Membres du corps du Christ (1 Corinthiens 12,4-31)

Prédication du dimanche 24 septembre 2023 : culte de rentrée.

Une explosion de créativité

Dans la pièce du foyer où vous serez invités à venir après le culte, il y a une feuille avec beaucoup de mains. C’est le bilan du projet Jonas, où toute une équipe a apporté sa main pour participer.

Les plus visibles, bien sûr, c’étaient les acteurs, et la conteuse. Mais pour faire réussir ce projet, il a fallu toutes sortes de compétences, pour la préparation et dans les coulisses. Il a fallu des décorateurs, des responsables matériel, des scénaristes et metteurs en scène, des costumiers, des ingénieurs du son, des ingénieurs lumière, des chargés de communication, etc. Et chacun, chacune a pu proposer ses idées, son aide en fonction de ce qu’il ou elle était, ce qu’il ou elle savait faire et aimait faire.

Je me dis, pourquoi est-ce que l’Église ne travaille pas toujours comme ça ? Sans faire complètement du culte une pièce de théâtre ou un spectacle, il y a des choses qui peuvent être réinventées pour que ça nous parle et nous corresponde mieux, pour donner à chacun une place dans le culte. C’est notre culte à tous, nous pouvons nous l’approprier. Et dans notre Église nous avons la chance d’avoir une liberté pour modifier la liturgie. Venons avec nos idées, nos rêves et nos souhaits, nos espoirs et notre potentiel, notre créativité. Un chrétien baptisé, adulte dans la foi, et même enfant, est appelé à devenir disciple, à s’engager, à se mettre au service. Je voudrais vous dire : « J’ai besoin de vous. »

Le jour de la représentation de Jonas a été un temps fort et marquant. J’ai entendu dire : « On ne peut pas le refaire une deuxième fois, ce ne sera jamais aussi bien. » Mais j’aimerais, j’aimerais que ce soit Jonas tous les jours ! Je vous invite à vous rappeler comment vous êtes devenus réellement croyants : un moment spirituel où vous avez senti, compris, reçu la présence de Dieu, comme une révélation, comme une conversion. Un moment où la foi a vraiment pris sens, est devenue réalité. Que ce soit tous les jours aussi intense, c’est notre prière.

La hiérarchie et la peur

Ça c’était toutes les mains du projet Jonas. Mais moi j’aime bien le pied. La tête ne peut pas dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous. » Ça me parle de la hiérarchie, ou plutôt de l’absence de hiérarchie. On imagine souvent que c’est la tête qui commande, qui domine, qui a la position la plus élevée, en surplomb, et qui regarde d’en haut le reste du corps. Les pieds, c’est la base, disons le paroissien de base, s’il existe. Mais s’il manque un pied, tout le corps est bancal. S’il manque deux pieds, impossible de tenir debout. Sans pieds, nous nous écroulons, littéralement. Les pieds, c’est la base, c’est l’essentiel, c’est eux qui supportent tout, qui portent tout. Sans pieds, nous serions infirmes, handicapés, en chaise roulante. C’est pour dire la valeur irremplaçable de chacun, même ceux qui trouvent qu’ils travaillent comme des pieds. Le pied nous apprend cette révolution d’un seul corps où tous se trouvent à égalité, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres. Voilà un premier obstacle levé, l’idée mensongère que nous n’aurions pas notre place, pas assez de valeur, que nous serions inutiles, l’obstacle de la hiérarchie.

Et puis j’aime bien aussi les organes génitaux, ces parties honteuses qu’on ose à peine nommer. Cela nous parle de la peur. Parfois dans l’Église, on a envie de se cacher, de passer inaperçu, comme Adam et Ève qui découvrent qu’ils sont nus, et se font des pagne en feuilles de figuier, et se cachent au milieu des arbres du jardin quand Dieu les appelle. On n’ose pas parler devant tout le monde, on n’ose pas témoigner, c’est personnel, intime. Il y a une grande pudeur pour parler de la foi dans le protestantisme réformé.

Mais voici un changement de regard sur les organes génitaux. On les cache non par honte, non parce que ce serait sale, mais parce qu’ils sont les plus précieux, fragiles et vulnérables, à protéger, les parties sensibles, délicates. C’est un des organes de l’amour, avec le cœur. Ce sont les organes de la vie, du miracle de la procréation, qui nous fait devenir un peu créateurs nous-mêmes, à l’image de notre créateur, pour donner la vie.

Nous pouvons avoir peur d’exposer qui nous sommes, de nous mettre à nu. peur du regard de l’autre, de son jugement et de sa moquerie. Mais nous avons besoin de la timidité, de la vulnérabilité.

Personnellement, je crois que Dieu m’appelle à être pasteur, et en même temps je suis très conscient de toutes les compétences que je n’ai pas. Là où je me sens bien équipé, c’est pour lire et étudier la Bible. Mais là où je me sens faible, c’est pour la musique, l’expression orale, les relations humaines, l’animation, et même la prière. Heureusement, je n’ai pas besoin d’avoir toutes les qualités, parce que nous une Église, et c’est au niveau de l’Église que nous avons besoin de toutes ces compétences, pas au niveau individuel. J’ai besoin de vous.

Et nous pouvons convertir nos faiblesses en forces. Par exemple, je me sens parfois maladroit avec l’oralité, parler me demande un certain effort. Mais l’avantage, c’est que je peux écouter, et c’est un atout pour l’accompagnement pastoral. Ou encore, en comparant avec des collègues en particulier, je vois que j’affirme peu mon autorité, je n’ai pas tout à fait un tempérament de leader. Mais cela apporte de la douceur, cela me permet d’être médiateur, de laisser la place aux autres. Et mes collègues qui affirment plus leur autorité provoquent parfois un choc brutal des personnalités.

Je crois qu’il faut se réconcilier avec soi-même. Car nous sommes des créatures merveilleuses de Dieu.

Le bonheur d'être vieux

Parfois nous nous lamentons en disant que l’Église manque de jeunes, que nous sommes vieux. Mais ce qui donne envie de fuir, ce n’est pas de voir des vieux, mais c’est de voir des gens tristes, découragés, sinistres.

Il est beau d’être vieux. Les vieux sont sages et expérimentés. D’une expérience spirituelle. Racontez ce que Dieu a fait dans votre vie. Riches de connaissance de la vie, et de la Bible, et de Dieu.

Les nouveaux convertis, les jeunes, les néophytes, ont l’enthousiasme et la conviction qui donne envie. Mais ce sont des bébés spirituels, ils connaissent peu Dieu, leur foi n’est pas encore solide, et leur passion peut se retourner dans une autre direction ; ils n’ont peut-être pas encore converti tous les domaines de leur vie.

Mais avoir des dizaines d’années de vie dans la foi et dans l’Esprit, c’est un atout immense.

Réjouissons-nous, soyons heureux d’être ce que nous sommes. Christ nous a sauvés, il nous a relevés.

L’essentiel n’est pas d’être jeune ou vieux, mais d’être enfant de Dieu. Dieu nous fait rajeunir comme l’aigle (Ps 103,5), Dieu nous renouvelle, il nous fait renaître en naissant d’en haut (Jn 3,3). C’est le sens de notre baptême. Nous recevons le Saint-Esprit. Si vous avez reçu le Saint-Esprit, demandez au Père qu’il vienne de nouveau vous inspirer. Et si vous n’êtes pas sûr de l’avoir reçu, demandez à Dieu de vous le faire découvrir. Demandez et vous recevrez (Jn 16,24). Tout est grâce, et don spirituel, et charisme.

Et puis enfin, avec l’Esprit Saint, il faut aussi l’amour. L’amour sans lequel tous ces charismes, tous ces dons spirituels ne sont que poudre aux yeux. Si je prophétisais, si je connaissais tous les mystères, si je livrais mon corps aux flammes, sans l’amour je ne suis rien. Pour éviter tout abus de pouvoir, ces charismes sont toujours subordonnés à l’amour.

Que Dieu vous donne de découvrir les qualités spirituelles qu’il vous a données, et qu’il ne vous a pas encore révélées. Recevez l’Esprit Saint, et soyez remplis, comblés, débordant de l’amour du Père.

Amen.

Contact