Faire le possible comme une cerise
Les foules demandent d’abord : « Que devons-nous faire ? » Et peut-être avec l’histoire du christianisme, avec le rapport protestant aux œuvres, avec l’éducation que nous avons reçue, cette idée de devoir faire des choses est angoissante, et nous y résistons.
En fait, au verset précédent, Jean a parlé de faire un beau fruit. C’est alors que les foules répondent : « Que devons-nous faire ? » Elles lui demandent d’expliciter concrètement l’image de faire un beau fruit.
Et en fait la réponse de Jean est libératrice. Dieu demande des choses faciles.
Il nous dit : tu as déjà de quoi donner. Si tu as deux tuniques, tu as déjà assez pour partager. Je crois ne pas me tromper en disant que tous dans cette salle nous avons au moins deux tuniques. La bonne nouvelle c’est que tu es riche. Riche de plusieurs tuniques, riche aussi de nombreux dons de Dieu. Et si par hasard dans un domaine tu n’as rien, tu te trouves totalement démuni, alors un frère, une sœur va pouvoir t’aider en partageant avec toi.
Et j’espère aussi que vous avez de quoi manger, sinon dites-le et nous partagerons. Ce sont des besoins simples. Juste une tunique et de quoi manger, voilà une sobriété qui ferait plaisir aux écologistes. C’est pratiquement suffisant.
Mais aussi, si vous avez une nourriture spirituelle, quelque chose d’essentiel et de vital, partagez-la. Le Christ est la vraie nourriture. Et si vous avez un vêtement spirituel, si vous avez revêtu le Christ, alors vous pouvez commencer à vous occuper de donner le vêtement du Christ aux autres. Car à la croix, les soldats se sont partagés les vêtements du Christ, et ont tiré au sort sa tunique. Toute l’humanité pourra revêtir le Christ, même les païens.
Et justement, viennent à Jean pour être baptisés des gens peu recommandables, les soldats et les collecteurs de taxes. Vont-ils être rejetés ? Ou va-t-il exiger d’eux qu’ils quittent tout pour le suivre, qu’ils vendent tout ce qu’ils ont, qu’ils changent de métier, qu’ils perdent tout pour gagner la vie ? Eh bien non. Ici Jean nous dit : Tu peux être ce que tu es. Tu n’es pas obligé de devenir pasteur ou apôtre pour suivre le Christ. Tu es le bienvenu, même en restant soldat ou collecteur de taxes. Il n’y a pas de métier en soi honteux ou immoral, efforce-toi simplement de bien faire ton travail, honnêtement, sans vol ou violence, sans abus de pouvoir.
Il ne demande pas l’impossible. Il n’y a pas de pression. La sainteté est pour toi là où tu es, dans ton métier quel qu’il soit. Tu peux porter des beaux fruits de soldat, des beaux fruits de collecteur de taxes.
L’éthique proposée par Jean n’est-elle pas libératrice et féconde ?
D’ailleurs, un arbre ne produit pas un fruit en étant stimulé à coups de fouet, ou en imposant la cadence d’une usine. Il prend son temps, il le fait à son rythme et à la saison qui lui convient. Il fait un fruit s’il est en bonne santé, s’il a pu grandir, recevoir du soleil, de l’eau, et une bonne terre. Il produit un fruit s’il est épanoui, heureux. C’est ce que Dieu pour nous. Porter du fruit, ce n’est pas la loi des œuvres, mais c’est la cerise sur le gâteau.