Horizon
Deux fois il est dit que nous avons été prédestinés : « Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs. » « Nous avons été prédestinés pour être à la louange de sa gloire ceux qui ont d’avance espéré dans le Christ. »
J’aimerais étudier avec vous cette idée de prédestination. Je ne sais pas si vous aimez ce mot ; moi je ne l’aime pas beaucoup. Et pourtant il a été beaucoup développé par Saint Augustin d’abord, ensuite par Calvin et ses successeurs. Ils voulaient dire surtout que le salut ne vient pas de nous, mais du choix de Dieu seul, par pure grâce.
Destin
Dans prédestination nous entendons destin. Croyons-nous donc au destin ? Qu’est-ce que le destin ? Dès la Mésopotamie ancienne, il y a l’idée d’une tablette-aux-destins. L’avenir serait écrit. Dans la mythologie grecque, la Destinée personnifiée est une déesse. Quand nous parlons du destin, il reste un peu de cette divinité obscure qui aurait tout prévu, quelque chose d’une force spirituelle aveugle, d’une idole païenne.
Notre Dieu nous libère de l’esclavage des idoles, de l’esclavage à la déesse du destin. De toute évidence, si l’auteur de la lettre aux Éphésiens dit que nous sommes prédestinés, ce n’est pas pour dire que nous sommes assujettis à la fatalité en ce sens.
Dune et vent
En faisant varier la traduction, on peut éviter cette idée parasite et problématique du destin. Le verbe traduit par prédestiner est proorizô : pro veut dire avant, à l’avance ; et horizô fait penser à l’horizon, c’est la même racine. Horizô veut dire délimiter. L’horizon, c’est la limite de ce que nous pouvons voir. Ainsi Dieu nous a prédéfinis, il nous a délimité d’avance un espace. Et je dirais un espace de liberté dans un vaste horizon. Dans cet espace, voir l’avenir, ce n’est pas voir un chemin tout tracé, mais au contraire une infinité de chemins possibles. L’avenir est comme un désert de dunes, derrière lesquelles peut apparaître l’imprévu, ce qui n’est pas encore, avec un sable qui vole et se reconfigure.
Mais dans cet espace mouvant, il demeure une ligne fixe vers laquelle s’élève le regard : l’horizon, vers lequel nous allons. Nous sommes prédestinés, non pas au sens d’un destin qui enferme, mais d’une destinée qui a du sens, d’une destination ouverte.
Les possibles
Jésus dit : « Tout est possible à celui qui croit. » (Marc 9,23). « Tout est possible à Dieu. » (Marc 10,27). Et la traduction ne dit pas que ce sont des pluriels [πάντα δυνατὰ]. Toutes choses sont possibles à Dieu, et à celui qui croit. Dieu a dans sa main tous les possibles, et non un avenir unique et nécessaire, une infinité de possibles.
« Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. » (2 Corinthiens 3,17).
« Le vent souffle où il veut ; tu l’entends, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de quiconque est né de l’Esprit. » (Jean 3,8).