Un roi pas comme les autres
Un règne invisible ?
Le temps est accompli : qu’est-ce que ça change ? Quelle est la bonne nouvelle ?
Dieu règne. Le royaume de Dieu s’est approché. Ce royaume de Dieu paraît bien énigmatique alors qu’il constitue le cœur du message annoncé par Jésus. Jésus emploie des paraboles pour nous donner une idée. Le royaume de Dieu est pour les petits. Il commence aujourd’hui mais demeure encore invisible. Comme une graine, il germe en silence, il va apparaître et grandir. C’est une promesse.
Entrer dans ce royaume, c’est venir à la vie, la vraie vie, la vie éternelle. C’est être proche de Dieu.
Règne, royaume, ou royauté ?
En grec, il y a un nom unique [basiléia] que le français permet de traduire selon plusieurs nuances : royaume pour la dimension géographique, règne pour la dimension temporelle et l’action de régner, royauté pour le caractère royal. Tout cela se rapporte au roi, ou mieux encore à l’action de régner.
Dans la parole de Dieu, l’essentiel c’est que Dieu parle, c’est l’action de Dieu en train de parler aujourd’hui, et non une parole écrite comme une lettre morte. De même, dans le règne de Dieu, l’essentiel c’est que Dieu règne, c’est l’action de Dieu en train de régner aujourd’hui. S’interroger sur le lieu de ce royaume, ou sur les dates de ce règne, c’est passer à côté du sujet. Dieu est roi, Dieu règne.
Dans la prière du Seigneur, le Notre Père, nous en parlons deux fois : « Que ton règne vienne » ; « car c’est à toi qu’appartiennent, le règne, la puissance et la gloire. » (Matthieu 6,10.[13]).
Une monarchie ?
Mais nous qui vivons en république, nos ancêtres ayant guillotiné notre roi, nous ne sommes pas forcément très à l’aise avec cette idée de royauté. En quoi est-ce une bonne nouvelle d’être soumis à la puissance d’un roi ? Dieu serait-il royaliste ?
Non car dans sa lettre aux Éphésiens, Paul emploie le vocabulaire de la démocratie : « vous êtes concitoyens des saints, membres de la maison de Dieu. » (Éphésiens 2,19).
Et la Bible critique vigoureusement les rois de la terre.
- Dans le livre des Juges, les arbres demandent au buisson d’épines inutile : « Viens, toi, sois notre roi ! » (Juges 9,14). Car l’olivier, le figuier, la vigne, qui produisent des fruits délicieux, ont mieux à faire que de devenir rois.
- Quand le peuple demande à Samuel un roi, Dieu dit : « ils ne veulent plus que je sois roi sur eux. » (1 Samuel 8,7). Et Samuel décrit toutes les contraintes et les servitudes qu’ils devront au roi.
- Et de la plupart des rois d’Israël et de Juda, les livres des Rois rapportent qu’ils ont fait ce qui déplaît au Seigneur.
Ainsi la royauté de Dieu s’oppose aux royautés terrestres. Dieu n’est pas un roi qui opprime et asservit. Il est un roi qui libère.
Un roi tout-puissant ?
Il répond à cette attente aussi très concrète d’un messie libérateur, puissant. Celui qui subit l’oppression sait bien qu’il y a un rapport de force, que le libérateur doit être puissant. La toute-puissance de Dieu est une bonne nouvelle car elle ne nous écrase pas, elle est pleine de douceur et de respect pour notre liberté, néanmoins elle est puissance suffisante pour établir la justice, pour vaincre la mort, et ainsi essuyer les larmes.
La bonne nouvelle de Dieu roi
Le deuxième Ésaïe raconte cette bonne nouvelle :
« Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pas de celui qui porte la bonne nouvelle, qui proclame la paix, de celui qui porte l’heureuse nouvelle, qui proclame le salut, qui dit à Sion : Ton Dieu est roi ! C’est la voix de tes guetteurs : ils élèvent la voix, tous ensemble ils poussent des cris de joie ; car c’est face à face qu’ils voient le SEIGNEUR revenir à Sion. Éclatez en cris de joie, toutes ensemble, ruines de Jérusalem ! Car le SEIGNEUR console son peuple, il assure la rédemption de Jérusalem. Le SEIGNEUR a mis à nu son bras saint sous les yeux de toutes les nations ; et toutes les extrémités de la terre verront le salut de notre Dieu. » (Ésaïe 52,7-10).
Que Dieu règne, les psaumes et les prophètes le proclament :
« Chantez Dieu, chantez ! Chantez pour notre roi, chantez !
Car Dieu est roi de toute la terre : chantez un poème !
Dieu est roi sur les nations, Dieu est assis sur son trône sacré. » (Psaume 47,7-9).
« L’Éternel règne : que la terre s’égaye, que les îles nombreuses se réjouissent ! » (Psaume 97,1).
« L’Éternel régnera éternellement et à toujours. » (Exode 15,18).
« Des boiteux je ferai un reste,
De ceux qui étaient chassés une nation puissante ;
Et l’Éternel régnera sur eux, à la montagne de Sion,
Dès lors et pour toujours. » (Michée 4,7).
Et Dieu règne sur nous. Dieu est notre roi. « Quant à vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte. » (Exode 19,6). Ce verset fonde pour nous le sacerdoce universel : nous serons tous prêtres. Mais il déclare aussi que nous serons pour Dieu un royaume. Le royaume de Dieu, c’est nous ! C’est sur nous qu’il désire régner. Il veut être roi de nos cœurs. Roi de toute notre vie, de toute notre force, de toute notre intelligence. Roi de nos pensées et de nos soucis, roi de notre corps, roi de notre temps.
En ce sens, le règne de Dieu est tout proche de nous, car il est intérieur à nous-mêmes, au plus intime. Alors nous pouvons dire à Dieu : oui, rapproche-toi de moi encore plus, règne en moi, je te donne tout mon être. Je ne te donne pas seulement une heure le dimanche et quelques minutes par jour, je veux te donner toute ma vie, chaque instant, je veux prier sans cesse, demeurer en toi.