Présence et feu, langue et fruit (Jean 15,26-27 ; 16,12-15 ; Actes 2,1-11 et Galates 5,16-25)

Prédication de Pentecôte, dimanche 19 mai 2024
Feu sur la plage

Révélation

L’Esprit Saint semble souvent insaisissable ; il se manifeste de façons très diverses. Et les trois textes de ce jour reflètent cette diversité : tous parlent de l’Esprit Saint, mais chacun esquisse son portrait selon un angle de vue différent.

 

 

Dieu dans le feu

L’événement de la Pentecôte signifie d’abord la révélation de la présence de Dieu. Pentecôte est la manière grecque de désigner la fête des semaines, ou Shavouoth en hébreu, cinquante jours ou sept semaines après Pâques. Shavouoth fête les prémices des moissons, l’alliance de Dieu avec la création, et de là l’alliance au Sinaï et le don de la Tora.

 

Dans ce bruit comme d’un grand coup de vent, dans la comparaison avec le feu, nous retrouvons l’atmosphère de la montagne de Dieu. Le feu flamboyant du buisson ardent, où l’ange du Seigneur apparaît à Moïse : « Moïse vit que le buisson était en feu, mais que le buisson ne se consumait pas. » (Exode 3,2). Et le jour où Moïse monte sur la montagne pour recevoir les tables de la loi :

« Le troisième jour, au matin, il y eut des coups de tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne, avec un fort son de trompe ; tout le peuple qui était dans le camp se mit à trembler. […] Le mont Sinaï était tout en fumée, parce que le SEIGNEUR y était descendu dans le feu ; sa fumée montait comme celle d’un fourneau, et toute la montagne tremblait avec violence. Le son de la trompe se faisait de plus en plus fort. Moïse parlait, et Dieu lui répondait. » (Exode 19,16.18-19).

Dieu se dévoile dans sa gloire et sa puissance, symboliquement à travers les éléments naturels de l’air et du feu.

 

 

Dieu dans l’intimité

Chez Jean, la présence de Dieu se décrit d’une autre manière. « Vous êtes avec moi depuis le commencement. » dit Jésus. Quand Jésus annonce son départ, il annonce en même temps la venue de l’Esprit de la vérité. Par son Esprit, il continue à demeurer auprès des humains, mais d’une autre manière. Il peut venir en chacun. Et Jésus affirme ici que ce qui est au Père est à lui, et à l’Esprit, et à nous. Il nous fait entrevoir la Trinité, qui n’est pas d’abord un concept, mais une relation d’amour unissant le Père au Fils et à l’Esprit, une chorégraphie, une danse où les trois s’interpénètrent (la périchorèse), un joyeux échange entre l’humain et le divin. Le Père ressent ce que ressent le Fils, et souffre avec lui, et notre Dieu connaît ainsi la souffrance humaine, parce qu’il l’a vécue. Et l’Esprit Saint nous transmet tout l’amour du Père, toute sa force et sa sagesse, et tant d’autres dons. Il vient demeurer en nous, et nous en lui, dans son amour. L’Esprit Saint est présence de Dieu en nous.

 

C’est pourquoi il est appelé paraklètos (francisé en Paraclet), qui signifie littéralement « appelé à côté », « invité auprès de ». Quand nous l’appelons, il vient demeurer à nos côtés, auprès de nous. Ainsi il nous soutient comme un avocat, comme un défenseur, comme un ami à notre chevet. Il est la présence intime de Dieu qui demeure en nous. La Pentecôte, c’est le don de cette présence comme une source au plus profond de notre âme, dans le secret.

Action

Le don du fruit

Plus haut dans le chapitre 15 de Jean, Jésus dit : « Celui qui demeure en moi, comme moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit » (Jean 15,5). Demeurer en Dieu nous conduit à la vie, nous met en action. Croître, multiplier, fructifier, c’est la vocation de la création. C’est notre vocation.

 

Après que nous avons découvert Dieu comme Esprit Saint, Souffle sacré dans la puissance du feu et dans l’intimité du cœur, son Esprit œuvre en nous et crée en nous une nouvelle façon de vivre. Vivre de cette présence de Dieu.

 

Prier sans cesse, c’est garder toujours vive cette présence du Saint Esprit pour qu’il agisse en nous. Il sera là à mon lever, et ma première pensée sera pour louer Dieu ; il sera là quand je croiserai quelqu’un, et je le verrai comme un frère ou une sœur bien aimé en Christ, et je me réjouirai ; il ne me quittera pas dans mes tâches du quotidien, même les plus humbles, surtout les plus humbles qui laissent ma pensée libre pour me souvenir de Dieu. Et quand je me coucherai fatigué et les idées confuses, je saurai néanmoins que Dieu veille sur moi jusque dans mon sommeil et pendant mes absences.

 

Marchez par l’Esprit, dit Paul aux Galates, promenez-vous au Souffle. Il vaut la peine de retenir ce message fort : Marchez par l’Esprit. Oui, que l’Esprit Saint vous fasse progresser dans votre vie, qu’il soit le pilote et l’énergie qui vous fait avancer, qu’il vous mette en mouvement, dans cette randonnée de la vie, le regard fixé vers le ciel, et Dieu qui nous appelle et nous attire.

 

C’est alors l’Esprit Saint lui-même qui crée le fruit que nous ne savons pas produire par nous-mêmes. Un fruit qui est à la fois amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi. Un fruit merveilleux, un fruit de paradis. Dans la cité sainte de l’Apocalypse, est planté « un arbre de vie produisant douze récoltes et donnant son fruit chaque mois » (Apocalypse 22,2). L’Esprit Saint fait fleurir nos vies toute l’année, et donne le fruit d’amour en toute saison.

 

Quand l’Esprit demeure en nous, quand il coule en nous comme une sève de vie et nous anime, nous pouvons goûter au fruit qui n’est pas défendu, le fruit de l’arbre de la vie, qui fait vivre à l’infini.

 

Le don de la langue

Et le livre des Actes des apôtres nous fait voir un autre don en plus du fruit, le don des langues. Autrement dit, la capacité à parler, et à être entendu. Car nous sommes tous par moments un peu comme Moïse qui dit quand Dieu l’envoie : « j’ai la bouche et la langue pesantes » (Exode 4,10). Et Dieu répond : « Maintenant, va ; je serai moi-même avec ta bouche, et je t’enseignerai ce que tu devras dire » (Exode 4,12).

 

Ce qui arrive à tous au début du livre des Actes est parallèle à ce qui arrive au début de l’évangile du même auteur, Luc (ce n’est pas un hasard) :

  • à Marie, « L’Esprit saint viendra sur toi » (Luc 1,35),
  • à Élisabeth, « Élisabeth fut remplie d’Esprit saint » (Luc 1,41),
  • à Zacharie après la naissance de Jean-Baptiste, « Zacharie, son père, fut rempli d’Esprit saint et se mit à parler en prophète » (Luc 1,67).

 

L’Esprit saint qui vient fait de chacune une prophétesse, de chacun un prophète, au sens où ils peuvent prononcer des paroles inspirées et chanter les louanges de Dieu. Zacharie était muet par manque de foi. « A l’instant même, sa bouche s’ouvrit et sa langue se délia ; il se mit à parler et à bénir Dieu. » (Luc 1,64).

 

A la Pentecôte, de même, tous reçoivent, non pas du feu en forme de langues, mais des langues comme de feu. Car notre cœur brûle en nous quand il est rempli de la parole de Dieu. Le prophète Jérémie s’écrie :

« Si je dis : ‟Je ne l’évoquerai plus, je ne parlerai plus en son nom”, c’est dans mon cœur comme un feu dévorant, enfermé dans mes os ; je me fatigue à le contenir, et je n’y parviens pas. » (Jérémie 20,9).

La parole des disciples est enflammée comme le buisson ardent, car c’est la parole de Dieu que l’Esprit leur insuffle. Le feu se propage et ils deviennent apôtres, c’est-à-dire envoyés, missionnaires, ambassadeurs de Dieu.

 

Ils parlent des langues nouvelles, un langage qui touche au cœur. Ils parlent une langue angélique, une langue céleste. Une langue autre, qui ne ressemble pas au langage ordinaire, qui nous laisse trop souvent indifférents, dubitatifs, impuissants à entendre la foi. L’Esprit saint donne une langue que tout le monde comprend aussi bien que sa langue maternelle, car c’est la langue de notre créateur et de notre Père.

 

Des paroles ineffables sont alors entendues :

  • avec Élisabeth, « Heureuse celle qui a cru, car ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s’accomplira ! » (Luc 1,45) ;
  • avec Marie, « Mon âme magnifie le Seigneur, mon souffle exulte en Dieu mon sauveur ! » (Luc 1,46-47) ;
  • avec Zacharie : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, d’être intervenu en faveur de son peuple ! » (Luc 1,68).

 

Je ne sais pas comment chaque peuple a pu entendre dans sa langue les merveilles de Dieu. Mais c’est un don de l’Esprit Saint, qui a permis d’offrir l’évangile au-delà de toutes les barrières de langue et de culture. La vie que l’Esprit Saint met en nos cœurs, le fruit d’amour qui germe et grandit et devient un arbre de vie, voilà ce qui est universel. Dieu sème sans compter ; sans mesure, en abondance il donne l’Esprit. Aujourd’hui il vient demeurer en nous, alors désormais marchons par l’Esprit !

 

Amen.

Contact