Guerre et paix (Ésaïe 2,1-5)

Prédication du dimanche 30 novembre 2025

Nous relevons dans ce passage d’Ésaïe deux images puissantes d’universalité et de paix : toutes les nations convergeant vers Jérusalem, et les armes recyclées en outils agricoles.

Toutes les nations

Les peuples affluent, ils viennent comme un fleuve, tous attirés vers la gloire du Seigneur. Dans cette vision, la montagne de la maison du Seigneur est plus haute que toutes les autres. Le Seigneur est premier dans notre vie, au-dessus de tout ce qui a de l’importance pour nous. La montagne est haute, solide, inébranlable, immense. C’est dire la place de Dieu.

 

Au sommet de la montagne s’offre une vue magnifique sur toute la terre. Et le ciel lui-même semble plus proche. La montagne est un lieu de révélation de Dieu.

 

Le lieu que le Seigneur choisira était un lieu de pèlerinage, trois fois par an, à Pâques, à la Pentecôte, et à la fête des huttes, soukkoth (Deutéronome 16,16). Trois temps dans l’année pour que tous viennent à Dieu. Or ici ils ne viennent pas à Jérusalem pour offrir des sacrifices d’animaux, mais pour entendre un enseignement de Dieu, ce qui est le sens de la Tora, et recevoir la parole du Seigneur.

 

Le temps de l’Avent pour nous peut avoir ce sens-là. Un temps de ressourcement, de retraite, de retour à l’essentiel, de renaissance de notre vie spirituelle. Un temps pour cultiver notre relation à Dieu. Nous pouvons trouver quelle sera pour nous la montagne, la chambre haute ou le lieu choisi pour prier Dieu, pour voir la terre d’en haut, avec un regard du ciel.

 

Et nous n’y sommes pas seul, mais nous espérons fermement que tous les peuples sont en marche vers la maison du Seigneur. Parfois nous nous demandons avec angoisse : où va le monde ? Nous savons dans la foi qu’il marche à la lumière du Seigneur, et vers la maison de Dieu. Telle est notre destination, pour que nous soyons à l’image et à la ressemblance de notre créateur qui nous aime.

La montagne de la maison du Seigneur

Alors Jérusalem a-t-elle quelque chose de particulier ? Ou devons-nous l’entendre de façon symbolique ?

 

Il est beau de découvrir les lieux où Jésus a vécu. Le texte biblique s’éclaire et s’ouvre quand les noms de lieux ne sont plus pour nous de simples mots étranges, mais évoquent des images et des rencontres.

 

Il faut aussi se garder d’effacer le sens littéral et concret, la réalité humaine d’Israël et de Jérusalem. Car c’est dans notre humanité terrestre imparfaite que Dieu se fait connaître à nous, s’incarne et vient nous rejoindre. Dieu a créé cette terre pour qu’elle soit belle comme elle l’est déjà dans son regard, dès le commencement. Les villes existent pour que les humains y vivent en harmonie dans une communauté animée par l’Esprit saint. Dieu n’a pas abandonné Israël et Jérusalem. Il n’abandonnera pas davantage les autres nations et villes du monde entier.

 

Jérusalem est tout cela, et elle n’est rien de plus. Il n’y a pas de terre sainte ou de lieu saint, sinon toute la terre, sinon le secret du cœur humain, la demeure de Dieu. Dans le discours même par lequel le roi Salomon inaugure le temple et le dédie à Dieu, il déclare :

« Mais Dieu habiterait-il vraiment sur la terre ? Le ciel et le ciel du ciel ne peuvent te contenir : combien moins cette maison que j’ai bâtie ! » (1 Rois 8,27).

 

S’attacher à un lieu c’est oublier que Dieu est présent partout, même en exil, même quand le temple a disparu. Dieu s’adresse à chaque être humain, sur toute la terre. Quelle bonne nouvelle !

 

Dieu s’est révélé à Jérusalem, car il est incarné, il vient en des lieux précis et dans notre histoire. Mais Dieu n’a pas fini de se révéler. Il crée des événements nouveaux. Il transcende les frontières. Parce qu’il est le Dieu vivant, pas seulement le Dieu du passé, mais le Dieu qui est aujourd’hui et qui sera, qui est présent ici et qui sera toujours avec nous. L’événement de Dieu, c’est qu’il survient là où nous sommes, dans des lieux et des temps concrets, tout au long de l’histoire humaine et plus encore dans le présent et l’avenir.

La ville de la paix, la cité sainte

Il est terrible de voir que Jérusalem, dont le nom signifie la ville de la paix, est devenue le centre de tant de convoitises humaines, de rivalités même entre chrétiens, et l’enjeu de guerres ; de la voir divisée par des murs, alors qu’elle devrait être au contraire un lien entre les nations, un point commun qui nous rassemble.

 

Et pourtant, un ange dit au prophète Zacharie :

« Cours, parle à ce jeune homme, et dis : Jérusalem sera une ville ouverte, à cause de la multitude d’hommes et de bêtes qui seront au milieu d’elle » (Zacharie 2,8).

Une ville ouverte, ou sans murailles selon d’autres traductions. Voilà une espérance pour Jérusalem et pour le monde.

 

Le courant sioniste a fait une lecture politique et territoriale des promesses à Israël. Je ne sais pas dans quelle mesure cette lecture est légitime, mais en tout cas elle ne doit pas être la seule possible, car elle est réductrice. Dans la Bible, la terre que Dieu donne, ce n’est pas que la terre d’Israël, c’est toute la terre, belle et où ruissellent le lait et le miel, la terre donnée par Dieu, mais qui aussi toujours est à Dieu. Nous sommes nomades, voyageurs, migrants et résidents temporaires sur la terre. Nous sommes citoyens du ciel.

 

Jérusalem devient plus qu’une ville terrestre. L’Apocalypse en donne une vision d’une cité céleste et sainte de paix, comme si le jardin d’Éden habité pour une foule d’être vivants devenait une ville entière, donnée par Dieu :

« Et je vis descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la ville sainte, la Jérusalem nouvelle, prête comme une mariée qui s’est parée pour son mari. […] Je n’y vis pas de sanctuaire, car le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, est son sanctuaire, ainsi que l’agneau. La ville n’a besoin ni du soleil ni de la lune pour y briller, car la gloire de Dieu l’éclaire, et sa lampe, c’est l’agneau. Les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre y apporteront leur gloire. Ses portes ne se fermeront jamais pendant le jour – or là il n’y aura pas de nuit. […] Il me montra un fleuve d’eau de la vie, limpide comme du cristal, sortant du trône de Dieu et de l’agneau. Au milieu de la grande rue de la ville et sur les deux bords du fleuve, un arbre de vie produisant douze récoltes et donnant son fruit chaque mois. Les feuilles de l’arbre sont pour la guérison des nations. » (Apocalypse 21,2.22-25 ; 22,1-2).

Dieu demeure parmi son peuple, sans besoin de temple, il est présent. Il donne l’eau de la vie qui coule en abondance, et le fruit et les feuilles de l’arbre de la vie, et cela pour toutes les nations, de façon universelle, avec des portes toujours ouvertes. Et la lumière est perpétuelle.

On n’apprendra plus la guerre

Voilà que les épées, dit Ésaïe, sont reforgées en socs de charrue, et les lances en serpes. Les avions de chasse rouillent d’être inutilisés et les stocks de missiles sont détruits. Sur les côtes bretonnes que je connais, on trouve des forts conçus par Vauban, ou plus récents, à des positions stratégiques pour contrôler les entrées des baies à portée de canon. On y trouve aussi des bunkers construits par les nazis pour empêcher le débarquement. Tous ces édifices sont à l’abandon, ils appartiennent à l’histoire. Et même si leurs ruines ne sont pas très belles, ce qui est beau c’est qu’ils soient devenus inutiles.

 

« On n’apprendra plus la guerre. » Voilà encore une utopie tellement actuelle, tellement vitale. Imaginer la paix, l’inventer quand elle n’existe pas. Rendre la guerre inimaginable et impossible. Oublier toutes les technologies qui servent à tuer. Apprendre des choses utiles et belles, et ne pas gaspiller son temps à l’art atroce de la guerre.

 

En ce temps de l’Avent, nous aimons lire aussi ce passage d’Ésaïe 9 où nous reconnaissons déjà le Christ :

« Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné. Il a la souveraineté sur son épaule ; on l’appelle du nom de Conseiller étonnant, Dieu-Héros, Père éternel, Prince de paix. » (Ésaïe 9,5).

 

« Heureux les faiseurs de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ! » (Matthieu 5,9). Oui Seigneur, nous te prions pour la paix véritable et la justice, entre toutes les nations de la terre. Nous te prions pour la paix entre nous, dans nos familles, dans nos Églises. Nous voulons marcher vers la même direction, vers ta demeure, et nous élever vers le ciel, vers ta cité sainte de la paix. Nous désirons vivre cette invitation : « Venez, marchons à la lumière du Seigneur ! »

 

Jésus Christ vivant, nous aspirons à ta venue dans notre vie. Nous t’attendons, nous t’espérons, toi qui rassembles ceux qui se divisaient et réconcilie ceux qui s’entretuaient. Nous voulons marcher vers toi, mais aussi nous t’en prions, quand nous serons à bout de forces, viens et descends jusqu’à nous. Viens sauveur du monde, prince de paix ! Et que nous soyons pour t’accueillir une nation sainte et un sanctuaire intérieur, un temple spirituel. Viens et demeure en nous.

 

Amen !

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