Des nations et des rois
Il y a cette belle utopie, cette promesse encore à venir de Jérusalem en joie, une ville ouverte attirant toutes les nations. Et ces étrangers de toute la terre qui viennent à Jérusalem sont le début d’une nouvelle ère lumineuse. Quand entre Israéliens et Palestiniens des murs se construisent, des murs matériels et des murs d’incompréhension, de haine et de volonté de vengeance, Ésaïe annonce : « Tes portes seront constamment ouvertes, elles ne seront fermées ni le jour ni la nuit, afin de laisser entrer chez toi les ressources des nations, leurs rois avec leur suite. »
Les étrangers sont vus comme des rois, apportant des richesses au pays. Le nationalisme monte en France et dans de nombreux pays. Ésaïe annonce l’accueil de toutes les nations, une cité multinationale. D’un point de vue économique, Ésaïe a raison. La prospérité vient des échanges, et pas de l’autarcie. Les immigrés font la richesse du pays, ils produisent et consomment, ils rajeunissent sa population, ils payent les retraites, ils apportent les idées nouvelles de leur culture. J’ai écouté un beau reportage sur des cuisiniers étrangers qui apportent leur patrimoine gastronomique et qui marient les saveurs en adaptant leurs recettes familiales au goût français. La cuisine française est le carrefour d’influences d’une multitude de pays.
L’immigration est positive. Le portrait des immigrés, l’image de l’immigration qui nous est habituellement présentée est non seulement injuste, mais simplement fausse. Elle déforme la réalité. L’INSEE montre que les immigrés s’intègrent. Elle écrit :
« Les généalogies se diversifient avec la mixité des unions au fil des générations : parmi les descendants d’immigrés de deuxième génération, plus d’un sur deux a un seul parent immigré ; parmi ceux de troisième génération âgés de moins de 60 ans, neuf sur dix n’ont qu’un seul ou deux grands-parents immigrés. » (Immigrés et descendants d’immigrés, INSEE Références, 2023).
La Genèse nous donne une autre image : toutes les nations sont les descendants de Noé, qui ont repeuplé la terre après le déluge (Genèse 10). C’est le renouveau de la vie.
Abraham, Isaac, Jacob, sont des nomades en constante migration ; et avec Joseph, les douze fils d’Israël immigrent en Égypte. Qui donc peut dire qu’à un certain degré, il n’est pas un enfant d’immigré ?
Les nations étrangères qui viennent à Jérusalem, c’est nous, dans la mesure où nous ne sommes pas juifs, et pourtant nous pouvons entrer dans la cité sainte. Car Dieu n’est plus seulement le Dieu d’Israël, mais de toutes les nations.
Au nationalisme qui mène à la guerre, Ésaïe oppose une vision de convergence internationale vers Jérusalem, parce qu’elle rayonne de la lumière de Dieu. Jérusalem dépasse alors la Jérusalem terrestre, humaine, localisée, historique. Il serait une erreur de s’attacher à un lieu particulier. Dans le pentateuque, la Tora, le nom de Jérusalem n’apparaît pas, mais seulement « le lieu que le Seigneur choisira pour y faire demeurer son nom. » C’est la possibilité d’un lieu spirituel, le cœur humain où demeure l’Esprit saint. Notre cité est dans les cieux, la cité sainte qui descend vers nous. Cette citoyenneté spirituelle fait de chaque être humain un semblable. Chaque être humain devient même un frère, une sœur, parce que nous avons le même père créateur.