moniales, des diaconesses. Elle offre un choix de vie. Elle est prophétesse, elle porte la parole du Seigneur. De son deuil, elle s’est relevée par la grâce de Dieu, et elle a trouvé son chemin de sainteté.
Et puis il y a les parents de Jésus, son père et sa mère, qui présentent leur enfant à Dieu, qui le consacrent au Seigneur, qui l’offrent puisqu’il est le premier-né. Qui l’offrent à la vue de tous, qui le donnent au monde.
Et de façon réaliste, une épée transpercera Marie. Élisabeth avait appelée Marie bénie entre les femmes, et heureuse celle qui a cru. Mais comme pour équilibrer, pour nous éviter de trop jalouser Marie ou d’idéaliser sa vie, Syméon prévoit aussi la souffrance et les épreuves qu’elle connaîtra. Joie et peine, pour le meilleur et pour le pire. Marie s’est tenue au pied de la croix, elle a connu cette douleur extrême de voir mourir son fils, ce déchirement inconsolable, cette brisure. C’est sa manière d’être elle aussi la servante du Seigneur. Et cela la rend plus humaine, plus proche de nous, elle n’est pas sur un piédestal au-dessus de nos souffrances.
Au passage, le Lévitique indique ainsi le rite de purification après le sang de la naissance : « Si elle n’a pas de quoi se procurer un mouton, elle prendra deux tourterelles ou deux fils de colombes » (Lévitique 12,8). Ainsi Marie n’avait pas les moyens d’offrir en sacrifice un mouton, c’est pour cela qu’ils offrent modestement un couple de tourterelles ou deux jeunes colombes.
Syméon, Anne et Marie : Dieu se révèle au serviteur en attente, à la veuve très âgée, à la mère qui a perdu son enfant. Dieu se révèle aux gens simples et meurtris par la vie.
Et au milieu de ces êtres et de ces drames humains, il y a Jésus, il y a cet enfant qui n’est encore qu’une promesse, mais qui grandit. Jésus est présenté à Dieu. Il est consacré au Seigneur. Il est pris dans les bras. Il est béni avec son père et sa mère. Il est l’objet de prophétie, de paroles aux gens et de louange à Dieu. « Or l’enfant croissait et se fortifiait, comblé de sagesse ; et la grâce de Dieu était sur lui. » La promesse est là, silencieusement elle s’approche de son accomplissement ; le bébé devient un homme et le sauveur de l’univers.
Que Jésus-Christ grandisse ainsi en nous, et qu’il nous fasse grandir. Même quand nous avons achevé de grandir en taille, nous pouvons grandir encore comme Jésus en sagesse, avec la grâce de Dieu sur nous. Comme Anne, qui était veuve et si vieille pour l’époque, et pour qui tout restait encore à venir, avec cette rencontre inoubliable avec le futur sauveur du monde. À la création, Dieu donne aux humains ce premier commandement, qui est surtout une bénédiction : « fructifiez et multipliez » selon l’hébreu, « croissez et multipliez » selon la version grecque (Genèse 1,28). Initialement, Dieu n’est pas partisan de la décroissance, de la diminution ou du déclin mais bien de la croissance de l’humanité, du développement et de l’essor de chacun et chacune, comme une plante grandit jusqu’à fleurir et porter des fruits. Dieu nous ouvre un chemin de vie, de liberté. Il fortifie notre corps, notre âme, notre souffle spirituel. Il nous apporte un développement personnel, et un développement sous son regard.
Par Dieu nous sont données croissance et force, sagesse et grâce, dans une évolution à la fois lente et profonde et puissante qui nous fait devenir un être debout, à son image et à sa ressemblance. Alors nous lui appartenons de plus en plus, et nous devenons de plus en plus vivants, et grands et saints, par sa présence. Amen.