Le Royaume de Dieu (Marc 1,14-20 et Jonas 3,1-10)

Prédication du 21 janvier 2024
Banc de poissons

Un roi pas comme les autres

Un règne invisible ?

Le temps est accompli : qu’est-ce que ça change ? Quelle est la bonne nouvelle ?

 

Dieu règne. Le royaume de Dieu s’est approché. Ce royaume de Dieu paraît bien énigmatique alors qu’il constitue le cœur du message annoncé par Jésus. Jésus emploie des paraboles pour nous donner une idée. Le royaume de Dieu est pour les petits. Il commence aujourd’hui mais demeure encore invisible. Comme une graine, il germe en silence, il va apparaître et grandir. C’est une promesse.
Entrer dans ce royaume, c’est venir à la vie, la vraie vie, la vie éternelle. C’est être proche de Dieu.

 

 

Règne, royaume, ou royauté ?

En grec, il y a un nom unique [basiléia] que le français permet de traduire selon plusieurs nuances : royaume pour la dimension géographique, règne pour la dimension temporelle et l’action de régner, royauté pour le caractère royal. Tout cela se rapporte au roi, ou mieux encore à l’action de régner.

 

Dans la parole de Dieu, l’essentiel c’est que Dieu parle, c’est l’action de Dieu en train de parler aujourd’hui, et non une parole écrite comme une lettre morte. De même, dans le règne de Dieu, l’essentiel c’est que Dieu règne, c’est l’action de Dieu en train de régner aujourd’hui. S’interroger sur le lieu de ce royaume, ou sur les dates de ce règne, c’est passer à côté du sujet. Dieu est roi, Dieu règne.

Dans la prière du Seigneur, le Notre Père, nous en parlons deux fois : « Que ton règne vienne » ; « car c’est à toi qu’appartiennent, le règne, la puissance et la gloire. » (Matthieu 6,10.[13]).

 

 

Une monarchie ?

Mais nous qui vivons en république, nos ancêtres ayant guillotiné notre roi, nous ne sommes pas forcément très à l’aise avec cette idée de royauté. En quoi est-ce une bonne nouvelle d’être soumis à la puissance d’un roi ? Dieu serait-il royaliste ?

 

Non car dans sa lettre aux Éphésiens, Paul emploie le vocabulaire de la démocratie : « vous êtes concitoyens des saints, membres de la maison de Dieu. » (Éphésiens 2,19).

 

Et la Bible critique vigoureusement les rois de la terre.

  • Dans le livre des Juges, les arbres demandent au buisson d’épines inutile : « Viens, toi, sois notre roi ! » (Juges 9,14). Car l’olivier, le figuier, la vigne, qui produisent des fruits délicieux, ont mieux à faire que de devenir rois.
  • Quand le peuple demande à Samuel un roi, Dieu dit : « ils ne veulent plus que je sois roi sur eux. » (1 Samuel 8,7). Et Samuel décrit toutes les contraintes et les servitudes qu’ils devront au roi.
  • Et de la plupart des rois d’Israël et de Juda, les livres des Rois rapportent qu’ils ont fait ce qui déplaît au Seigneur.

 

Ainsi la royauté de Dieu s’oppose aux royautés terrestres. Dieu n’est pas un roi qui opprime et asservit. Il est un roi qui libère.

 

 

Un roi tout-puissant ?

Il répond à cette attente aussi très concrète d’un messie libérateur, puissant. Celui qui subit l’oppression sait bien qu’il y a un rapport de force, que le libérateur doit être puissant. La toute-puissance de Dieu est une bonne nouvelle car elle ne nous écrase pas, elle est pleine de douceur et de respect pour notre liberté, néanmoins elle est puissance suffisante pour établir la justice, pour vaincre la mort, et ainsi essuyer les larmes.

 

 

La bonne nouvelle de Dieu roi

Le deuxième Ésaïe raconte cette bonne nouvelle :

« Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pas de celui qui porte la bonne nouvelle, qui proclame la paix, de celui qui porte l’heureuse nouvelle, qui proclame le salut, qui dit à Sion : Ton Dieu est roi ! C’est la voix de tes guetteurs : ils élèvent la voix, tous ensemble ils poussent des cris de joie ; car c’est face à face qu’ils voient le SEIGNEUR revenir à Sion. Éclatez en cris de joie, toutes ensemble, ruines de Jérusalem ! Car le SEIGNEUR console son peuple, il assure la rédemption de Jérusalem. Le SEIGNEUR a mis à nu son bras saint sous les yeux de toutes les nations ; et toutes les extrémités de la terre verront le salut de notre Dieu. » (Ésaïe 52,7-10).

Que Dieu règne, les psaumes et les prophètes le proclament :

« Chantez Dieu, chantez ! Chantez pour notre roi, chantez !
Car Dieu est roi de toute la terre : chantez un poème !
Dieu est roi sur les nations, Dieu est assis sur son trône sacré. » (Psaume 47,7-9).

« L’Éternel règne : que la terre s’égaye, que les îles nombreuses se réjouissent ! » (Psaume 97,1).

« L’Éternel régnera éternellement et à toujours. » (Exode 15,18).

« Des boiteux je ferai un reste,
De ceux qui étaient chassés une nation puissante ;
Et l’Éternel régnera sur eux, à la montagne de Sion,
Dès lors et pour toujours. » (Michée 4,7).

 

Et Dieu règne sur nous. Dieu est notre roi. « Quant à vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte. » (Exode 19,6). Ce verset fonde pour nous le sacerdoce universel : nous serons tous prêtres. Mais il déclare aussi que nous serons pour Dieu un royaume. Le royaume de Dieu, c’est nous ! C’est sur nous qu’il désire régner. Il veut être roi de nos cœurs. Roi de toute notre vie, de toute notre force, de toute notre intelligence. Roi de nos pensées et de nos soucis, roi de notre corps, roi de notre temps.

 

En ce sens, le règne de Dieu est tout proche de nous, car il est intérieur à nous-mêmes, au plus intime. Alors nous pouvons dire à Dieu : oui, rapproche-toi de moi encore plus, règne en moi, je te donne tout mon être. Je ne te donne pas seulement une heure le dimanche et quelques minutes par jour, je veux te donner toute ma vie, chaque instant, je veux prier sans cesse, demeurer en toi.

 

Un changement radical

Roi de ma vie

C’est là qu’arrive la conversion, comme une transformation. Y a-t-il des domaines de ma vie où Dieu est absent, où Dieu ne règne pas, où sa lumière ne brille pas ? Que ton règne vienne, Seigneur, autrement dit, que ta volonté soit faite comme au ciel, aussi sur terre, aussi en moi. Et j’entrerai dans la joie de ton règne.

 

La cité de Ninive a compris cela, elle revient à Dieu, elle change radicalement (Jonas 3). Elle est sauvée. A chaque fois que nous allons dans le mur, que Dieu nous donne de faire demi-tour, de nous réorienter, pour que la catastrophe n’arrive pas. A chaque fois que ma vie s’engage dans une impasse, que tu nous indiques l’issue, que tu nous donnes de rebrousser chemin jusqu’au point où nous avons dévié, où nous nous sommes perdus.

 

Famille royale

La bonne nouvelle est si puissante, si magnifique que nous ne pouvons plus continuer comme avant. Nous ne sommes plus les mêmes. De ce roi, nous ne sommes pas serviteurs, mais fils et filles. Nous sommes enfants du roi, princesse et prince héritier, famille royale, par le lien du sang du Christ.

 

 

Suivre le courant de vie

Les pêcheurs changent de métier, tout est bouleversé. Le prophète Ézéchiel prophétise sur Tyr, cité maritime du Liban-Sud.

« Les anciens de Guébal et ses sages étaient chez toi pour réparer tes avaries ; tous les bateaux de la mer et leurs marins étaient chez toi pour négocier tes marchandises. […] Aux cris de détresse de tes matelots, les plages trembleront ; et tous ceux qui manient la rame descendront de leurs bateaux, les marins, tous les matelots de la mer. Ils se tiendront sur la terre. » (Ézéchiel 27,9.28-29).

Voilà des marins qui quittent la mer et rejoignent la terre, comme les pêcheurs que Jésus rencontre.

 

Ils deviennent pêcheurs d’êtres humains. Oui, dans la vision d’Ézéchiel 47, l’eau sort du temple et coule en torrent, en fleuve de vie, jusqu’à la mer :

« Et il me dit : Ces eaux sortent vers la Galilée orientale, et descendront sur la plaine aride. Et elles viendront à la mer ; vers la mer, elles sortent, et les eaux seront guéries. Partout où le torrent arrivera, tous les êtres vivants qui grouillent vivront ; il y aura une grande quantité de poissons, car cette eau arrivera là-bas et les eaux deviendront saines, et il y aura de la vie partout où arrivera le torrent. Alors des pêcheurs s’y tiendront. Depuis Eïn-Guédi jusqu’à Eïn-Eglaïm, on étendra les filets. Ces poissons, selon leurs espèces, seront comme les poissons de la grande mer ; ils seront très nombreux. » (Ézéchiel 47,8-10).

Les bénédictions ruissellent, nous inondent, la vie se multiplie, les poissons abondent, et là travaillent les pêcheurs. Autour de Jésus, l’Esprit Saint coule en torrent de vie. Les pêcheurs savent qu’auprès de lui, la vie est la plus abondante, c’est pourquoi ils le suivent. La bonne nouvelle de Dieu qui devient roi rend dérisoire tout le reste. Les pêcheurs ont trouvé la perle de grand prix. Jésus les appelle, c’est le moment, l’instant à saisir ; et sans perdre de temps, ils lâchent tout et le suivent.

 

 

Seigneur notre roi, donne-nous de te voir, de t’entendre, de croire à ta bonne nouvelle. Saisis-nous par ton feu au milieu du buisson, de ces épines dont ta couronne est tressée, et comme les arbres de la fable dans le livre des Juges, nous dirons devant ta présence : « Va, toi, règne sur nous ! » « Viens, toi, sois notre roi ! »

 

Amen.

 

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