Résilience, espérance (Luc 21,5-19)

Prédication du dimanche 16 novembre 2025

Ces paroles de Jésus peuvent nous effrayer. Mais en réalité, il n’annonce pas des malheurs supplémentaires pour l’avenir. Il décrit notre présent.

 

Je crois vraiment que ce texte contient un message d’espérance et un encouragement pour nous, dans la réalité de notre vie, un message de résistance et de sérénité confiante, inébranlable au milieu des malheurs qui peuvent arriver.

Temple spirituel

Quand Jésus parle de la destruction du temple, dont il ne restera pas pierre sur pierre, il existe plusieurs manières de le comprendre.

 

Une lecture littérale et historique : le temple a été détruit en 70 par les Romains, lors d’une révolte des habitants de la Judée. Jésus l’a prédit, et si l’évangile a été rédigé après 70, Luc n’a pas manqué de valoriser cette prophétie accomplie. Message pour nous : le Christ domine le temps, il est souverain et l’avenir est entre ses mains.

 

Selon une deuxième lecture, Jésus voulait dire de ne pas s’attacher aux formes extérieures du culte, aux rites des sacrifices sanglants liés au temple. Ou encore, les disciples visitaient et admiraient le temple comme un musée, comme un monument majestueux et extraordinaire. Ils étaient devant la maison de Dieu, et ils admiraient le talent de l’architecte et des sculpteurs, au lieu de penser à Dieu, d’être saisis par sa présence, dans la sincérité du cœur, dans la foi. Et moi, quel est le centre de ma foi, en qui est-ce que je place ma confiance ? Quel est mon Dieu ? Est-ce une habitude, un lieu que j’aime, un temple de pierre, une structure institutionnelle d’Église, une culture protestante, un style musical ? Ou est-ce vraiment le Seigneur vivant de l’univers, qui ne dépend pas d’un lieu, qui transcende tout cela ?

 

Et une troisième lecture, la plus spirituelle et la plus intime, appelle les mots de Paul :

« Ne savez-vous pas que vous êtes le sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Corinthiens 3,16).

Voici notre cœur, un temple de chair, et non de pierres, pour accueillir le Seigneur.

 

Quoi qu’il en soit, ceux qui écoutaient Jésus ont sans doute été choqués par l’énormité de son annonce : le plus beau monument de Jérusalem la capitale d’Israël va disparaître. C’est plus bouleversant encore que l’incendie de Notre Dame de Paris qui a tant ému le monde entier. Mais dans tout cela Jésus n’annonce pas un malheur. Il nous recentre sur l’essentiel, et montre que cela ne nous atteindra pas. Nous résisterons et nous survivrons même à la chute de Jérusalem.

 

Et c’est la force du peuple d’Israël à travers toute la Bible, non pas de gagner les guerres par la supériorité de ses armées, mais même vaincu militairement par des puissances plus grandes comme l’Égypte, l’Assyrie, Babylone, la Grèce et Rome, de survivre par la foi en celui qui tient le monde dans ses mains. Et c’est notre force aussi, en Christ.

 

Même en exil, même sans temple de pierres, nous demeurons, nous, sanctuaire spirituel, et en Dieu nous avons tout.

Souffrance, ignorance

Notre présent, Jésus le connaît. Oui l’actualité de notre monde aujourd’hui multiplie les guerres, les séismes, les épidémies, les famines, les catastrophes naturelles ou causées par l’homme. Les chrétiens étaient persécutés au premier siècle, les familles divisées entre croyants et non croyants, et certains craignaient pour leur survie. Dans une très large mesure, malgré l’écart des siècles, cette réalité revient et n’a pas vraiment changé. Oui, ce que dit Jésus s’applique étonnamment à ce début de 21e siècle.

 

Personnellement, je n’en tire pas une prévision sur l’avenir, sur l’imminence de la fin du monde ou la date du retour du Christ. Ceux qui s’y sont risqués par le passé se sont ridiculisés quand la date programmée est arrivée sans rien d’exceptionnel. Je crois plus juste d’accepter de ne pas savoir. Je ne connais pas l’avenir, et ce n’est pas grave, au contraire ! Cela me donne de la liberté, de l’espérance, cela m’invite à vivre intensément le présent, qui est donné.

 

Attention, cela ne veut pas dire vivre sans se soucier des conséquences de nos actes, de nos choix, de nos décisions de consommateurs. L’avenir en partie nous dépasse, et en partie il dépend de nous ; non seulement notre avenir, mais celui de nos enfants et des générations futures. Aimer son prochain, c’est aussi aimer par avance ceux qui habiteront la terre quand nous n’y serons plus, aimer sans doute aussi les animaux qui subissent aussi les conséquences de nos actes. Il y a là une responsabilité, au nom de l’amour, mais aussi de la simple justice. Que mon mode de vie se fasse le moins possible au prix des souffrances d’autres êtres vivants.

 

Mais cette volonté d’agir pour le présent et l’avenir de la terre se fonde sur une espérance.
Trop souvent le présent nous horrifie, et l’avenir nous tétanise encore plus, sur fond d’éco-anxiété. Or Jésus annonce une espérance.

 

D’abord je trouve rassurant que Jésus connaisse et reconnaisse les souffrances du monde présent. Nous ne sommes pas dans un rêve qui nierait la réalité. Jésus nous accompagne même dans les pires situations. Dans l’épreuve et l’angoisse, tu n’es jamais seul, car Dieu est avec toi. Jésus est présent jusque dans la mort elle-même, lui le crucifié, le ressuscité.

Résistance, endurance, confiance et puissance

Ensuite écoutons de nouveau les paroles d’espérance dans l’évangile de ce jour, des paroles à garder précieusement comme un trésor, car elles sont vraies et elles nous font du bien.

 

« Cela aboutira pour vous au témoignage. » Peut-être vivons-nous le martyre ; mais martyr à l’origine en grec veut dire témoin. Ce que nous vivons est un signe pour les autres. Simplement par ce que nous sommes et par notre attitude orientée vers la vie par la grâce de Dieu, nous pouvons inspirer les autres, les encourager, les consoler, les rassurer. Nous pouvons être de ces artisans de paix, par l’Esprit de Dieu qui vit en nous contre toutes les morts.

 

« Mettez donc dans vos cœurs de ne pas préméditer votre défense. » Voilà une belle disposition du cœur. Oui avec notre intelligence et nos capacités humaines, nous nous sentons parfois dépassés, anéantis, nous ne contrôlons plus rien. Mais c’est justement là qu’il ne nous reste plus qu’à faire confiance à Dieu. À croire en Dieu plus qu’en nous-mêmes. Espérer contre toute espérance, et avec avec la ferme assurance des choses que nous ne voyons pas.

 

Je ne peux rien par moi-même, mais je peux tout par celui qui me rend puissant. Par le Saint-Esprit qui vit en moi.

 

Alors Jésus invite à ne pas se préoccuper, à ne pas s’occuper par avance des soucis de demain, à ne pas en perdre le sommeil. Nous avancerons en lui, et avec lui, et rien ne pourra vaincre cette puissance qui ne vient pas de nous, mais de Dieu.

 

Aujourd’hui le stress, l’anxiété, le burn-out sont des phénomènes de société. Peut-être notre équilibre de vie peut-il être revu à la lumière du Christ pour que nos activités n’oublient pas notre corps, nos relations, notre spiritualité. Mais notre antistress premier, c’est le Seigneur, et la confiance de la foi.

 

« Je vous donnerai une bouche et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront résister ou contredire. » Eh oui, rien que ça ! Sans être triomphaliste ou vouloir écraser l’autre, entendons ces paroles qui nous remettent debout et nous redonnent puissance. Non, nous n’écouterons pas la petite voix négative qui nous déprime et nous fait croire que tout est perdu d’avance. Dieu est avec nous, nous sommes irrésistibles. Dans l’histoire, on a abusé de ce « Dieu est avec nous », jusqu’à instrumentaliser Dieu dans nos guerres très humaines. Pourtant, il reste vrai que Dieu est avec nous, dans nos combats justes, quand nous devons non pas attaquer mais simplement nous défendre. Alors quand nous doutons, quand nous nous sentons faibles et incapables, n’oublions pas que Jésus nous donne une bouche qui parle et une sagesse irrésistible.

 

Oui l’Esprit saint nous souffle des paroles vraiment inspirées, que nous n’aurions pas pu élaborer avec notre seule intelligence humaine, des paroles qui jaillissent de notre bouche sans que nous sachions comment, qui se trouvent parfaitement ajustées, et dont l’impact nous dépasse.

 

«  Pas un seul cheveu de votre tête ne sera perdu. » Malgré tout, par la puissance de Dieu, par sa grâce infinie, nous serons sauvés, totalement indemnes. Nous survivrons, parce qu’il nous aime et nous protège. Voilà une parole de résilience et d’encouragement ; nous traverserons tout. Nous sommes vulnérables, mais invincibles.

 

Cette promesse est assortie d’une exhortation : « Par votre persévérance, acquérez la vie ! » Ou encore « Dans votre endurance, vous gagnerez vos âmes. » Il y a ici une ambiguïté en grec entre l’indicatif futur et l’impératif : faites-le, et vous le ferez. Jésus nous fait encore une promesse en même temps qu’il nous encourage à persévérer. Traverser le temps et la durée, et garder la même intensité la même ferveur, sans se lasser et s’affaiblir. Par sa grâce qui se renouvelle chaque matin, parce qu’il est le Dieu vivant et donc toujours inattendu et inouï, toujours plein de surprises et de découvertes encore à venir, nous vivrons sur la terre et dans le ciel, nous serons sauvés quoi qu’il arrive !

Amour

Voilà l’espérance chrétienne, notre confiance en Christ, qui nous permet de résister à tout. D’où viennent cette endurance, cette espérance ? De l’amour. Paul dit dans le célèbre passage de 1 Corinthiens 13 :

« il croit tout, il espère tout, il supporte tout. L’amour ne tombe jamais. » (1 Corinthiens 13,7-8).

Et ainsi l’amour de Dieu devient pour nous foi, espérance et persévérance.

 

Amen !

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