Le sang de la purification
Une deuxième lecture peut s’appuyer sur la nature de ces jarres, destinées à la purification des Juifs. Oui, ce sont des eaux pour les bains rituels, les ablutions, les gestes rituels et religieux pour recevoir le pardon.
La présence de ces jarres d’eau est bonne, mais elle n’empêche pas de manquer de vin. Je pense à Nietzsche qui voyait tant de bons protestants austères, mais qui ne voyait pas la joie chez les chrétiens. Il ne suffit pas de respecter scrupuleusement les règles religieuses, d’être fidèle, d’être un bon élève de la foi. Car il risque de manquer l’étincelle, la saveur du sel, les yeux qui pétillent comme des bulles de champagne. Seul Dieu donne la vie, l’eau vive.
Seul Jésus donne son sang pour notre purification. L’Apocalypse a cette image paradoxale :
« Ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies dans le sang de l’agneau. » (Apocalypse 7,14).
C’est le sang du Christ qui nous lave, qui nous purifie une fois pour toutes. Il est plus puissant que toutes les ablutions mille fois répétées. Non que les gestes rituels soient mauvais, car tout dépend du sens que nous mettons, de notre participation intérieure par la foi qui s’incarne dans ces gestes très humbles et modestes, et un peu dérisoires. Mais les rites sont devenus secondaires. Grâce au sang du Christ, ils sont devenus facultatifs, nous en sommes libérés.
Être fidèle à Dieu, ce n’est plus d’abord observer toute une série de prescriptions formelles. C’est d’abord aimer, vivre et rayonner de joie, dans la confiance au Christ.
Voici un commandement nouveau : « Faites tout ce qu’il vous dira. » Si nous voulons être les serviteurs du Christ, nous n’avons pas à faire des choses écrites par avance. Nous avons à rester tout près de lui, à écouter ce qu’il nous inspirera, et à le faire alors, ce qui sera juste et vrai sous son regard, et ce qui nous donnera la plus grande joie, une joie extraordinaire.
Le troisième jour est aussi le jour de la résurrection, le jour qui offre une issue, une échappée. A Cana, l’heure de Jésus n’est pas encore venue, et plus tard quand son heure est venue, il est élevé sur la croix. A Cana, il manifeste sa gloire, et sur la croix, il est glorifié.
« Un des soldats lui transperça le côté avec une lance ; aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. » (Jean 19,34).
L’eau et le vin de Cana annoncent le sang et l’eau qui jaillissent du côté du Christ.
Voilà pourquoi Cana est le premier des signes. Parce que c’est le signe de la mort et de la résurrection du Christ, et donc le premier, le plus grand, le plus essentiel des signes.
Mais ce que ça nous dit de nouveau et d’étonnant sur la mort et la résurrection du Christ, c’est que c’est une joie. Le sang du Christ ne symbolise pas la souffrance et la passion du Christ, l’expiation par le sacrifice sanglant. Le sang du Christ, c’est du vin, c’est de la joie. C’est la vie. Le sang c’est l’âme, c’est l’être, c’est la vie même, voilà pourquoi l’Ancien Testament interdit de manger le sang. Selon Lévitique 17 : « Car l’âme de toute chair, c’est son sang, qui est en elle. C’est pourquoi j’ai dit aux enfants d’Israël : Vous ne mangerez le sang d’aucune chair ; car l’âme de toute chair, c’est son sang » (Lévitique 17,14).
Or voilà que Jésus nous donne à boire son sang, comme une vraie boisson.
« Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le relèverai au dernier jour. » (Jean 6,54).
« Celui qui boira de l’eau que, moi, je lui donnerai, celui-là n’aura jamais soif : l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira pour la vie éternelle. » (Jean 4,14).
L’eau vive offerte à la Samaritaine équivaut au sang du Christ.