L’aurore (Marc 16,1-8 et Colossiens 3,1-4)

Prédication du dimanche de Pâques 31 mars 2024

Une annonce lumineuse

Au milieu de cette frayeur, de ces questions, de ce tombeau, et de ce vide, apparaît ce jeune homme en blanc, qui annonce : « il est ressuscité ! ». Une annonce très claire et lumineuse.

 

C’est l’aurore, le point du jour, le soleil commence à paraître. Nous sommes le lendemain du shabbat, donc après le repos du septième jour : nous sommes le huitième jour qui est aussi le premier, un jour de commencement, où va naître du neuf, une nouvelle création.

 

Je me demandais le sens pour nous de la résurrection du Christ.

  • Une première conséquence, c’est la grâce, le pardon des péchés. Jésus Christ a triomphé du mal, a vaincu la mort, a anéanti le péché. La puissance de Dieu se manifeste, et nous libère de tout ce qui menait à la mort. Le livre des Actes proclame ainsi : « quiconque met sa foi en lui reçoit par son nom le pardon des péchés. »
  • Une deuxième conséquence, c’est que nous aussi nous ressuscitons. Nous ressusciterons, nous sommes ressuscités. La lettre aux Colossiens part de là : « Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ »…

 

Donc Jésus nous sauve de deux choses : le péché et la mort. L’angoisse de la mort, nous savons que chacun de nous y est confronté ultimement, à cause de notre finitude. L’angoisse du péché, d’autre part, nous la portons parce que nous avons une conscience morale, que nous savons que nous avons mal agi, que nous avons fait des choses dont nous ne sommes pas fiers, que nous n’avons pas aimé Dieu et notre prochain comme nous l’aurions voulu. Nous connaissons nos faiblesses et nos limites, nos erreurs. Et nous portons une culpabilité qui n’est pas que psychologique et imaginaire, mais aussi bien réelle et indéniable. Alors nous appréhendons la justice et la vérité sur nos actes et notre être.

 

Mais Dieu nous le promet : nous ressusciterons, et nous n’avons plus à craindre la mort. Et Dieu nous l’affirme : il nous donne sa grâce infinie, et nous libère du fardeau du péché. Aussi la vie éternelle et la grâce, nous les annonçons au cœur de notre foi, comme la bonne nouvelle.

 

La peur

Et pourtant je me dis : tout ça, je le connais bien. Et je n’ai pas une peur aiguë du péché mortel et de l’enfer comme au Moyen-Âge. Je n’ai pas non plus une peur intense de la mort, qui me paraît encore lointaine et abstraite. Je crois à la grâce du pardon, je crois à la résurrection des morts.

 

Oui mais l’Esprit Saint nous parle aujourd’hui, pour nous faire connaître quelque chose de nouveau, d’inédit, une découverte. Parce qu’il est vivant, donc inépuisable. Si je dis que Jésus est mon sauveur, ce ne peut pas être qu’une formule ou un titre honorifique ; cela doit être une réalité, un verbe d’action. C’est que Jésus me sauve, m’a sauvé, me sauvera. De quoi me sauve-t-il donc vraiment aujourd’hui ? Quelles sont mes peurs, et de quoi ai-je besoin d’être sauvé ?

 

Marie Madeleine, la deuxième Marie et Salomé ont peur. Peur du jeune homme vêtu d’une robe blanche : c’est peut-être la crainte de Dieu, le frisson, le frémissement, le sentiment de vénération devant la gloire de Dieu, sa puissance, son mystère et l’extraordinaire qui se dévoile. Mais elles ont peur aussi comme les disciples hommes qui ont tous fui, peur de cette ambiance de persécution, peur d’être les prochaines sur la liste, après l’élimination de Jésus. En venant au tombeau pour embaumer et honorer le crucifié, le condamné à mort, l’ennemi public de Rome et d’Israël, elles s’engagent avec courage. Mais c’est peut-être trop pour elles sur le moment, d’être envoyées témoigner. Elles ont besoin de temps pour assimiler tout ce qu’elles ont vu et entendu, qui leur demeure encore incompréhensible. « Elles ne dirent rien à personne », et pourtant nous savons, nous, qu’elles ont fini par en parler, sinon cela n’aurait pas été écrit dans l’évangile, et nous n’en aurions pas connaissance. Finalement l’Esprit Saint leur a inspiré le courage de témoigner, alors que cela les effrayait tant.

 

Nous aussi, l’ambiance actuelle a de quoi nous faire peur. Je suis inquiet quand j’entends l’état de notre monde. Avec le dérèglement climatique, je me demande quelle planète connaîtront nos enfants, quelles catastrophes pas si naturelles que ça vont encore arriver. Avec les guerres qui se multiplient et qui durent et qui s’aggravent, qui paraissent inévitables et sans issue : en Ukraine, à Gaza, et peut-être bientôt à Taïwan, en Corée ou ailleurs, et même chez nos alliés de l’OTAN. Avec des politiciens qui suivent le peuple, qui voient en l’autre, en l’étranger plus souvent une menace qu’un être humain fragile à aimer. Avec des jeunes qui ne croient plus à rien, qui ne respectent personne, quand montent la violence et l’égocentrisme du plaisir.

 

Alors oui, je viens, nous venons avec une grande ombre sur l’avenir, avec une noirceur sur le monde qui pourrait nous faire tomber dans le désespoir. Dans la méfiance, dans la haine du monde, dans la rupture et l’isolement.

 

Cette noirceur, c’est celle du tombeau. C’est le cadavre déposé dans le tombeau, défiguré, percé, ensanglanté, déshumanisé, chargé de toutes nos horreurs, et qui en est mort.

 

Et malgré tout, un jour comme les femmes, il nous faut affronter cette noirceur, ne pas la refouler, ouvrir le tombeau où nous l’avons enfermée, et espérer qu’elle ne nous dévore pas.

 

La noirceur blanche

Mais voici, le tombeau est vide ! Nous cherchons le crucifié, le cadavre. Il n’y est plus. Tout le mal que nous avons mis au tombeau a disparu. Le lieu demeure, mais vide.

 

Au lieu de cette noirceur, il ne reste que la blancheur de la robe du jeune homme. Au lieu des ténèbres, surgit la lumière. Et en cette aurore de Pâques, tout devient lumineux, tout brille comme des perles de rosée.

 

Dieu a changé notre noirceur en lumière, notre mort en vie, notre désespoir en espérance. Là où étaient les ténèbres, la lumière brille. Là où nous nous sentions menacés, désespérés par les violences, les catastrophes, tous ces morts que nous rappellent les médias chaque jour, là est née au cœur du monde, au plus profond de nos tombeaux, une lumière plus forte, invincible.

 

Nous cherchons le crucifié, le cadavre. Mais Jésus n’est plus le crucifié. Il est ressuscité, il est debout, il est le vivant pour toujours. Nous nous attendions à retrouver demain nos noirceurs, à ce que nos cauchemars se réalisent. Mais la nuit n’est plus, il est la lumière du monde. Notre peur, notre désespoir est vide et vain ; l’espérance avait raison.

 

Allez le dire, la bonne nouvelle ne peut rester cachée. Les gens ont besoin de votre lumière, la lumière du Christ. Il s’est éveillé, il vit en nous et hors de nous. Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus. Nous portons maintenant contre tout désespoir cette espérance, contre tout cynisme la révélation de l’amour, contre toute noirceur l’étincelle de la vie, contre toute peur la foi. Alors Dieu nous emmène loin, jusqu’en Galilée, jusqu’au bout du monde, dans l’élan de sa résurrection, dans sa joie céleste et imprenable, tout devient possible.

 

« Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, cherchez les choses d’en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu. » Le Christ assis comme un jeune homme assis en vêtement blanc, assis pour siéger avec vérité et simplicité. « Quand le Christ, votre vie, se manifestera, alors vous aussi vous vous manifesterez avec lui, dans la gloire. » (Colossiens 3,1-4).

 

Amen.

 

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