Religion du cœur
Et Jésus emploie cette image triviale des latrines, avec un peu d’humour, pour dédramatiser. Se préoccuper de ce qui entre dans le corps matériellement, c’est très terre à terre. L’eau ordinaire est capable de nettoyer tout cela. Mais l’eau du baptême est plus puissante encore. Elle nous libère de la fausse culpabilité ; elle nous délivre aussi du vrai péché. L’enjeu de la foi est plus grand.
Il y a bien une question de pureté ; mais une fois de plus, Jésus nous invite à nous élever de la chair à l’Esprit, du sens matériel au sens spirituel. De l’extérieur à l’intériorité. Ce qu’il faut purifier, ce n’est pas l’extérieur des ustensiles du culte, ni même des mains, mais c’est l’intérieur de l’humain. Il y a en nous des horreurs qui nous souillent, et nous rendent impurs, toute cette liste qui comprend à la fois la transgression des commandements de Dieu et une mauvaise attitude intérieure, un mauvais regard. Tout cela nous empoisonne, et devrait partir aussi aux ordures.
Faut-il alors revenir à ce moralisme, pour bien se comporter ?
Non, car est apparu un mot-clé, pour décrire l’intérieur, l’intériorité de l’humain : c’est le cœur. C’est le cœur qui est souillé, le cœur et non le ventre, c’est le cœur qui sera purifié. Nous arrivons à la religion du cœur, qui ne peut plus être simplement de rigorisme, de formalisme et de simple tradition. Elle rejoint la loi de la liberté de Jacques. Elle rejoint la vocation initiale donnée à la Tora. Il s’agit de mettre en pratique, je cite le Deutéronome, « afin que vous viviez et que vous veniez, et que vous héritiez la terre que le SEIGNEUR, le Dieu de vos pères, vous donne. » (Deutéronome 4,1). La terre est donnée avec les dix paroles, la belle terre ruisselant de lait et de miel, celle qui vient comme un royaume du ciel.
Le Deutéronome poursuit au chapitre 6 :
« Tu aimeras le SEIGNEUR, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces paroles que j’institue pour toi aujourd’hui seront sur ton cœur. » (Deutéronome 6,5).
Quand cette loi est écrite, non pas sur la pierre, mais sur le cœur de l’humain (2 Corinthiens 3,3), elle est bien une loi de vie, de liberté, de bonheur.
Et sur le cœur, Jésus cite le prophète Ésaïe : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est très éloigné de moi ». Les lèvres symbolisaient les paroles adressées à Dieu, trop souvent de vaines paroles humaines, si le cœur n’y est pas. Dans la bouche de Jésus, les lèvres représentent maintenant aussi ce qui permet de manger. Le peuple honore Dieu par la façon dont il se nourrit. Oui nous voulons honorer Dieu dans les simples gestes du quotidien. Nous voulons lui rendre grâce pour la nourriture qu’il nous donne. Notre corps participe à louer le Seigneur, car nous voulons l’aimer de tout notre être, pas seulement intellectuellement, mais de façon incarnée. Concrètement, mobiliser notre corps dans des gestes peut nous aider à être pleinement présents.
Nous portons à nos lèvres le pain et le vin, que Jésus nous a donnés comme son corps et son sang. Oui nos lèvres honorent Dieu, les lèvres aussi qui disent des mots doux et des paroles vraies, les lèvres qui se touchent en déposant un baiser.
Et pourtant, toute la beauté des lèvres n’est rien sans le cœur. Elles resteraient surface et mensonge, si le cœur n’est pas ouvert. Dieu nous appelle à ouvrir notre cœur, à l’aimer avec ce cœur. Qui le sert avec son cœur l’adore en Esprit et en vérité, et ce sont là les adorateurs que le père recherche (Jean 4,23).
Ainsi Jésus recentre nos gestes sur l’essentiel, sur Dieu.