Réveillés avec le Christ (Luc 23,54 – 24,12 et Colossiens 3,1-4)

Prédication du dimanche de Pâques 20 avril 2025.

Nous pourrions cheminer avec Marie-Madeleine, Jeanne, Marie et les autres ; voir d’abord le tombeau sans corps, le vertige du vide, qui nous laisse un peu seuls et perdus ; recevoir ensuite la révélation inouïe du vivant ; et finalement nous aussi, ressusciter avec le Christ dans les lieux célestes.

Il n'est pas ici

Tout commence avec ces femmes qui préparent des aromates et qui viennent au tombeau. Si elles n’étaient pas venues, qui aurait été témoin de la résurrection ?

 

Elles connaissaient Jésus, elles étaient là, elles le suivaient, et l’ont suivi jusqu’à la fin. Et même après sa mort, elles ne l’abandonnent pas.

 

Le deuil les accable, elles portent cette tristesse immense, et pourtant elles ne se laissent pas aller, elles se lèvent pour servir une dernière fois le Seigneur en parfumant son corps. Sans doute ces femmes n’attendent plus rien, elles cherchent un mort pour accomplir ce qui doit être fait.

 

Parfois le Christ se manifeste en réponse à une attente, un désir, une quête de notre part, quand nous l’appelons. Ici ce n’est pas le cas ; l’espoir a disparu. Mais il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ; alors les femme font quelque chose, apporter des aromates. Et la révélation du Christ vivant rejoint leur action, comme si derrière ce geste humble et presque dérisoire, ce rite funéraire impuissant face à la mort, se cachait une espérance qui demeure et persiste contre tout espoir.

 

L’aurore se lève, et elles n’imaginent pas la nouveauté de ce premier jour qui est en train de naître. Premier jour après shabbat, inauguration d’une nouvelle semaine, premier jour d’une nouvelle création.

 

Elles vont de surprise en surprise. La première surprise est de voir la pierre roulée ; la deuxième, de ne pas trouver le corps ; la troisième, de voir les deux hommes en habits éclatants, qui sont appelés plus loin une vision d’anges.

 

Elles sont perplexes, décontenancées. Quand la réalité n’est pas celle que nous pensions, d’abord nous ne comprenons pas. Nous ne savons pas si nous devons en croire nos yeux, ou notre logique et nos convictions anciennes. Le monde apparaît soudain inattendu, incohérent avec nos représentations. Nous sommes bousculés, tout redevient question et doute.

 

Il n’est pas ici ; il est donc ailleurs.

 

Le renard du Petit Prince dit son secret : « on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »

 

Elles ne trouvent pas le corps, c’est donc une réalité spirituelle bien plus que matérielle qu’elles vont pouvoir trouver. Elles ne trouvent pas le mort ; car c’est un mort qu’elles cherchaient. Or c’est le vivant qu’elles pourront trouver.

 

« Le SEIGNEUR Dieu façonna l’humain de la poussière de la terre ; il insuffla dans ses narines un souffle de vie, et l’humain devint un être vivant. » (Genèse 2,7).

 

Lorsque nous cherchons Dieu sans le trouver, c’est peut-être parce que nous cherchons un Dieu mort, un faux dieu qui n’existe pas. Nous découvrons le Dieu vivant, qui est tout différent.

 

« Vous me rechercherez et vous me trouverez, car vous me chercherez de tout votre cœur. Je me laisserai trouver par vous – déclaration du SEIGNEUR » (Jérémie 29,13-14). « Cherchez, et vous trouverez » (Luc 11,9).

 

Dieu se révèle autre.

 

Les femmes trouvent un tombeau vide ; mais dans le vide de la mort, au cœur du néant, dans l’absence, elles trouveront le Dieu inimaginable, qu’elles n’attendaient pas.

 

Des pères de l’Église avaient une théologie négative. On ne peut pas parler de Dieu, il est au-delà de nos mots, au-delà de tout. Il est celui qui nous échappe.

 

Il n’est pas ici : les deux hommes étincelants ne disent pas où il est. Simplement, il est au-delà du tombeau où nous l’avions enfermé. Jésus reste une grande question, un mystère, car la transcendance de Dieu nous dépasse infiniment.

Chercher le vivant

Devant le vide, apparaît soudain la fulgurance de la foi. C’est une révélation, donnée par Dieu. La foi permet de voir quand il n’y a rien à voir, voir au-delà de l’absence et du vide du tombeau, voir la présence invisible du Dieu vivant. La conviction vient en elle, une vérité plus puissante que leurs yeux et que leurs certitudes, une vérité bien étrange, et qui contredit même le pouvoir fatal de la mort.

 

Il a été ressuscité, relevé, réveillé. Il s’est levé comme pour la première fois. Le Christ s’est éveillé en nous ; il nous a éveillés à lui.

 

Il y a là une pure nouveauté, une façon nouvelle pour Jésus d’exister, non plus de façon terrestre, mais pas non plus comme une simple idée qui survit très humainement, et très faiblement. Il est le vivant. Selon Jean,

« Je suis le chemin, et la vérité, et la vie » (Jean 14,6) ;

« Je suis le pain de la vie. […] Je suis le pain vivant descendu du ciel. » (Jean 6,35.48.51).

 

Jésus est la source de la vie, il est la vie même, il est le vivant. Le vivant, c’est à la fois tout être vivant, l’être humain vivant, le Christ vivant, et le Dieu vivant.

 

Oui nous cherchons le vivant ; et si souvent nous le cherchons là où il ne se trouve pas.

 

Si nous désirons que nos assemblées d’Église soient vivantes et dynamiques, il ne faut pas chercher parmi les morts ; il nous faut la puissance du vivant. Les aromates des femmes pour les rites funéraires étaient beaux comme des prières, et les ont menées à cette rencontre avec les anges ; mais ces aromates sont devenus des offrandes inutiles dès lors qu’il est vivant, qu’il est ailleurs que dans un tombeau.

 

« Souvenez-vous », disent les deux hommes vêtus d’éblouissement. Et elles se souviennent de ses paroles. En se souvenant, elles s’imprègnent à nouveau de la vérité de Jésus, elles s’abreuvent en lui pour le porter en elle. Elle reconfigurent leur compréhension de l’événement selon le message de Jésus. Oui, il est bon de revenir méditer ces mêmes paroles anciennes et connues, car elles résonnent autrement à chaque fois, car elles sont prononcées par l’Esprit Saint pour nous.

 

Le conseil des anges vaut pour nous aussi : « Souvenez-vous de quelle manière il vous a parlé » (Luc 24,6). Et sans doute, si nous sommes chrétiens, c’est qu’il nous a parlé. Rappelons-nous ces instants lumineux, éblouissants, où nous avons perçu le Christ vivant. Et qu’il demeurent toujours vifs, continuant à porter leur vérité, à définir notre existence. Et nous sommes appelés à remercier Dieu pour tout ce qu’il nous a déjà fait vivre, et à anticiper tout ce qu’il nous réserve encore dans sa promesse. La prière est un des ces moments bénis où Dieu peut nous visiter de nouveau, nous surprendre encore, et nous combler au-delà de nos attentes.

Chercher les choses d'en haut

Les deux Marie et Jeanne y croient, mais les hommes n’y croient pas, sauf Pierre qui va voir par lui-même. Cette foi est un choix, une affirmation personnelle, qui laisse chacun libre. Pierre court au tombeau ; il lui faut refaire lui-même l’itinéraire des femmes, se confronter au lieu de la mort et du vide, pour faire la découverte du Christ nouveau qui s’est levé.

 

Il s’étonne, il faudrait dire aussi, il admire, il contemple ce qui est arrivé. Que s’est-il passé ?

 

Cette question demeure jusqu’à ce jour. Des années plus tard, dans la lettre aux Colossiens, nous comprenons que ce n’est pas seulement le Christ qui est ressuscité, mais qu’il nous entraîne avec lui. Le vivant nous fait vivre. « Vous vous êtes réveillés avec le Christ » (Colossiens 3,1). Nous sommes ressuscités.

 

Le Christ nous a sauvés, nous, les humains. Nous saisissons à quelle point ce qui s’est passé dépasse la question très matérielle de ce qu’est devenu le corps de Jésus, et la biologie de la résurrection. C’est de nous tous qu’il est question, et c’est encore plus immense. La mort elle-même est vaincue par le vivant. Jésus a sauvé le monde.

 

La lettre aux Colossiens nous invite à en tirer les conséquences. Désormais nous sommes entrés dans la vie, ressuscités comme une renaissance, régénérés. Nous sommes éveillés et mis debout, nous devons regarder vers le haut, et nous tourner sans cesse vers le ciel auquel nous appartenons. Notre vie en est totalement réorientée. Nous sommes enfin pleinement vivants.

 

Notre vie reste cachée, notre plénitude de vie n’est pas encore manifestée. Mais nous portons en nous cette gloire de Dieu, ces choses d’en haut. Notre regard élevé ne voit plus la terre de la même façon. Ce qui nous effrayait autrefois, Christ nous en a libérés.

 

Dieu nous fait un don extraordinaire. Tout ce qui lui appartenait, il nous le partage. Toute sa puissance de vie, il nous la donne, de sorte que nous recevons le Christ, nous vivons en lui, et nous sommes ressuscités avec lui.

Il nous emmène ailleurs que dans le tombeau vide, ou que sur les fausses pistes de l’absence. Il nous fait entrer dans la vie pleine, dans sa vérité invisible essentielle, lui le vivant. Il nous relève et nous élève vers une manière d’être en haut, et de penser à partir du ciel.

 

Amen !

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