Questionnement
Jean pose une question à Jésus : « Es-tu celui qui vient ? » Celui que nous attendons ? C’est un peu déconcertant. Jean ne savait-il donc pas qui était Jésus ? Nous sommes au chapitre 11 de Matthieu ; Jean était apparu dès le chapitre 3 pour annoncer celui qui vient derrière lui – c’est la même expression – et avait baptisé Jésus.
Et maintenant il semble avoir des doutes. Jésus annonce heureux celui qui ne trébuche pas par lui, qui n’est pas scandalisé – car le scandale au sens premier est une occasion de chute. Jean aurait été scandalisé. Aurait-il perdu la foi ?
La prison a sans doute été pour lui comme pour la plupart une terrible épreuve, propre à le désorienter, à amener des questionnements. Mais s’il a ce doute, il fait bien de s’adresser à Jésus pour lui demander une réponse. Ce n’est pas grave d’avoir des doutes, tant que la relation n’est pas rompue. Le maintien du dialogue, la conversation, dans la confiance et la sincérité, est plus important que le doute éventuel.
Nous pouvons être comme Jean, le plus grand et le plus petit. Il a cette humanité qui est aussi la nôtre. Avec ses failles, ses imperfections, il nous ressemble. Alors nous aussi, ayons l’authenticité, la vérité de poser nos questions au Christ.
Et puis Jean prêchait un changement radical. Il annonçait un baptême de purification, en parlant de colère, de hache et de feu. Or voici que Jésus est différent. Son souffle et son feu sont spirituels. Il apporte la guérison. Au chapitre 8, il purifie un lépreux, soigne des malades et des démoniaques. Au chapitre 9, un paralytique se lève, une jeune fille qu’on disait morte se réveille, deux aveugles ouvrent les yeux. Au chapitre 10, il envoie les douze :
« proclamez que le règne des cieux s’est approché. Guérissez les malades, réveillez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. » (Matthieu 10,7-8).
Tout cela se réalise, est raconté à Jean, est résumé dans la réponse de Jésus.
Alors Jean s’étonne. Jésus n’est pas tel qu’il l’imaginait. Il s’interroge, il a besoin de savoir. Mais cet étonnement est-il un doute, ou au contraire une admiration, un émerveillement ? C’est une deuxième interprétation possible, qui s’insère mieux dans le contexte lumineux de la mission des douze annonçant la proximité du royaume des cieux. Cette lumière atteint même l’intérieur de la cellule de la prison.
Alors Jean était porteur d’un message qui le dépassait. Il n’était qu’un simple messager. Il n’a pas perdu la foi, au contraire elle grandit encore. Il annonçait quelqu’un de plus puissant que lui. C’est maintenant qu’il commence à entrevoir vraiment qui est Jésus, et il en est bouleversé.
C’est dans la prison, comme avec le recul d’une retraite, privé du contact physique avec Jésus, simplement en écoutant les témoignages des autres, qu’il croit, que le Seigneur se révèle à lui, et qu’il trouve la confiance entière en Jésus. Et nous aussi, qui ne vivons pas au premier siècle, qui sommes privés de la vue concrète de Jésus terrestre, nous recevons en revanche tous ces témoignages. Nous pouvons nous en réjouir, car il nous est donné tout ce qu’il faut pour être sidérés, éblouis, illuminés nous aussi des actes du Christ.
En prison, Jean est comme effacé, amoindri physiquement et sûrement psychiquement. Mais c’est justement là qu’il laisse pleinement la place à Jésus. Notre impuissance à nous aussi peut être le lieu même de la rencontre avec le Christ. Nous diminuons, il grandit.
Jean ainsi que nous-mêmes, expérimentons ce que Paul exprime ainsi en 1 Corinthiens 12 :
« et il m’a dit : ‟Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse.” Je mettrai donc bien plus volontiers ma fierté dans mes faiblesses, pour que la puissance du Christ repose sur moi. » (1 Corinthiens 12,9).
Et c’est une profonde vérité spirituelle, que nous pouvons connaître dans notre vie. Dieu nous guérit pour autant que nous soyons malades. Il se montre sauveur pour nous, là où nous avons besoin d’être sauvés.