L'être de Jésus
Ce récit de Matthieu nous fait entrer dans ce mystère, en nous dévoilant des mots qui racontent l’essence de cet homme qui est plus qu’un homme. Fils de David. Christ, Messie. Jésus, le Seigneur sauve. Emmanuel, Dieu avec nous. Esprit saint, virginité, ange du Seigneur.
Dès le premier verset de Matthieu, Jésus est reconnu comme Christ et fils de David. Au début de notre séquence, au verset 18, à nouveau il est appelé Christ, c’est-à-dire le Messie attendu, consacré par l’onction de Dieu. Ce faisant, Matthieu le relie à toute l’histoire d’Israël, des hommes et des femmes depuis Abraham, et les rois de Juda.
Mais c’est Joseph qui est maintenant nommé fils de David par l’ange. Car c’est Joseph qui descend de la lignée de David, qui porte la promesse de Dieu pour le roi des Juifs. Par l’annonce de l’ange, par la parole du Seigneur, Joseph prend Marie chez lui, et nomme le fils qu’elle met au monde. Cela signifie qu’il devient père adoptif de Jésus. Et ainsi, Jésus devient légitimement fils de David, roi d’Israël.
Deux noms lui sont donnés de l’hébreu : Jésus et Emmanuel. Yéshoua veut dire « le Seigneur sauve ». C’est le même nom que Josué, même si par clarté nous distinguons Josué et Jésus en français. Josué est le successeur de Moïse, rempli de l’Esprit de Dieu, et celui qui fait entrer dans la terre que Dieu donne, une terre où coule le lait et le miel. Jésus est le successeur de Moïse, rempli de l’Esprit de Dieu, et celui qui nous fait entrer dans la terre promise, et dans le royaume des cieux.
L’ange explique le nom de Yéshoua : « Car lui, il sauvera son peuple de ses péchés ». Il annonce Jésus comme sauveur. Oui, Jésus ne cesse de sauver :
« Les aveugles retrouvent la vue, les infirmes marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts se réveillent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. » (Matthieu 11,5).
Et par sa croix et sa résurrection, il nous sauve du pouvoir du mal de la mort elle-même. Il nous précède, et nous fait voir et découvrir une existence nouvelle d’être humain sauvé, debout et image rayonnante de Dieu.
Immanouel se traduit « Dieu avec nous ». Cette promesse que Dieu est avec nous traverse toute la Bible, et encadre en particulier l’évangile de Matthieu. À cette annonce inaugurale de Dieu avec nous répond la phrase finale : « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Matthieu 28,20).
Dieu est avec nous. La présence de Dieu est donnée à son peuple en prière. Or voici que ce « Dieu avec nous » prend un supplément de sens : de façon très concrète et littérale, Jésus est Dieu avec nous. Il est donc Immanouel. Il est Dieu.
Et sans employer les mots de « fils de Dieu », tout ce récit exprime de la façon la plus concrète et vivante de sens, que Dieu est le père de Jésus.
Car le verset sur Immanouel est une citation d’Isaïe, dans les mots mêmes de la version grecque des Septante, interprété maintenant comme une naissance virginale. Joseph n’est pas le père biologique de Jésus, puisqu’il n’a pas eu de relations avec Marie jusqu’à la naissance. L’Esprit saint est à l’origine de la conception de l’enfant, l’ange du Seigneur l’annonce. Ainsi est-il affirmé dans le sens le plus fort que Jésus est fils de Dieu.
Dans la culture gréco-romaine de l’époque, l’empereur pouvait être appelé fils de Dieu, ou encore les héros de la mythologie. Zeus se métamorphose en taureau blanc pour enlever Europe, la fille du roi de Tyr, et potentiellement la violer, pour donner naissance à Minos roi de Crête. Rien de commun chez Matthieu, et la virginité permet d’éviter un contresens sur ce que veut dire « fils de Dieu ». Dieu n’a pas eu de relations sexuelles avec Marie sous une forme ou sous une autre.
Alors quelle est l’origine et l’essence de Jésus ? Les réponses sont d’une immense richesse : fils de roi, Messie, sauveur, Dieu avec nous, fils de Dieu. Son être n’est pas épuisé par ces mots. Au contraire, il y a un excès de sens que les mots peinent à dire, que les images même n’arrivent pas à décrire. Il nous dépasse toujours, et c’est la beauté de son mystère.
Ce récit ne dit pas tout, se tait sur l’essentiel : comment un être peut-il naître dans la chair par la seule grâce de l’Esprit saint ? Comment peut-il être à la fois pleinement humain et pleinement Dieu ? Qui est-il donc ? Oui, plus nous entrons dans le mystère et plus il paraît grand. Et plus nous connaissons le Christ, plus il nous reste encore inconnaissable et au-delà de nous.