Invitation (Luc 14,1-14)

Prédication du dimanche 31 août 2025 à Saint-Agrève

Guérison

Jésus est invité à manger chez un chef des pharisiens. Le point de départ est donc positif : tous les pharisiens ne sont pas ennemis de Jésus ; celui-ci semble être un ami, ou au moins quelqu’un qui s’intéresse à Jésus et désire mieux le connaître. Ce repas est l’occasion de parler ensemble, dans une ambiance conviviale, et peut-être à la manière grecque des conversations philosophiques, comme dans le Banquet de Platon.

 

Nous pouvons aller au culte comme à l’invitation pour un repas, en espérant la nourriture céleste de la parole et la Sainte Cène. Non seulement il y a des gestes rituels, mais aussi une réflexion. Nous pouvons nous poser des problèmes théologiques et des questions éthiques comme celle que pose Jésus : « Est-il permis ou non de soigner, de faire une thérapie, au shabbat ? » Et peut-être que nous sommes contents, si nous avons reçu des réponses inattendues à ces questions, si nous avons été nourris d’une réflexion neuve, d’une parole puissante.

 

C’est bien d’être nourri ; c’est encore mieux d’être guéri. À côté des pharisiens, il y a cet homme malade, hydropique. Hydro, c’est l’eau ; cet homme est rempli d’eau, il a des œdèmes, il est bouffi, boursouflé, gonflé, peut-être même obèse. Et parmi les invités, il n’est peut-être pas le seul à être trop rempli de lui-même.

 

Face à la réalité de cet homme en souffrance, la réflexion éthique sur ce qui est ou non autorisé par la règle du shabbat est tout simplement hors sujet. D’ailleurs les pharisiens sont gênés, ils ne peuvent rien dire, ils n’ont pas l’indécence de défendre une application maximaliste du repos du shabbat.
Mais même leur silence indifférent est choquant, tant il révèle l’insensibilité à la souffrance du prochain.

 

Jésus répond en substance : Je ne suis pas ici pour débattre d’éthique. Je suis ici pour sauver et guérir celui qui souffre. Et je crois que nous aussi, dans notre foi, nous avons besoin de ce recentrage. Qu’attendons-nous de Dieu ? Est-ce que nous attendons vraiment qu’il nous sauve, qu’il change tout, qu’il soulage les peines de notre vie ? Est-ce que prier est une habitude, ou un besoin vital ? Est-ce que nous allons à Jésus en nous réjouissant de nous abreuver encore à la source du bonheur, à l’eau vive et fraîche jaillissante ? Oui, il y a un enjeu dans la foi. Jésus n’est pas seulement un maître et un enseignant, avant tout il nous libère. Il soigne nos cœurs, il guérit !

 

Le pharisien n’a rien fait de mal, il est un bon pratiquant, fidèle et même scrupuleux. Mais il n’a pas découvert, ou il a oublié, que Jésus est son sauveur !

Fête

Un deuxième oubli : la fête. Dans son approche très sérieuse du shabbat, il oublie que c’est un jour de fête. La religion devient une loi, comme l’éthique austère du protestantisme. Mais le shabbat a deux interprétations, en lien avec les deux versions différentes des dix paroles.

 

D’abord, la création. En Exode 20, il est écrit :

« Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, et il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le sabbat et en a fait un jour sacré. » (Exode 20,11)

Le shabbat est le jour où Dieu a achevé toute son œuvre créatrice. Le shabbat rappelle que Dieu est créateur. La guérison prend tout son sens comme une nouvelle création de l’être humain, une nouvelle naissance.

 

Et puis la libération. Dans la deuxième variante du décalogue, en Deutéronome 5, nous lisons :

« Tu te souviendras que tu as été esclave en Égypte et que le Seigneur, ton Dieu, t’en a fait sortir d’une main forte, d’un bras étendu : c’est pourquoi le Seigneur, ton Dieu, t’a ordonné de célébrer le jour du sabbat. » (Deutéronome 5,15).

Le shabbat célèbre la délivrance de l’esclavage par la puissance de Dieu. Il est donc parfaitement approprié que Jésus accomplisse un acte de puissance, et libère l’humain de la maladie et de tout ce qui rend esclave.

 

Il est donc non seulement permis, mais juste et beau de guérir le jour du shabbat ; ainsi Jésus révèle la vraie signification de ce jour. Un jour de joie, de création, de liberté, pour la vie de l’être humain.

 

Et la guérison se fête. Cette invitation au repas devrait donc être une fête pour tous. Mais au lieu de solidarité, voilà que cela devient une compétition impitoyable. Chacun regarde les autres, se compare, admire ou juge. Rien n’a beaucoup changé aujourd’hui. La politique et la géopolitique deviennent pire qu’une jungle, car il y a des coopérations et des symbioses dans l’écosystème de la jungle. Le plus fort impose sa loi au lieu de chercher une solution équitable, symétrique, réciproque et juste. Chacun cherche à être le plus médiatique, le plus riche, le plus beau, le meilleur influenceur, le meilleur chef d’entreprise, le plus grand. Et les chutes pour affaires de viol ou de vol sont aussi spectaculaires. Quiconque s’élève sera abaissé.

 

Jésus rappelle que le repas n’est pas une grande foire de l’image de soi, mais comme un festin de noces, où nous nous réjouissons ensemble avec l’époux et l’épouse. Pour que l’invitation soit encore une fête, un peu moins d’égo, un peu plus d’humilité, et l’atmosphère s’allège, la joie du shabbat, c’est-à-dire des vacances, est retrouvée. Louer Dieu, l’adorer est une fête, et c’est trop oublié.

Tous invités

Alors Jésus nous appelle à retrouver le goût de l’abaissement, de la modestie, de la vérité enfin, sans misérabilisme. Libres de ne plus porter de masque. Un peu moins bouffis d’orgueil, un peu plus authentiques, nous savons qu’au fond nous aussi, nous avons des faiblesses et des tristesses, nous avons besoin d’être guéris.

 

Les pauvres, les estropiés, les infirmes ne sont pas que les autres. Nous aussi, nous sommes tout cela. Nous sommes diminués, handicapés. La bonne nouvelle, alors, c’est que notre Père du ciel, en voyant son enfant tomber dans un puits, nous en fera sortir sans perdre un seul jour, comme il a fait sortir son peuple du pays de l’esclavage.

 

Le message d’égalité radicale, de liberté entière est pour nous. À nous d’inviter le Christ dans notre vie, et de lui réserver la première place. Seigneur, viens guérir chacune et chacun de nous, et nous goûterons la fête de ta présence !

Amen !

 

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