Armement spirituel (Éphésiens 6,10-20)

Prédication du dimanche 15 octobre 2023

Éthique et armement

En 1938, le pasteur luthérien américain Frank Buchman lance un mouvement pour le réarmement moral. Après la guerre, ce mouvement a continué d’œuvrer par des conférences pour la paix et la réconciliation entre les peuples, en invitant les dirigeants au plus haut niveau, et toujours avec une dimension spirituelle.

Le réarmement moral a changé de nom pour devenir initiatives et changement. En effet, le nom de réarmement moral paraissait un peu désuet, daté par son contexte d’entre-deux guerres.

Mais aujourd’hui de nouveau, il est question d’armement. La France envoie des armes à l’Ukraine, pour qu’elle puisse se défendre contre la volonté impériale et totalitaire de Poutine.

L’Ancien Testament a été beaucoup critiqué pour sa violence. Les auteurs des psaumes semblent sans cesse entourés d’ennemis. Mais si nous nous mettons un instant à la place de ceux qui subissent la guerre et tous ses crimes, qui vivent dans l’insécurité permanente, alors nous comprenons mieux que oui, la Bible parle de violence, parce que c’est une réalité humaine. Beaucoup d’entre nous n’ont jamais connu de guerre. Nous pouvons louer Dieu pour la paix qu’il nous a donnée, que nous prenons trop souvent comme un dû et comme un acquis. Mais la guerre est souvent l’arrière-plan de la Bible, d’où la violence parfois de ses mots. D’où aussi sa pertinence nouvelle quand la guerre éclate une fois de plus.

Je n’ai pas pris aujourd’hui le texte du jour, car nous sommes pris par l’actualité si terrible de la guerre, en Israël et Palestine, en Ukraine, en Arménie. Nous en sommes les spectateurs impuissants, démunis. Ou bien plutôt, nous avons une puissance, nous avons des munitions, elles sont spirituelles. Nous avons la prière, nous avons l’Esprit-Saint. La lettre aux Éphésiens s’applique parfaitement à notre contexte d’aujourd’hui.

Que faire face à la guerre ?

Avant de laisser donc aux soldats et citoyens les considérations militaires et géopolitiques, il me semble utile de donner un éclairage éthique sur la guerre. Il existe deux attitudes éthiques, et je ne peux pas trancher définitivement en faveur de l’une ou de l’autre : une éthique de conviction, et une éthique de responsabilité, selon les mots du sociologue Max Weber.

L’éthique de conviction se fonde sur un principe absolu, sur un impératif catégorique. « Tu ne tueras point » (Exode 20,13). Et au moment même de son arrestation, juste avant sa mort, Jésus ne résiste pas, et dit : « Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée. Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père, qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges ? » (Matthieu 26,52-53). C’est le pacifisme parfait, qui choisit de ne pas résister au mal, mais de désarmer le mal par le bien.

L’éthique de responsabilité envisage les conséquences. Elle accepte de commettre un mal afin d’éviter un mal pire encore. Elle accepte qu’une personne meure, pour que d’autres vivent. C’est l’éthique de David qui tue le géant Goliath. C’est l’éthique du pasteur allemand Dietrich Bonhoeffer qui participe à un attentat contre Hitler. L’éthique de responsabilité choisit de se défendre et de résister.

L’éthique de conviction demeure l’idéal en Christ ; l’éthique de responsabilité est parfois réaliste dans le monde tel qu’il est.

L'ennemi n'est pas l'être humain

Nous aujourd’hui, qui sommes encore dans un pays en paix, nous sommes appelés non pas à prendre les armes, mais à un réarmement moral, à un combat spirituel. « Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous » dit Jésus dans le livre des Actes (Actes 1,8). Et l’auteur de la lettre aux Éphésiens écrit : « Soyez puissants dans le Seigneur » ou encore « soyez dynamiques », « fortifiez-vous dans le Seigneur ». Et cela ressemble à ce que Dieu dit à Josué : « Sois fort et courageux ! » (Josué 1,6), à Gabaon (Juges 6,14) : « Va avec cette force que tu as ! »

La lettre aux Éphésiens, que son auteur soit Paul lui-même ou ses compagnons ou ses successeurs, se place dans le contexte de la captivité de Paul, enchaîné, impuissant, victime du pouvoir politique et militaire des Romains, objet de contraintes et de violences physiques.

Or dans ce contexte précisément, la lutte devient spirituelle. « Ce n’est pas contre le sang et la chair que nous luttons », ce n’est pas contre des êtres humains, ni contre le Romain, ni contre le Russe, ni contre l’Azerbaïdjanais, ni contre le Palestinien, que nous luttons. Contre qui alors, contre quoi ? Contre les méthodes du diable. Diable, voilà un mot redoutable. Le diable existe-t-il ? Ou plutôt, comment donner sens aujourd’hui à ce mot que nous trouvons dans la Bible ? Soit dans une vision rationaliste du monde, nous refusons de personnifier le mal, et considérons que le diable n’est qu’une force aveugle et non une entité consciente. Soit nous acceptons de rester proches d’une vision antique du monde plus enchantée, avec un langage métaphorique, et nous voyons dans le mal une puissance spirituelle animée d’une volonté. Il y a des risques de chaque côté. D’un côté si nous nions l’existence du diable, nous risquons d’entendre difficilement ce que la Bible peut nous dire par ce langage ; et puis aussi la responsabilité du mal, si elle n’est plus portée par le diable, repose de façon écrasante sur les seules épaules de l’homme. De l’autre côté, si nous croyons au diable, attention à ne pas en faire un second dieu comme dans le manichéisme qui met en scène la lutte entre un dieu don et un dieu mauvais – non, le diable n’est jamais l’égal de Dieu, il ne peut pas lui résister. Et attention aussi à ne pas transposer la dimension spirituelle du diable dans notre monde matériel, à ne pas voir partout le diable, dans nos ennemis militaires, nos adversaires politiques ou religieux, ou simplement tous ceux qui sont en désaccord avec nous-mêmes.

Le diable divise, puisqu’il est le diviseur. Mais au fond, la question n’est pas de savoir ce qu’est le diable exactement. Car nous voyons clairement que le mal existe. Ici il est appelé principautés, autorités, empires et emprises des ténèbres. Il a une dimension de pouvoir politique, de domination. Je dirais que c’est parfois la volonté de l’idéologie, du nationalisme, de la désinformation, du phénomène de masse, de la fascination collective, ou la force aveugle et involontaire du système, du manque de lucidité, des préjugés, de notre inconscient, de notre passé, de notre rancœur, de tout ce qui nous tient esclaves et non pleinement libres et heureux.

Première révolution donc, l’ennemi n’est pas l’être humain, mais ce qui le tient sous son pouvoir. Cela permet à Jésus de dire « Aimez vos ennemis », ceux qui sont nos frères et sœurs humains (Matthieu 5,44).

Panoplie pacifique

Deuxième révolution, le combat n’est plus physique mais spirituel. Entrez dans les chars de la douceur, lancez les missiles de l’amour, protégez-vous dans les tranchées de la présence de Dieu. Quelle subversion du vocabulaire de la guerre ! Quelle neutralisation, quel désarmement !

Dieu nous donne un vêtement, qui est une panoplie spirituelle, panoplia en grec qui signifie toute l’armure, tout l’armement nécessaire.

Et nous allons voir que ces armes spirituelles sont très actuelles.

Autour des reins, la ceinture, le pagne de la vérité. La vérité contre les mensonges, les fausses nouvelles, les rumeurs, les calomnies, les mauvais influenceurs, les fausses promesses des publicités et des gourous, les algorithmes aux effets pervers, les données fabriquées par l’intelligence artificielle.

La cuirasse de la justice, contre toutes les attaques injustes ; contre tous les dénis de justice et l’impunité, contre les crimes de guerre et les crimes tout court, contre les massacres, les violences et les viols.

Les chaussures qui donnent l’élan pour annoncer la bonne nouvelle de la paix. La paix contre toutes les guerres, voilà l’évangile, qui est toujours aussi bouleversant.

Le bouclier de la foi. La foi contre l’athéisme soviétique et les méthodes du KGB encore en vigueur, contre l’athéisme de notre société, contre l’idolâtrie des idéologies nationalistes, mais aussi contre le fanatisme, et contre l’hypocrisie religieuse.

Autour de la tête le casque du salut, qui nous sauve contre la mort.

Enfin l’épée du souffle du Saint-Esprit, de la parole de Dieu. Des mots inspirés contre la violence ; des prières et des bénédictions contre les critiques mesquines, les insultes et la diffamation, le harcèlement moral, les paroles de haine sur les réseaux sociaux.

Que Dieu nous donne ces armes qui désarment, cette panoplie pacifique. Que nous puissions le revêtir.

Ô Jérusalem

Quant à Jérusalem, que Dieu réalise cette vision du prophète Zakharie (Zakharie 2,5-9) :

« Je levai les yeux et je vis un homme qui tenait à la main un cordeau à mesurer.

Je dis : Où vas-tu ? Il me dit : Je vais mesurer Jérusalem pour voir quelle est sa largeur et quelle est sa longueur.

Alors le messager qui parlait avec moi sortit, et un autre messager sortit à sa rencontre.

Il lui dit : Cours dire à ce jeune homme : Jérusalem sera une ville sans murailles, tant les humains et les bêtes y seront nombreux. Je serai moi-même pour elle – déclaration du SEIGNEUR – une muraille de feu tout autour ; et je serai sa gloire au milieu d’elle. »

Jérusalem sera une ville ouverte, elle n’a pas de limite, elle peut s’étendre à toutes les nations, au monde entier. On ne pourra pas la mesurer. Elle sera inclusive et non exclusive. Elle est donnée, elle n’est pas à conquérir par la force. Dieu nous donne toute la terre, une terre qui ruisselle de lait et de miel. La terre promise n’a pas de frontière, elle appartient à tous.

Jérusalem, la Jérusalem céleste, est une ville spirituelle, une nouvelle terre. C’est pourquoi nous avons besoin d’armes spirituelles et pacifiques. Jérusalem c’est la ville de la paix. Le Seigneur y habitera, c’est lui notre espérance, c’est lui notre seule muraille, de feu et d’Esprit-Saint.

Viens Esprit Saint. Seigneur, nous te prions pour ces peuples qui s’entretuent. Notre seule arme, c’est la prière en ta présence, et c’est une arme puissante. Seigneur Jésus, tu as dit :

« Je vous ai parlé ainsi pour que vous ayez la paix en moi. Dans le monde, vous connaissez la détresse, mais courage ! Moi, j’ai vaincu le monde » (Jean 16,33).

Amen.

Rameau d'olivier

Afin de visualiser les vidéos il est nécessaire d'accepter les cookies de type analytics

La Fédération protestante de France condamne fermement les attaques du Hamas contre Israël.

(NB : Ce communiqué de presse date du 9 octobre 2023. Il n’a donc pas pu prendre en compte l’attaque en riposte de la bande de Gaza par l’armée israélienne, et la catastrophe humanitaire qu’elle a causée).

Contact