Les étoiles tomberont du ciel (Marc 13,24-32 et Daniel 12,1-3)

Prédication du dimanche 17 novembre 2024.

Notre époque a des résonances apocalyptiques : guerres, persécutions, catastrophes naturelles et dérèglement climatique. Alors malgré l’écart temporel et culturel, un tel texte peut rejoindre notre actualité. En effet, dans la souffrance présente et l’angoisse de l’avenir, il nous invite au courage et à la vigilance du veilleur ; dans notre attente il nous appelle à l’espérance et nous annonce la venue prochaine du Christ.

 

En même temps ce texte nous déroute a priori, parce qu’il est écrit dans un genre littéraire apocalyptique qui nous est largement étranger. Apparemment mythique ou fantastique, le sens littéral ne fait guère sens pour nous ; et le sens figuré nous échappe à cause des références et des symboles qu’il présuppose. Alors je vous convie à une petite enquête pour mieux déchiffrer les possibilités de sens.

Nous sommes les étoiles du Messie

Un soleil mortel

Premier point : « […] les étoiles tomberont du ciel […] » Qu’est-ce que ça signifie ? Examinons le sens littéral. D’un point de vue scientifique, le soleil n’est pas éternel. L’intuition biblique est bonne et la science donne tort à ceux qui adoraient l’astre solaire : ce n’est qu’une créature, et une créature mortelle. Quand le soleil aura consommé tout son hydrogène dans la réaction nucléaire qui le fusionne en hélium, il explosera en géante rouge puis s’effondrera et s’éteindra pour devenir une naine blanche. Mais nous avons encore 5 milliards d’années avant que cela n’arrive. Donc une datation est possible, et elle est tout sauf proche. L’évangile dit le contraire. Il s’agit donc d’autre chose.

 

(Notons que le début du chapitre évoque des signes tout à fait terrestres et que nous connaissons au présent : imposteurs, guerres et rumeurs de guerres, séismes, famines, procès et mises à mort. Ici nous sommes entrés dans le domaine céleste, qui marque une intensification jusqu’à l’extrême, à un degré jamais vu, et qui suggère la « fin du monde » – et la venue d’un nouveau monde. Même le plus stable, même l’immuable s’effondre. La situation est la plus grave que nous puissions imaginer.)

 

 

Les nouvelles étoiles

« Les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées. » Nous pouvons penser à des puissances spirituelles. L’astrologie et les divinités païennes chutent. Satan chute ; car Jésus dit selon Luc : « Je voyais le Satan tomber du ciel comme un éclair. » (Luc 10,18). Nous pouvons élargir aux puissances humaines : les étoiles symbolisent les stars, les rois, ceux qui ont le pouvoir. Ésaïe prophétise au roi de Babylone :

« Comment ! Tu es tombé du ciel, astre brillant, fils de l’aurore ! Tu as été abattu, toi qui domptais des nations ! Tu te disais : Je monterai au ciel, j’élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu […] Mais on t’a fait descendre au séjour des morts, au plus profond du gouffre. » (Ésaïe 14,12-14).

 

Cette chute des puissances d’oppression est une bonne nouvelle. La promesse à Abraham est accomplie : « Le SEIGNEUR, votre Dieu, vous a multipliés, et vous êtes aujourd’hui aussi nombreux que les étoiles du ciel. » (Deutéronome 1,10). De nouvelles étoiles se lèvent, ce sont les croyants, comme l’annonce Daniel :

« Ceux qui auront eu du discernement brilleront comme brille la voûte céleste – ceux qui auront amené la multitude à la justice, comme des étoiles, pour toujours, à jamais. » (Daniel 12,3).

 

C’est le « jour du SEIGNEUR » (Joël 3,4), jour de justice, pour le salut des vivants et des morts. Le salut des vivants, c’est dire que Dieu nous fait entrer dès aujourd’hui dans la vie abondante, la vie éternelle. (Cependant la mort demeure. Aura-t-elle le dernier mot ? Les martyrs victimes des persécutions iront-elles dans le néant pendant que leurs bourreaux vainqueurs vivront et triompheront ? Non, parce que Dieu est juste, parce qu’il aime chacun, chacune, personnellement, et qu’il ne nous abandonnera pas à la mort. Il veut la vie pour toi et moi, pas seulement la survie du peuple en général grâce à une descendance, quand elle existe, quand elle n’a pas été exterminée elle aussi.) Le salut pour les morts est extraordinaire, il dépasse le seul salut des vivants : c’est la résurrection.

 

 

La mort du Messie, et son aurore

Et précisément, notre texte de Marc 13 est placé juste avant le récit de la passion et de la résurrection du Christ. Comme une liste des souffrances de l’humanité qui seront récapitulées et condensées dans les souffrances de Jésus. Et elles seront traversées comme les douleurs de l’accouchement, pour arriver à la joie de la naissance, à l’éveil, à la résurrection. « À la sixième heure, il y eut des ténèbres sur toute la terre, jusqu’à la neuvième heure. » (Marc 15,33). Mais aussi :

« Le peuple qui marche dans les ténèbres a vu une grande lumière » (Ésaïe 9,1).

Voilà la lumière qui perce les nuages.

 

L’idée des étoiles tombant du ciel n’est pas nouvelle de la part de Jésus ; ce paragraphe est entièrement composé de citations, d’Ésaïe, de Daniel, de Joël. Il emprunte aussi beaucoup à l’apocalypse apocryphe de la Septante dans 4 Esdras. Un livre étrange mais résolument messianique : « En effet mon fils le messie sera révélé avec ceux qui sont avec lui et il réjouira ceux qui ont été laissés, durant quatre cents ans. » (4 Esdras 7,28).

 

Les étoiles tombant du ciel sont des signes annonciateurs de la venue du Messie. Et c’est là, dans ce contexte apocalyptique, au cœur des tragédies, que Jésus révèle qu’il est lui-même le Fils de l’homme évoqué par Daniel, le Messie fils de Dieu attendu. Il apparaît au plus atroce de la souffrance humaine, quand la terre vacille, quand le monde s’effondre autour de nous, quand le ciel nous tombe sur la tête.

Nous attendons la belle saison

Et la parabole du figuier, que signifie-t-elle ? Le figuier c’est l’être humain, Adam et Ève se sont cousu des feuilles de figuier. Ils sont comme des figuiers sans figues. Au chapitre 11 de Marc, Jésus a dit au figuier qui n’a que des feuilles : « Que plus jamais personne ne mange un fruit de toi ! » (Marc 11,14). Il y a donc ce point de départ du figuier stérile ou desséché ; de l’être humain qui mange le fruit de l’arbre et qui, lui-même, ne porte pas de fruit. Car ce n’est pas la saison ; c’est l’hiver ; c’est le temps de la froideur et des persécutions.

 

Or ici l’image est inversée. Le figuier qui semblait mort bourgeonne et fait éclore de jeunes feuilles. La saison de l’été approche, c’est le temps favorable, le moment de la venue du Christ. La vie renaît.

 

Le figuier est aussi un arbre qui pousse de façon rapide et généreuse ; s’il a assez d’eau, de soleil et de chaleur, en quelques semaines de grandes feuilles se développent ; mais il peut sécher aussi très vite, tellement il a besoin d’eau. Nous avons besoin de la bonne saison du Christ, de son eau vive et de son nouveau soleil.

 

 

Jésus nous fait voir au-delà de la sécheresse et du froid intérieur, il nous promet un printemps et un été spirituel, une terre nouvelle comme aux jours de la création. Cette espérance suffit. Une version primitive de l’évangile de Marc s’arrêtait là peut-être : elle racontait ce que Jésus a fait dans sa vie, et s’ouvrait sur l’espérance imminente de son avènement sur les nuées de la présence de Dieu.

 

Que Dieu fasse de nous ces nouvelles étoiles scintillant de lumière ! Qu’il fasse de nous ce figuier renaissant au printemps, florissant fructifiant ! Seigneur Jésus, viens à tout moment, viens combler notre attente, surprends-nous dans l’inattendu.

 

Amen.

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