Fête
Un deuxième oubli : la fête. Dans son approche très sérieuse du shabbat, il oublie que c’est un jour de fête. La religion devient une loi, comme l’éthique austère du protestantisme. Mais le shabbat a deux interprétations, en lien avec les deux versions différentes des dix paroles.
D’abord, la création. En Exode 20, il est écrit :
« Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, et il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le sabbat et en a fait un jour sacré. » (Exode 20,11)
Le shabbat est le jour où Dieu a achevé toute son œuvre créatrice. Le shabbat rappelle que Dieu est créateur. La guérison prend tout son sens comme une nouvelle création de l’être humain, une nouvelle naissance.
Et puis la libération. Dans la deuxième variante du décalogue, en Deutéronome 5, nous lisons :
« Tu te souviendras que tu as été esclave en Égypte et que le Seigneur, ton Dieu, t’en a fait sortir d’une main forte, d’un bras étendu : c’est pourquoi le Seigneur, ton Dieu, t’a ordonné de célébrer le jour du sabbat. » (Deutéronome 5,15).
Le shabbat célèbre la délivrance de l’esclavage par la puissance de Dieu. Il est donc parfaitement approprié que Jésus accomplisse un acte de puissance, et libère l’humain de la maladie et de tout ce qui rend esclave.
Il est donc non seulement permis, mais juste et beau de guérir le jour du shabbat ; ainsi Jésus révèle la vraie signification de ce jour. Un jour de joie, de création, de liberté, pour la vie de l’être humain.
Et la guérison se fête. Cette invitation au repas devrait donc être une fête pour tous. Mais au lieu de solidarité, voilà que cela devient une compétition impitoyable. Chacun regarde les autres, se compare, admire ou juge. Rien n’a beaucoup changé aujourd’hui. La politique et la géopolitique deviennent pire qu’une jungle, car il y a des coopérations et des symbioses dans l’écosystème de la jungle. Le plus fort impose sa loi au lieu de chercher une solution équitable, symétrique, réciproque et juste. Chacun cherche à être le plus médiatique, le plus riche, le plus beau, le meilleur influenceur, le meilleur chef d’entreprise, le plus grand. Et les chutes pour affaires de viol ou de vol sont aussi spectaculaires. Quiconque s’élève sera abaissé.
Jésus rappelle que le repas n’est pas une grande foire de l’image de soi, mais comme un festin de noces, où nous nous réjouissons ensemble avec l’époux et l’épouse. Pour que l’invitation soit encore une fête, un peu moins d’égo, un peu plus d’humilité, et l’atmosphère s’allège, la joie du shabbat, c’est-à-dire des vacances, est retrouvée. Louer Dieu, l’adorer est une fête, et c’est trop oublié.