Que tous soient un (Jean 17,20-26)

Prédication du dimanche 1er juin 2025

L’unicité de Dieu

❶ L’unité se fonde dans le Dieu un.

« Le SEIGNEUR sera roi de toute la terre ; en ce jour-là, le SEIGNEUR sera un, et son nom un. » (Zacharie 14,9).

Ce chiffre un, nous pouvons l’entendre en quantité, au sens de l’unicité : Dieu est unique ; mais aussi en qualité, au sens de l’unité : Dieu est uni, unifié en lui-même.

 

Le mouvement de l’Ancien Testament va vers le Seigneur un. Il est le centre et l’origine, le seul sauveur : « Je suis le SEIGNEUR, ton Dieu, depuis l’Égypte. Tu ne connais pas d’autre Dieu à part moi, et il n’y a pas d’autre sauveur que moi. » (Osée 13,4).

 

❷ Néanmoins dès le début, le chiffre un est associé à la présence de l’autre, à la relation, et à l’amour. S’il n’y a pas un autre, je suis un mais je suis simplement seul. Quand l’autre apparaît, alors nous pouvons devenir unis.

« C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. » (Genèse 2,24).

Et le verset suivant dit : « Ils étaient tous les deux nus, l’homme et sa femme. » Au moment où il est dit qu’ils seront un, il est dit qu’ils sont deux. L’unité ne s’oppose donc pas à la pluralité, mais à la division. L’unité c’est l’amour, un amour même étonnamment fusionnel.

 

❸ Et le Nouveau Testament élargit l’idée du Dieu unique avec l’unité entre le Père et le Fils, pas encore une trinité, mais une bi-unité. Jésus a cette expression : « comme nous, nous sommes un ». Comment le pluriel du nous peut-il être un ? Comme l’homme et la femme sont deux en étant un, par l’amour.

 

Jésus précise : « comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi ». Dans l’unité, les deux sont intriqués, enlacés. Il y a comme ce que Luther appelait un joyeux échange, où chacun échange avec l’autre un peu de sa substance. Ainsi Dieu devient un peu humain, et l’humain devient un peu divin.

 

Comme deux êtres qui vivent ensemble influent l’un sur l’autre, évoluent l’un vers l’autre, changent ensemble. L’homme ne devient pas homme sans la femme, la femme ne devient pas femme sans l’homme, car ils sont homme et femme en ce qu’ils sont différents tout en étant un.

 

Tout part de l’unité vivante de Dieu. Dieu n’est pas seulement un, il est aussi altérité et pluralité. Des couples se forment dans l’unité. Il y a cette danse entre le Père et le Fils, entre le Christ et nous.

L’unité de ceux qui croiront

Nous arrivons ainsi à l’unité des croyants – des croyants au futur : de ceux qui croiront. Jésus parle de nous ! Et il parle aussi de ceux qui, aujourd’hui incroyants, deviendront croyants demain : c’est dynamique !

 

C’est la prière de Jésus : « que tous soient un ». Et cette unité ne s’accomplit pas par des efforts humains. L’unité ne s’accomplit que si nous sommes en Christ.

 

Parfois nous, protestants, aimons tellement notre diversité et notre liberté que nous acceptons l’unité dans un sens faible, une unité limitée. Mais ce n’est pas très biblique. L’unité dont parle Jésus est très profonde. Il nous appelle à être un, comme lui-même est un avec son Père, comme l’homme est un avec la femme : devenir un jusqu’au point de ne plus voir les deux que nous étions.

 

« Car c’est lui qui est notre paix, lui qui a fait que les deux soient un, en détruisant le mur de séparation, l’hostilité. » (Éphésiens 2,14).

Nous sommes réconciliés, Juifs ou Grecs, circoncis ou incirconcis, les différences n’ont plus d’importance, elles ne nous définissent plus.

 

Celui qui nous définit, c’est le Christ. C’est une unité ouverte, qui inclut, qui élargit. Elle accueille l’autre, la diversité, la pluralité. Cette unité n’est pas l’unicité monolithique qui exclurait tout ce qui est dehors. Elle est à l’image de Dieu, où le Père s’ouvre à l’unité avec le Fils, et le Fils s’ouvre à l’unité avec les croyants.

L’unification de l’univers

❶ Et même, cette unité ne se limite pas aux croyants, elle n’exclut pas le reste du monde et les athées. Au contraire, elle s’ouvre aux non-croyants, elle s’élargit à la dimension du monde, – ou littéralement en grec, le cosmos ; et nous pouvons traduire : l’univers.

 

« Car Dieu a tant aimé le monde »… (Jean 3,16). Il n’a pas aimé que les croyants. Il a aimé l’univers.
Impossible d’opposer deux catégories de personnes, les croyants et les incroyants. Car tout est dynamique. Croire ou ne pas croire n’est pas une donnée intrinsèque dans la nature de chacun. Quel croyant peut dire qu’il a toujours cru, et que sa confiance en Dieu est absolue ? Quel incroyant peut dire qu’il ne croira jamais ? Thomas affirme qu’il ne croira pas, et huit jours après il s’écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jean 20,28).

 

Tel est le miracle de la conversion, de la découverte du Dieu vivant qui change tout et crée toutes choses nouvelles. Le désir de Jésus et le but de sa prière, c’est que le monde croie.

 

Le monde est souvent le lieu de l’adversité. Jésus n’est pas du monde. Et le monde ne l’a pas connu. Or Jésus a cette espérance immense que ce même monde deviendra un autre monde, un monde qui le connaîtra et croira que le Père l’a envoyé.

 

J’aime y voir la réalisation de la nouvelle alliance annoncée par le prophète Jérémie :

« Je mettrai ma loi au dedans d’eux, je l’écrirai sur leur cœur ; je serai leur Dieu, et eux, ils seront mon peuple. Celui-ci n’instruira plus son prochain, ni celui-là son frère, en disant : ‟Connaissez le SEIGNEUR !” Car tous me connaîtront, depuis le plus petit d’entre eux jusqu’au plus grand – déclaration du SEIGNEUR. » (Jérémie 31,33-34).

 

Le peuple de Dieu n’est pas un peuple prédéfini. C’est l’unité à Dieu qui crée un peuple qui lui appartient. Par la nouvelle alliance, est nouée la relation qui unit un peuple à son Dieu et un Dieu à son peuple, lui en nous et nous en lui.

 

Et Jésus fait connaître le nom du Père, car connaître c’est aimer. Cette révélation qui nous découvre Dieu, nous le dévoile et le met à nu, nous mène au cœur de son mystère et de son intimité. Et c’est là que l’unité s’accomplit.

 

❷ Cette unification, cette réconciliation, si elle est bien celle du cosmos, ne se limite donc pas aux humains, elle s’élargit encore à toute la création. Laissons-nous surprendre par la finale de l’évangile de Marc où Jésus dit : « Allez dans le monde entier », littéralement : « Allez vers tout le cosmos, et proclamez la bonne nouvelle à toute la création. » (Marc 16,15).

 

Voici l’alliance avec toute la création que Dieu annonce à Noé :

« Quant à moi, j’établis mon alliance avec vous et avec votre descendance après vous, avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, tant les oiseaux que le bétail et tous les animaux sauvages, avec tous ceux qui sont sortis de l’arche, avec tous les animaux sauvages. » (Genèse 9,9-10).

Voici l’alliance avec toute la création dont parle Osée le prophète :

« En ce jour-là, je conclurai pour eux une alliance avec les animaux sauvages, les oiseaux du ciel et les bestioles de la terre. » (Osée 2,20).

 

Que veut dire évangéliser toute la création ? Que veut dire que le cosmos ait confiance et foi ?
La bonne nouvelle pour toute la création, c’est l’unité, au sens où chacun ne vit pas pour soi-même, mais pour le bien de tous les êtres vivants, humains, animaux et plantes. Autrement dit, c’est l’amour. Et Dieu est amour (1 Jean 4,8). Si nous sommes en Dieu, nous sommes dans l’amour. « Tout être aimant est né de Dieu et connaît Dieu. » (1 Jean 4,7). Si nous sommes dans l’amour, nous connaissons Dieu, nous sommes unis à son intimité profonde.

 

Alors nous voyons la gloire du Père, qu’il a donnée au Fils, qui nous l’a donnée.

 

Dieu a voulu tout réconcilier avec lui, dans le ciel et sur la terre (Colossiens 1,20). Il réalise la paix et l’unité de l’univers. Un univers qui croit et qui aime. Tel est l’enjeu de l’unité de Dieu Père avec le Fils, avec nous, avec tous les humains, avec toute la création. Et tous nous serons en Dieu, comme un être unique dans sa gloire, et multiple dans l’amour.

 

Amen !

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