Aimez vos ennemis
Jésus nous propose ce qui paraît humainement impossible. Il nous invite à un cœur nouveau, un cœur de chair.
Premier paradoxe : aimez vos ennemis. Aimer ses amis, c’est naturel, c’est humain. Aimer ses ennemis, c’est surhumain, c’est céleste.
L’ennemi a envers nous de l’inimitié, de l’hostilité voire de la haine. Et il faudrait y répondre par l’amour ! Souvent nos ennemis, ceux qui nous ont fait du mal, nous ont blessés, nous ont trahis, nous ne pouvons pas les aimer sans ressentiment, sans rancœur. Nous les craignons encore et nous les regardons de travers, par en-dessous, avec une méfiance justifiée par l’expérience. Ils nous empoisonnent l’existence. Et Dieu nous en libère.
Quelle liberté est celle de David, lorsqu’il épargne Saül qui le pourchasse pour le tuer ! Quelle force dans le non-usage de la force ! David ne se sent pas menacé par Saül, il n’a pas besoin de l’éliminer. Il a pleinement confiance en Dieu pour être en parfaite sécurité et sérénité.
Tout se joue dans la manière de regarder l’autre. Abishaï présente Saül à David comme « ton ennemi ». David répond en le désignant comme « celui qui a reçu l’onction du Seigneur », « le Messie de Yahwé ». En Saül il ne voit pas l’homme psychotique, paranoïaque et maniaco-dépressif, sanguin et sanguinaire. Il voit toujours le roi légitime que Dieu a choisi et consacré.
Voir le meilleur en l’autre, voir l’autre comme Dieu le voit et l’aime, tel est le secret pour aimer notre ennemi. Voir derrière la brute bestiale l’humain qui souffre et l’étincelle divine qu’il recèle comme un potentiel de lumière.
Aimer ses ennemis, c’est contre-intuitif, et par là même désarmant. Saül découvre que David l’aime, dès lors il ressent l’absurdité de sa jalousie qui l’aurait conduit à tuer un ami. Saül est apaisé. David lui fait confiance tel qu’il est, et cela lui fait beaucoup de bien.
Et même si Saül ne devient pas le roi sage qu’il aurait pu être, et demeure un ennemi, et ne s’adoucit que temporairement et superficiellement, David a-t-il eu tort de faire le pari de la confiance, de la générosité ? Dieu regarde au cœur. Dieu lui-même a voulu faire confiance à Saül, le bénir et l’inspirer, car Saül est appelé prophète. Faire confiance est juste, même si ce n’est pas une garantie de succès. Dieu nous renouvelle sans cesse sa confiance, alors même que nous nous en montrons si peu dignes, et que nous le décevons si fréquemment.
Aimez vos ennemis envers et contre tout, comme une voix prophétique d’un autre monde.
Et concrètement cet amour signifie bénir et prier spécialement pour ceux qui nous hérissent ou nous dégoûtent et que nous n’arrivons pas à aimer. Dans la prière en communion avec Dieu, nous puisons de lui cet amour qui nous fait défaut et qui ne peut venir de nous-mêmes. Nous recevons la guérison pour toutes nos blessures, nous sommes fortifiés, et alors l’impossible pardon devient possible ; Dieu nous libère de la rancune qui nous ronge, ou de la peur qui nous limite.