La volonté du père
Et pour cela, Jésus nous propose une parabole, qui comme si souvent, est beaucoup moins simple qu’il n’y paraît. Je voudrais vous faire part d’un commentaire qui m’a beaucoup étonné.
Jésus pose une question : « Lequel des deux a fait la volonté du père ? » À première lecture, j’ai répondu comme dans le texte : le premier, celui qui a dit « je ne veux pas », mais qui est allé finalement. C’est l’idée que les paroles sont vides de sens et sans valeur, si elles ne sont pas suivies d’effet. Les actes comptent plus que les mots.
Mais ce n’est pas si simple. Notons que ce sont les interlocuteurs de Jésus qui répondent « le premier », autrement dit les grands prêtres et les anciens du temple, ses adversaires. Et Jésus se garde bien de dire s’ils ont bien ou mal répondu, il sort de la parabole et enchaîne avec sa conclusion sur les collecteurs des taxes et les prostituées. Si Jésus ne répond pas, c’était peut-être une question rhétorique dont la réponse était évidente. Mais il faut se méfier des évidences et des apparences.
Et si c’était le second qui avait raison ? Celui qui dit : « Moi, seigneur ! », avec enthousiasme, nous pourrions dire avec foi, avec la foi qui sauve, quels que soient nos actes. En ce cas, une parole sincère compte plus que toutes les déficiences de nos œuvres. La parole compte plus que les actes.
Et justement, il n’est pas si simple d’assimiler celui qui a fait la volonté du père au premier et aux collecteurs d’impôts et aux prostituées. Eux, ils seraient plutôt les derniers. Or précisément, à travers les deux chapitres précédents, Matthieu 19 et 20, Jésus a dit : « Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. » (Mt 20,16). Et si ici le dernier était le premier ?
Les publicains et les prostitués viennent à Jésus sans le secours de leurs actes, qu’ils savent mauvais ; mais ils lui demandent pardon et expriment la volonté de changer pour le suivre. Ils ont cette parole de foi : « Moi, seigneur ! » Ils n’ont pas fait jusqu’ici, mais ils ont cru.
D’un autre côté, Jésus insiste sur la repentance. Il n’y a pas que la foi et les œuvres, entre les deux il y a la conversion. Ce que le premier a de commun avec les publicains et les prostituées, c’est qu’ils ont tous regretté leur attitude, et changé d’avis. Le même verbe est employé pour le premier de la parabole, qui a commencé par dire « je ne veux pas », et pour les publicains et les prostituées.
Alors, « Lequel des deux a fait la volonté du père ? » Et si la réponse était ni l’un ni l’autre ? Il n’y a pas deux attitudes possibles, il y en a quatre. Nous pourrions envisager un troisième personnage, qui dit « je ne veux pas », et qui n’y va pas. Il a au moins le mérite de la cohérence, de la franchise. Il n’est pas hypocrite. Il ressemble peut-être à un athée qui s’en revendique.
Oui finalement, quelle est la volonté du Père ? Que nous disions oui Seigneur, et que nous allions œuvrer à sa vigne. Que notre oui soit oui, que nos paroles soient vraies, que nous fassions ce que nous disons. C’est le quatrième personnage, et à lui nous voudrions ressembler sans ambiguïté. Nous voudrions ressembler à Jésus, lui qui est uni au Père, en harmonie avec sa volonté, de sorte qu’il l’accomplit parfaitement.