Les dépenses de la maison (Luc 16,1-13)

Prédication du dimanche 21 septembre 2025

Économe ?

Le mot traduit par intendant, régisseur, administrateur ou gérant, est littéralement économe. L’économe vient de oïkos, la maison, et némô, distribuer. En somme il est responsable des achats de la maison.

 

Doit-il être économe ou dépensier ? Ou dispensateur ? A-t-il raison de disperser les biens ?

  • Il existe une éthique de l’épargne : vivre sobrement, et prudemment, en vue peut-être de transmettre un patrimoine à ses enfants. Dieu lui-même promet une terre donnée en héritage.
  • Il existe aussi une éthique de la dépense : être généreux, ne pas compter, ne pas accumuler, réinjecter l’argent dans le circuit économique pour qu’il circule et arrive à d’autres.

Je ne vous dirai pas s’il faut économiser ou dépenser, je laisse à votre discernement de trouver le bon équilibre selon les circonstances.

 

Mais peut-être que dans la parabole, le travail de l’économe, ce n’est pas d’économiser, mais c’est de dépenser, d’acheter le nécessaire. Et si son travail était justement de distribuer les biens ? Alors il ne serait pas fautif. Il est beau, cet économe qui n’économise pas, ce comptable qui ne compte pas et ne rend pas de comptes, mais qui prend soin d’alléger le fardeau des gens. Il a choisi les amis contre l’argent et contre même sa réputation professionnelle, contre son métier même ; il annonce contre l’esprit du monde la valeur de l’humain. Il aime avant d’avoir.

 

Jésus nous dit, je crois, que l’argent est fait pour être donné, et pour annuler les dettes. L’argent n’est pas l’important, mais la relation. Face à des êtres humains étranglés par une dette excessive, comment ne pas vouloir d’un trait de plume leur offrir une nouvelle vie ?

 

L’argent n’est pas important mais il nous préoccupe beaucoup, car nous en avons besoin pour vivre et pour agir. Parfois il prend une telle place qu’il devient une divinité ; c’est pour lui que nous travaillons, c’est à lui que nous consacrons notre vie. Pour des questions d’héritage, des familles se divisent ; pour des questions d’indépendance financière ou d’inégalités de revenus, des couples se séparent. L’argent nous pousse à l’individualisme. Jésus nous fait découvrir le sens du don.

Les dettes pardonnées

Et il s’agit d’argent, oui, au premier degré, mais la parabole dit davantage. Elle parle aussi des vrais biens, les nôtres, ceux du royaume des cieux.

 

La prière de Jésus, le Notre Père, évoque les péchés comme des dettes : Matthieu écrit : « remets-nous nos dettes, comme nous aussi nous l’avons fait pour nos débiteurs » ; Luc écrit : « remets-nous nos péchés, car nous-mêmes remettons à quiconque nous doit ». Les dettes sont devenues les péchés.

 

Pour moi c’est l’image de la faillite. Une personne qui fait faillite est d’abord elle-même ruinée, détruite par ses erreurs, ses échecs, ou la malchance, et tout n’est pas forcément dû à sa seule responsabilité. Mais la faillite signifie qu’elle ne paie pas ses fournisseurs, ne livre pas ses clients ou ne rembourse pas ses prêts : elle a des conséquences sur les autres aussi.

 

Dieu annule les dettes, il pardonne les erreurs, pour que nous ne soyons jamais en faillite complète. La mort du Christ efface toutes nos dettes ; elle fait toutes choses nouvelles. L’intendant qui donne tout, c’est peut-être Jésus, plutôt que nous. Mais nous pouvons nous inspirer de son exemple. La parabole nous encourage donc à pardonner, à effacer les ardoises de rancune que nous pouvons entretenir contre ceux qui nous ont fait du mal. A nous pardonner les uns les autres, pardonner et être pardonnés.

L'huile et le blé

Enfin il n’y a pas que le mal à pardonner, il y a ces vrais biens, à donner et à distribuer. L’huile et le blé, en grandes quantités. L’huile d’olive, qui fait la richesses d’Israël, est une nourriture saine. Elle sert aussi comme cosmétique, et comme onguent pour soigner. L’onction d’huile signifie la bénédiction, la sainteté, la consécration. Elle est employée pour les prêtres, les prophètes et les rois. Elle est pour tous ceux que Dieu appelle et choisit, à la suite du Christ, le Messie, le premier qui a reçu l’onction d’huile sainte.

 

Le blé participe à la nourriture et la complète en apportant moins de lipides, plus de glucides et de protéines. C’est la base de l’alimentation, de la vie. Avec le blé est formé le pain de vie. Jésus est ce pain qui nous rassasie vraiment et nous fait vivre. Par ses paroles et par ses actes, il comble notre faim, notre manque.

 

Alors à nous de donner l’huile et le blé, la bénédiction de Dieu et la vie. Donner et faire crédit.

Intendants pour habiter

Oui Dieu fait de nous ses intendants. Quelle belle et grande responsabilité ! En ce mois de septembre, nous est proposé un temps pour la création. Dieu nous donne cette terre merveilleuse où ruissellent le lait et le miel.

 

Mais comment pourrions-nous posséder la terre ? Elle nous environne, et la création, nous en faisons partie. Ultimement tout est à Dieu. Nous ne sommes que « pèlerins et voyageurs sur la terre » (1 Pierre 2,11).

 

La terre est à Dieu et il nous la confie ; à nous de ne pas la dilapider, mais de la partager généreusement, avec tous les humains, les animaux et les plantes ; elle est notre bien commun, notre maison commune, notre maison ou notre habitat oïkos qui forme la racine d’écologie.

 

Et puis Dieu nous fait intendants de ses biens spirituels, nous qui le connaissons, qui avons reçu sa grâce. Nous avons reçu nos talents, nos richesses, nos amis et nos familles. Tout cela, prenons-en soin, donnons et pardonnons. Habitons sa maison, habitons la terre, habitons le temple et la présence du Seigneur, habitons de lui nos paroles et nos cœurs. Sachons demeurer et devenir demeure pour Dieu, temple de l’Esprit et sanctuaire intérieur du souffle saint.

 

Quand nous sommes habités par Dieu, alors nos richesses et nos actions ne sont plus vaines et vides. Elles prennent sens et nécessité ; elles deviennent utiles puisqu’elles servent à la gloire de Dieu et à l’amour entre toutes les créatures.

 

Nous qui sommes membres de la maison de Dieu, nous pouvons servir notre Seigneur et maître de maison à sa manière si étonnante de gérer ses biens, car il nous a tout donné, il a tout dilapidé pour nous. Sa joie, sa paix, sa tendresse, sa fidélité, son espérance et son regard positif sur tous et toutes, sa puissance de vie, voilà ses grands biens que nous pouvons recevoir sans limite, abondamment, et répandre et disséminer sur toute la terre.

 

Amen !

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