Métamorphosé (Marc 9,2-10 et Genèse 22,1-18)

Prédication du dimanche 25 février 2024

Voyage

Rêve

 

Je vous offre une invitation au voyage. Suivons Jésus, et il se découvrira à nous. Cette fois-ci je ne proposerai pas une analyse rationnelle du texte, mais je ferai appel à votre sensibilité spirituelle et poétique, et à la grâce de l’Esprit Saint. L’expérience des trois disciples, il faut la vivre.

 

J’aimerais que pour vous, écouter ce culte soit comme monter dans la montagne, hors du monde, face au ciel. Et redescendre ensuite dans la vie, les yeux brillants, remplis d’étoiles, le cœur comblé, débordant, les oreilles résonant encore des paroles de Dieu, l’esprit encore embrumé de rêve et de poésie. Que nous puissions dire : Oui, Dieu était là, et nous l’avons vu, entendu, écouté, ressenti. Son amour est entré en nous, et ne nous a pas laissés indemnes ; il nous a transformés, métamorphosés. Nous le connaissons, et en lui nous demeurons. Nous voulons habiter dans sa tente, et qu’il fasse sa tente en nous.

 

 

Décor

 

Les lieux ont ici une immense connotation spirituelle.

  • C’est d’abord la montagne, un lieu à part pour se tenir face à Dieu. Monter sur la montagne, c’est se rapprocher de Dieu, entrevoir le nouveau ciel et la nouvelle terre.
  • Ensuite, la tente, c’est la demeure de Dieu, comme un temple itinérant. Dans la tente de rendez-vous, Dieu nous rencontre. La vraie tente n’est pas matérielle, mais spirituelle, à l’intérieur de l’humain, car nous sommes le temple de l’Esprit, le sanctuaire du souffle.
  • Et la nuée est signe de la présence de Dieu.

Montée

Ascension

 

Vers ce lieu, nous marchons. Nos Églises proposent des marches spirituelles, pour quelques heures, pour une après-midi. Les psaumes 120 à 134 sont appelés chants des montées. En chantant, les pèlerins montent vers Dieu pour les fêtes, vers son temple spirituel, le lieu qu’il choisira pour y demeurer. Abraham était nomade, et nous sommes pèlerins et voyageurs sur la terre, nous sommes des migrants.

 

Dieu nous invite à monter, à nous élever.

La Bible hébraïque s’achève sur ce verset des Chroniques : « Qui d’entre vous est de tout son peuple ? Que le Seigneur, son Dieu, soit avec lui, et qu’il monte ! » (2 Ch 36,23). Qu’il monte à la maison de Dieu.

Et dans la lettre de Paul aux Philippiens : « Notre cité est dans les cieux, d’où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ » (Ph 3,20).

 

 

Élévation

 

En hébreu, l’holocauste est une élévation, la montée dans le ciel de la fumée du sacrifice. Isaac doit monter dans la montagne, comme une ascension. Une élévation comme une offrande. L’interruption de l’ange révèle que Dieu ne demandait pas un sacrifice, mais une élévation d’Isaac. Dieu nous élève. Comment raconter cet événement et dire l’inouï ?

 

Venir comme Isaac, monter, s’élever à Dieu, tout offrir et se donner à lui, s’abandonner, dans cette liberté où Isaac n’appartient plus à son père comme l’enfant chéri, étouffé de désirs et d’attentes et d’attachement aliénant. Désormais Isaac n’appartient qu’à Dieu.

 

Nous aussi nous pouvons dire : Mon Dieu je suis à toi. Mon Père. Je t’attends, je t’espère. Prends tout ce que je suis. Fais-moi demeurer. Viens te faire chair en moi, bâtir ta tente, construire ton nid. Comme toi, le Verbe, la parole vivante, tu t’es incarné, tu as habité en nous.

Dévoilement

Jésus autre

 

Dans ce lieu, Jésus est transfiguré, c’est-à-dire transformé, en grec littéralement métamorphosé : il change de forme, d’apparence.

 

Jésus nous étonne toujours. Par bien des aspects Jésus était un homme ordinaire. Mais fugitivement, en lui ses amis entrevoyaient le ciel, le règne de Dieu, un autre monde. Dans la cruauté rouge ou la banalité grise du quotidien, nous avons tant besoin de cet autre monde qui nous appelle, nous attire. Ses amis voyaient la vérité de l’être de Jésus, vérité qui a changé leur vie.

 

Nous pouvons recevoir ce moment précieux, cet instant rare, où Dieu n’est plus caché, où il devient pour nous évident et glorieux. Il se révèle. Expérience de Dieu qui laisse en nous une trace, une empreinte inoubliable. Aujourd’hui Dieu se donne à voir, sur la montagne entre terre et ciel, tout près des étoiles, dans la prière et le silence, la solitude, si près de Dieu, au plus intime, là où tout est dépouillé, apaisé, ouvert à lui.

 

 

Moïse et Élie

Il y a cette présence étonnante, surnaturelle, de Moïse et Élie. Moïse et Élie peuvent représenter la loi et les prophètes.

 

[L’Ancien Testament selon la structure chrétienne se compose de 4 parties : le Pentateuque, les livres historiques, les livres poétiques et les livres prophétiques. Mais en fait, comme la Bible se présentait sous forme d’une bibliothèque de rouleaux séparés, l’ordre des livres n’était pas totalement fixé. La structure juive n’a que 3 parties (et la TOB suit aussi cette organisation) : la Torah, les Prophètes et les Écrits, ou encore comme on le trouve dit à quelques endroits du Nouveau Testament, la loi, les prophètes et les psaumes, ou simplement la loi et les prophètes.]

 

Moïse reçoit la Torah, c’est-à-dire la loi, ou mieux, l’enseignement, les préceptes de Dieu. Élie est un prophète dont l’histoire est racontée dans les deux livres des Rois.

 

Résurrection

Ce qui est remarquable, c’est que ces deux personnages qui logiquement seraient morts, sont vus ici vivants, et cela nous parle déjà de résurrection. Or Moïse et Élie ont tous les deux une mort énigmatique.

 

À la fin du Deutéronome, il est dit que Moïse est mort, littéralement « sur la bouche du Seigneur ». Beaucoup de traductions interprètent simplement : « selon la parole du Seigneur ». Mais les juifs ont une lecture plus poétique et voient là un baiser de la bouche du Seigneur à Moïse. Le Deutéronome ajoute mystérieusement : « Personne ne sait où est sa tombe jusqu’à ce jour. »

 

De son côté, Élie a une fin encore plus extraordinaire : il monte au ciel dans un tourbillon, alors qu’apparaissent un char de feu et des chevaux de feu.

 

Ainsi Moïse, Élie et Jésus sont vus ensemble, réunis et vivants. C’est un aperçu du ciel, révélant à la fois que Jésus est au ciel, que Moïse et Élie sont au ciel, et que les trois sont en harmonie.

 

Visage

Selon Exode 34, quand Moïse sort de la tente où il a rencontré Dieu, son visage brille de l’éclat de la face de Dieu. Et nous aussi, nous dit Paul en 2 Corinthiens, nous reflétons le Seigneur dans le rayonnement de sa gloire, nous sommes métamorphosés :

« lorsqu’on se tourne vers le Seigneur, le voile est enlevé. […] Nous tous qui, le visage dévoilé, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, de gloire en gloire » (2 Co 3,16.18).

 

Ce dévoilement, c’est littéralement une apocalypse, une révélation, où Jésus se laisse voir dans toute sa gloire. Au-delà des mots, comme une contemplation d’amour silencieux, merveille. Immobilité, balbutiement.

 

L’ange du Seigneur nous fait grâce, nous redonne vie. L’ange du Seigneur, son messager, son image et sa ressemblance, son icône, c’est Jésus-Christ : qui suspend notre mort et nous ramène à la vie ; qui interrompt nos gestes de désespoir et d’autodestruction ; qui rend possible l’impossible ; l’agneau de Dieu qui prend notre place, qui nous sauve et nous libère.

 

Notre survie est en Dieu ; Dieu qui change et se renouvelle constamment, qui dépasse toujours les apparences et les représentations que nous formons, qui nous étonne sans cesse, nous rend tout étourdis d’admiration, frémissants d’adoration.

 

L’amour du Père se dévoile dans ses paroles à son fils aimé, unique à ses yeux.

 

Pierre veut demeurer mais il faut revenir dans le réel de notre vie, sortir du rêve en gardant les yeux qui brillent d’une lueur d’ailleurs, d’une étincelle nouvelle. Parce que nous avons rencontré Dieu, nous ne serons plus jamais les mêmes. Nous demeurons illuminés, changés, métamorphosés, transformés, transfigurés.

 

***

En résumé, nous marchons comme des pèlerins, nous nous élevons vers Dieu ; et Dieu se donne à voir, il apparaît éblouissant, il ranime notre vie, nous convertit et nous illumine le visage.

 

Viens Seigneur, je veux te voir. Te voir agir dans ma vie, déceler ta face qui transparaît à travers le sourire d’un frère ou d’une amie, entendre ton ange messager porteur de ta parole de vie, de ta déclaration d’amour : Tu es mon fils, ma fille, et je t’aime.

 

Amen.

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