Prédestinés ? (Éphésiens 1,3-14)

Prédication du dimanche 14 juillet 2024, au temple de Tence.

Bénis

Ce début de la lettre aux Éphésiens résume tout ce que Dieu a fait pour nous. Il nous a bénis, choisis, destinés d’avance, comblés, adoptés, rachetés, pardonnés, scellés du Saint-Esprit. Il nous a fait connaître, il nous a fait hériter. Nous avons entendu, espéré, et fait confiance.

 

Tout cela pour que nous puissions chanter sa gloire.

Tout cela par pure grâce.

 

Quelle bonté, quelle beauté dans tout ce qu’il a fait ! Merci Seigneur, infiniment, nous te célébrons.

 

Horizon

Deux fois il est dit que nous avons été prédestinés : « Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs. » « Nous avons été prédestinés pour être à la louange de sa gloire ceux qui ont d’avance espéré dans le Christ. »

 

J’aimerais étudier avec vous cette idée de prédestination. Je ne sais pas si vous aimez ce mot ; moi je ne l’aime pas beaucoup. Et pourtant il a été beaucoup développé par Saint Augustin d’abord, ensuite par Calvin et ses successeurs. Ils voulaient dire surtout que le salut ne vient pas de nous, mais du choix de Dieu seul, par pure grâce.

 

Destin

Dans prédestination nous entendons destin. Croyons-nous donc au destin ? Qu’est-ce que le destin ? Dès la Mésopotamie ancienne, il y a l’idée d’une tablette-aux-destins. L’avenir serait écrit. Dans la mythologie grecque, la Destinée personnifiée est une déesse. Quand nous parlons du destin, il reste un peu de cette divinité obscure qui aurait tout prévu, quelque chose d’une force spirituelle aveugle, d’une idole païenne.

 

Notre Dieu nous libère de l’esclavage des idoles, de l’esclavage à la déesse du destin. De toute évidence, si l’auteur de la lettre aux Éphésiens dit que nous sommes prédestinés, ce n’est pas pour dire que nous sommes assujettis à la fatalité en ce sens.

 

Dune et vent

En faisant varier la traduction, on peut éviter cette idée parasite et problématique du destin. Le verbe traduit par prédestiner est proorizô : pro veut dire avant, à l’avance ; et horizô fait penser à l’horizon, c’est la même racine. Horizô veut dire délimiter. L’horizon, c’est la limite de ce que nous pouvons voir. Ainsi Dieu nous a prédéfinis, il nous a délimité d’avance un espace. Et je dirais un espace de liberté dans un vaste horizon. Dans cet espace, voir l’avenir, ce n’est pas voir un chemin tout tracé, mais au contraire une infinité de chemins possibles. L’avenir est comme un désert de dunes, derrière lesquelles peut apparaître l’imprévu, ce qui n’est pas encore, avec un sable qui vole et se reconfigure.

 

Mais dans cet espace mouvant, il demeure une ligne fixe vers laquelle s’élève le regard : l’horizon, vers lequel nous allons. Nous sommes prédestinés, non pas au sens d’un destin qui enferme, mais d’une destinée qui a du sens, d’une destination ouverte.

 

Les possibles

Jésus dit : « Tout est possible à celui qui croit. » (Marc 9,23). « Tout est possible à Dieu. » (Marc 10,27). Et la traduction ne dit pas que ce sont des pluriels [πάντα δυνατὰ]. Toutes choses sont possibles à Dieu, et à celui qui croit. Dieu a dans sa main tous les possibles, et non un avenir unique et nécessaire, une infinité de possibles.

 

« Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. » (2 Corinthiens 3,17).

« Le vent souffle où il veut ; tu l’entends, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de quiconque est né de l’Esprit. » (Jean 3,8).

 

Pour le salut

Et c’est une prédestination heureuse. Selon ces versets aux Éphésiens, notre horizon, c’est l’adoption filiale et la louange. Augustin et Calvin ont élaboré ; constatant que tous ne croyaient pas, ils ont cru pouvoir en déduire que certains étaient prédestinés à la damnation. Pourtant, le constat que tous ne croient pas se limite au présent. Il ne dit rien de l’avenir. Même quand Jonas prophétise que Ninive sera détruite, cela ne se réalise pas, parce que la ville se convertit. Dieu espère toujours en l’être humain. Aussi sombre que s’annonce l’avenir, un autre avenir est toujours possible. Nul n’est prédestiné à la mort éternelle.

 

La volonté de Dieu est claire. Dieu veut le meilleur pour nous. Il le dit dans ces versets :

« Car je connais les projets que j’ai formés sur vous, dit l’Éternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l’espérance. » (Jérémie 29,11).

« Cela est beau et agréé de Dieu, notre Sauveur, qui veut que tous les humains soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » (1 Timothée 2,3-4).

« Or, la volonté de celui qui m’a envoyé, c’est que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné, mais que je le relève au dernier jour. » (Jean 6,39).

 

Ô notre Père, que ta volonté soit faite ! Et Dieu est puissant pour accomplir sa volonté, nous sauver, nous faire grâce, parachever sa création et dire : Que c’est bon ! Quelle beauté !

 

Choisis

La prédestination est liée à l’élection, au choix de Dieu. Oui, « il nous a choisis avant la fondation du monde », pour que nous devenions à son image et à sa ressemblance.

 

Dieu nous a choisis, c’est ce que dit aussi le livre du Deutéronome :

« Car tu es un peuple saint pour le SEIGNEUR, ton Dieu ; le SEIGNEUR, ton Dieu, t’a choisi pour que tu sois son bien propre parmi tous les peuples de la terre. Ce n’est pas parce que vous surpassez en nombre tous les peuples que le SEIGNEUR s’est épris de vous et qu’il vous a choisis, car vous êtes le plus petit de tous les peuples. C’est parce que le SEIGNEUR vous aime, parce qu’il a voulu garder le serment qu’il avait fait à vos pères. » (Deutéronome 7,6-8).

 

Ce n’est pas un choix qui exclut. Car en Jésus-Christ le salut est offert à tous.

 

Cette prédestination est belle, mais alors quelle liberté avons-nous ? Eh bien, Dieu ne s’impose pas, il se propose seulement. Il dépend de nous de lui dire oui ; nous avons la possibilité de dire non.

« J’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance, en aimant le SEIGNEUR, ton Dieu, en l’écoutant et en t’attachant à lui : c’est lui qui est ta vie, la longueur de tes jours, pour que tu habites sur la terre que le SEIGNEUR a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob. » (Deutéronome 30,19-20).

 

C’est une alliance d’amour. Quand deux personnes s’aiment, elles ont parfois l’impression que c’était leur destinée, que quelque chose d’inévitable s’est produit. Il y a là un peu de mysticisme romantique. Mais il y a aussi l’impression que cet amour nous dépasse, nous saisit, qu’il ne dépend pas de nous, qu’il est donné sans raison logique, et il est tellement intense qu’aucun autre choix ne peut être fait. Et en même temps, l’engagement des fiancés dans l’amour est suprêmement libre, entre eux se donne ce consentement, à cette question : « veux-tu ? », la réponse « oui ». Dieu demande « veux-tu ? », notre liberté pourra répondre « oui ».

 

Aimer c’est à la fois être choisi et choisir. Être choisi ne dépend absolument pas de nous, c’est la liberté de l’autre. Mais choisir dépend de nous.

 

Dieu tu nous aimes. Tu nous as bénis, et tu nous as choisis, et tu nous ouvres un horizon, une destination. En réponse nous voulons te choisir, et te dire oui. Nous voulons l’horizon de bonheur que tu veux pour nous. Mon Dieu, mon Père, je t’aime.

 

Amen.

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