La hiérarchie et la peur
Ça c’était toutes les mains du projet Jonas. Mais moi j’aime bien le pied. La tête ne peut pas dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous. » Ça me parle de la hiérarchie, ou plutôt de l’absence de hiérarchie. On imagine souvent que c’est la tête qui commande, qui domine, qui a la position la plus élevée, en surplomb, et qui regarde d’en haut le reste du corps. Les pieds, c’est la base, disons le paroissien de base, s’il existe. Mais s’il manque un pied, tout le corps est bancal. S’il manque deux pieds, impossible de tenir debout. Sans pieds, nous nous écroulons, littéralement. Les pieds, c’est la base, c’est l’essentiel, c’est eux qui supportent tout, qui portent tout. Sans pieds, nous serions infirmes, handicapés, en chaise roulante. C’est pour dire la valeur irremplaçable de chacun, même ceux qui trouvent qu’ils travaillent comme des pieds. Le pied nous apprend cette révolution d’un seul corps où tous se trouvent à égalité, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres. Voilà un premier obstacle levé, l’idée mensongère que nous n’aurions pas notre place, pas assez de valeur, que nous serions inutiles, l’obstacle de la hiérarchie.
Et puis j’aime bien aussi les organes génitaux, ces parties honteuses qu’on ose à peine nommer. Cela nous parle de la peur. Parfois dans l’Église, on a envie de se cacher, de passer inaperçu, comme Adam et Ève qui découvrent qu’ils sont nus, et se font des pagne en feuilles de figuier, et se cachent au milieu des arbres du jardin quand Dieu les appelle. On n’ose pas parler devant tout le monde, on n’ose pas témoigner, c’est personnel, intime. Il y a une grande pudeur pour parler de la foi dans le protestantisme réformé.
Mais voici un changement de regard sur les organes génitaux. On les cache non par honte, non parce que ce serait sale, mais parce qu’ils sont les plus précieux, fragiles et vulnérables, à protéger, les parties sensibles, délicates. C’est un des organes de l’amour, avec le cœur. Ce sont les organes de la vie, du miracle de la procréation, qui nous fait devenir un peu créateurs nous-mêmes, à l’image de notre créateur, pour donner la vie.
Nous pouvons avoir peur d’exposer qui nous sommes, de nous mettre à nu. peur du regard de l’autre, de son jugement et de sa moquerie. Mais nous avons besoin de la timidité, de la vulnérabilité.
Personnellement, je crois que Dieu m’appelle à être pasteur, et en même temps je suis très conscient de toutes les compétences que je n’ai pas. Là où je me sens bien équipé, c’est pour lire et étudier la Bible. Mais là où je me sens faible, c’est pour la musique, l’expression orale, les relations humaines, l’animation, et même la prière. Heureusement, je n’ai pas besoin d’avoir toutes les qualités, parce que nous une Église, et c’est au niveau de l’Église que nous avons besoin de toutes ces compétences, pas au niveau individuel. J’ai besoin de vous.
Et nous pouvons convertir nos faiblesses en forces. Par exemple, je me sens parfois maladroit avec l’oralité, parler me demande un certain effort. Mais l’avantage, c’est que je peux écouter, et c’est un atout pour l’accompagnement pastoral. Ou encore, en comparant avec des collègues en particulier, je vois que j’affirme peu mon autorité, je n’ai pas tout à fait un tempérament de leader. Mais cela apporte de la douceur, cela me permet d’être médiateur, de laisser la place aux autres. Et mes collègues qui affirment plus leur autorité provoquent parfois un choc brutal des personnalités.
Je crois qu’il faut se réconcilier avec soi-même. Car nous sommes des créatures merveilleuses de Dieu.