Heureux ! (Luc 6,17-26)

Prédication du dimanche 16 février 2025.

Choix de société

Jésus renverse les valeurs du monde et de la société. Dans ces paradoxes des pauvres heureux, il ne fait pas seulement un rêve, il se montre très subversif. Il dénonce ce qui est fictif et illusoire chez les milliardaires, ceux qui ont tout apparemment, ceux qui triomphent. Tel un prophète, il lance des appels et des alertes, il avertit. Il fracasse les idoles et ramène à l’essentiel.

 

En miroir de cette critique, en antithèse, il dessine une autre société, une utopie, le règne de Dieu. Il a fait un rêve comme Martin Luther King.

 

Il nous place devant un choix de société. Une société de haine et d’exclusion et d’insultes, de harcèlement ou de persécution, et de mensonge. Nous ne parlons plus de prophètes et de faux-prophètes, mais cette société qui haït, exclut, persécute et ment ressemble terriblement à 2025. Les persécutés d’aujourd’hui sont les étrangers, les femmes, les humains de couleur, les trop petits, les gros, les moches, les plus âgés ou déjà juste un peu moins jeunes, les discrets, les handicapés, les psychotiques, les malades et les blessés de la vie, tous ceux qui ne sont pas aussi performants, qui ne correspondent pas au masque de fausse perfection dont l’image imaginaire envahit tous nos écrans.

 

Ou alors le royaume de Dieu. Qui est le lieu, le temps où Dieu règne, où il est roi. Roi de l’univers ou juste roi de notre cœur et de nos pensées, de nos émotions, de nos corps et de nos actes. Ce royaume est à nous, dit Jésus.

Choix de vie

C’est donc un choix existentiel, intime et personnel. Une fois de plus je vais citer Deutéronome 30 :

« j’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives » (Deutéronome 30,19).

 

Le prophète Jérémie donne encore le choix entre le genévrier dans l’aridité, ou l’arbre enraciné dans l’eau du ruisseau. Se confier uniquement dans l’humain, dans notre capacité humaine, c’est se dessécher. Se confier en Dieu, c’est boire à la source et vivre d’une sève inépuisable, verdoyer et fructifier.

 

Jésus a fait son choix. Il a été pauvre avec les pauvres, il a eu faim, il a pleuré, il a été haï, exclu, insulté, diffamé, à cause de ce qu’il était et de sa fidélité à sa mission, à son message sans concession. Il a été pleinement humain en ce sens. Il a vécu la condition humaine qui est aussi la nôtre.

 

À ses disciples, aux croyants, Jésus dit : Vous avez fait le bon choix. Oui votre vie est souvent difficile, vous souffrez, vous ressentez des manques, vous pleurez, vous vous sentez exclus. Mais ce n’est que la réalité de maintenant ; en réalité vous avez choisi la meilleure part, et la plus juste, et spirituellement vous avez tout, vous êtes comblés, vous pouvez rire et vous réjouir. Dans votre condition humaine imparfaite et souvent dure, vous êtes heureux. C’est la promesse que Jésus fait, et sa vérité contre tous les mensonges des faux-prophètes d’internet et des réseaux sociaux.

 

Car Dieu porte un regard autre. Dieu dit à Samuel : « Il ne s’agit pas de ce que l’homme voit ; l’homme voit ce qui frappe les yeux, mais le SEIGNEUR voit au cœur. » (1 Samuel 16,7). Dieu nous fait voir le bonheur qui ne se voit pas. Il nous redonne l’espérance.

Quatre bonheurs

Le pauvre matériel vit sans argent, simplement, sobrement. Le pauvre spirituel est humble, vulnérable, précaire et constamment dépendant de l’amour de Dieu. On peut aussi traduire : le mendiant ; celui ou celle dont le manque le conduit sans cesse à se tourner vers Dieu, à le supplier en prière.

 

Les affamés ont un besoin vital qui n’est pas assouvi, un manque et un désir qui leur serre douloureusement le ventre et les empêche de vivre. Ils seront rassasiés, comblés au-delà de toute attente.

 

Nous qui pleurons, nous montrons ce trop-plein de tristesse qui nous remplit et qui déborde et nous submerge. Nous sommes dépassés, nous perdons pied, nous nous abandonnons, nous perdons cette façade stoïque et forte, nous nous montrons vulnérables, parce que nous n’avons plus rien à perdre, tant notre peine est vaste et envahissante. Jésus annonce alors un autre débordement, le rire, un débordement de joie, tout aussi physique, émotionnel et incontrôlable.

 

Dieu nous montre le ciel et l’immense récompense, l’immense compensation, le vrai trésor qui s’y trouve, et qui éclipse toutes les ténèbres de la terre en souffrance. En même temps cela reste réaliste, ce n’est pas l’évasion virtuelle dans l’opium d’un futur imaginaire pour fuir la dureté du monde. C’est le présent du maintenant qui est transfiguré par le bonheur, le présent du ciel où nous fixons nos regards, le présent de Dieu qui nous regarde maintenant avec un amour de vrai père.

Sourire en Dieu

Dieu agit et crée ce bonheur. Vous serez rassasiés, parce que Dieu vous rassasiera. Vous rirez, parce que Dieu vous fera rire. Vous êtes heureux au cœur même de votre terrible pauvreté, parce que Dieu vous a donné tout son royaume.

 

C’est Dieu qui nous rend heureux. « Heureux qui mangera du pain dans le royaume de Dieu ! » (Luc 14,15).

 

Passer de la pauvreté à l’héritage du royaume, de la faim à l’abondance, de la dépression à la joie, c’est la conversion que Dieu réalise en nous. Il transforme le monde comme une nouvelle création.
Et si nous essayions de vivre cette joie de Dieu, et de l’exprimer concrètement par un sourire ? Cette semaine, la Boussole, une publication gratuite de la Fédération de l’Entraide protestante, proposait trois témoignages sur le thème : « Pour quoi garder le sourire ? »

 

Voici un extrait de ce qu’écrit Alison Wyld, pasteure baptiste :

« Enfant, on m’a éduquée à regarder les personnes dans les yeux et à sourire à l’occasion de chaque rencontre. Adulte, je garde le réflexe. Dans la rue, dans les magasins, à l’église, mais aussi dans mes déplacements et lors de mes rendez-vous à la maison d’arrêt, j’accompagne en général mon bonjour d’un sourire.

Petite précision utile : je n’ignore ni les difficultés, ni les injustices subies par tant de personnes. Je ne souris pas au monde. Je souris aux êtres humains. Aux hommes, aux femmes et aux enfants que je croise au quotidien. »

 

Père éternel, donne-nous de vivre de ta joie, et de savoir sourire aux personnes qui nous entourent, illuminés comme ton visage. Donne-nous d’être heureux, maintenant, là où nous sommes, par ta grâce. Et merci pour ta promesse.

 

Amen.

 


  • Qu’est-ce qui me rend heureux dès maintenant ?
  • Quelle difficulté que je vis pourrait être changée en bonheur par Dieu ?

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