Tout lâcher
Ce jour-là, Simon, Jacques et Jean ont battu tous les records de pêche. Pourtant, après cette rencontre, ils abandonnent tout. Ils quittent les barques et les poissons, parce que c’est Jésus qu’ils suivent. Ils ont trouvé ce qui faisait sens, celui qui donnait une direction à leur vie, comme une boussole.
Il les emmène vers un changement de vie, une nouveauté.
Il ne sera plus question de poissons mais d’êtres humains : ils rassembleront une multitude d’êtres humains. D’un point de vue végétarien, c’est une bonne nouvelle pour les poissons et la biodiversité. C’est aussi une bonne nouvelle pour les humains. Car le verbe employé est un mot composé du verbe chasser, pêcher, et du mot vie ; ainsi il signifie capturer vivant, prendre et laisser la vie sauve, et même ranimer, rendre à la vie. Les disciples appelés par Jésus ne vont pas faire des prisonniers à la façon dont ils encerclaient les poissons pour les capturer. Au contraire, ils vont amener à la vie un grand nombre qui formera une assemblée pour la vie, qui sera appelée Église.
Ekklêsia désigne en grec une assemblée, y compris au sens politique de l’assemblée nationale ; ce sera l’assemblée des croyants. Mais ekklêsia signifie étymologiquement « appelé hors de », dans l’idée d’une convocation, d’une invitation, d’une vocation.
Cet appel et cette vie nouvelle prend sa source dans l’expérience de la découverte, du dévoilement, de la révélation de Jésus-Christ. Simon nomme Jésus Seigneur. Face au divin, il dit : « Seigneur, éloigne-toi de moi : je suis un homme pécheur. » Il réagit comme le prophète Ésaïe : « Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures et mes yeux ont vu le roi, le SEIGNEUR de l’univers. » C’est ce vertige devant l’absolu, un abîme d’une profondeur encore plus grande que celle du lac, qui provoque cette crainte de Dieu, cette vénération, cette conscience soudaine que je ne serai jamais pur devant la parfaite sainteté de Dieu, du Dieu trois fois saint, le Seigneur de l’univers. Sa gloire remplit toute la terre !
Mais voilà que le séraphin purifie la bouche, les lèvres qui annonceront désormais la parole de Dieu : « Ta faute est écartée, ton péché est effacé. »
Ésaïe est envoyé, il reçoit sa vocation de prophète dans cette expérience mystique, dans cette intuition de la gloire de Dieu. Et il dit : « Envoie-moi ! » C’est lui qui demande à être envoyé. Quand Dieu nous envoie, il ne le fait pas comme un ordre qui nous violerait, qui nous arracherait à ce que nous sommes, qui forcerait notre liberté. Non, il nous envoie d’une parole qui répond à notre désir profond, qui nous révèle à nous-mêmes. Et être envoyé par Dieu, ce n’est pas forcément être un apôtre missionnaire dans toute la Méditerranée, c’est simplement, là où nous sommes et tels que nous sommes, réaliser que le Christ est vraiment pour nous la voie de la vie. Oui, il donne en abondance et nous comble avec une étonnante facilité, au lieu même où nous avions épuisé toutes nos forces dans la nuit spirituelle.
***
Seigneur, je veux t’écouter et boire tes paroles. Je veux avancer en profondeur. Je veux que tu changes mes désespoirs en espérance. Je veux quitter le superflu, pour être libre et être avec toi. Je veux que tu m’orientes toujours plus au-delà des rivages de la terre, vers toi et vers les êtres humains assemblés pour la vie.
Amen.