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Racines du ciel (Ésaïe 11,1-10)
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Prédication du dimanche 7 décembre 2025 à Saint-Agrève
Arbre de Jessé (Vitrail de la basilique Saint-Denis).
Le Seigneur avait promis au roi David sa fidélité. Et Dieu tient ses promesses.
Ésaïe annonce : « Un rameau sortira du tronc de Jessé. » Jessé (également appelé Isaï selon les traductions) est le père de David. Le prophète annonce donc un roi issu de la lignée de David. Ce verset a donné lieu à toute une tradition picturale de l’arbre de Jessé, c’est-à-dire un arbre généalogique des rois d’Israël et de Juda, qui peut aller jusqu’à Jésus. Mais là, c’est une réinterprétation chrétienne. Il faut d’abord faire justice au sens d’origine du texte, si nous pouvons le comprendre.
Un roi idéal est annoncé, signe d’espoir pour le peuple. Ce rameau qui repousse à partir du tronc, et des racines, sera une renaissance, comme un printemps nouveau. Car quand la prophétie est prononcée, c’est l’image de la souche qui s’impose pour décrire Israël. Autrement dit, une mort apparente, un hiver. Israël est coupé, diminué, rabougri, humilié, sans feuille ni fruit, inutile. Tout pousse au désespoir.
Au chapitre 6, Ésaïe annonce déjà :
« S’il y reste encore un dixième des habitants, il repassera par l’incendie ; mais, comme le térébinthe et le chêne conservent leur souche quand ils sont abattus, sa souche donnera une descendance sainte. » (Ésaïe 6,13).
Israël est devenu insignifiant et presque inexistant, en apparence. Pourtant il demeure un petit reste, aussi petit qu’une semence, aussi stérile qu’un tronc nu. Et de là va repousser un peuple, va germer une espérance nouvelle, va naître un roi extraordinaire.
Cette espérance pour Israël s’applique aussi bien à nous. Notre Église paraît trop souvent presque morte ou en sommeil, comme un arbre coupé et dénudé en hiver. Mais il reste les racines en terre, toute cette puissance invisible prête à renaître quand la saison sera venue. Notre enracinement en Christ nous fera puiser la sève de vie qui irriguera l’arbre et fera éclore des feuilles d’un vert tendre et s’épanouir des fleurs. L’Église vivante d’une vie cachée en Christ manifestera bientôt cette puissance de vie qu’elle porte en elle, par la grâce.
Et l’espérance d’un roi n’est pas nationaliste, mais universelle, au-delà des frontières d’Israël. « La racine de Jessé se tiendra là comme une bannière pour les peuples ». Toutes les nations sont attirées par ce roi.
Qu’a-t-il donc de plus que les autres rois ?
L’Esprit du Seigneur est donné. Et plusieurs passages bibliques énumèrent dans les lettres de Paul les dons du Saint-Esprit, ou son fruit. Mais déjà ici, dans l’Ancien Testament, chez Ésaïe, nous est raconté tout ce que donne le souffle de Dieu.
Sagesse et intelligence nous disent combien l’inspiration de Dieu amène à voir clair dans les pensées et à prendre les bonnes décisions, comme le roi Salomon fils de David, qui avait demandé et reçu de Dieu une sagesse légendaire et surnaturelle (1 Rois 3).
Et ce souffle est aussi un souffle de conseil et de vaillance ; car la sagesse est aussi une qualité pratique, une habileté. Le conseil sans doute est un pragmatisme ; et la vaillance suggère à la fois la force physique et la volonté, le courage, autant de qualités pour exécuter les décisions prises, persévérer. En effet il existe une intelligence émotionnelle : pour mener un projet, réussir un examen, bien raisonner ne suffit pas ; il nous faut aussi cette force mentale qui nous permet de nous mobiliser, de nous passionner, de nous atteler avec détermination et constance à la tâche, en y trouvant goût, à la fois lucides sur l’ampleur du défi et l’effort à fournir, et confiants malgré tout sur la possibilité d’y parvenir. Voilà ce souffle de vaillance.
Et puis la connaissance et la crainte du Seigneur. La connaissance rejoint cette force de l’intelligence, mais si elle est associée à la crainte du Seigneur, elle est peut-être plus spécifique : ce qui importe, c’est de connaître Dieu. C’est-à-dire être en relation intime avec lui. Connaître Dieu, c’est infini, nous n’effleurons jamais que le porche du mystère de son être ; mais déjà cela suffit à être saisis par lui, par sa transcendance et sa beauté, et à en être transformés, illuminés. À l’aimer. Connaître, c’est très proche d’aimer. Si nous connaissons une minuscule facette de Dieu, déjà nous l’aimons.
Voilà donc tous ces dons que reçoit le roi par le souffle du Seigneur. Et en quoi sommes-nous concernés ?
« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Corinthiens 3,16).
Donc puisque nous avons le souffle de Dieu en nous, nous avons tous ces dons, nous aussi. Nous sommes sages et intelligents, de bon conseil et vaillants, remplis de connaissance et de vénération du Seigneur. L’Esprit Saint nous donne toutes ces qualités royales, au service de la justice, et des chemins de Dieu.
Mais voilà que la parole de Dieu à Ésaïe prend encore plus d’ampleur, et nous amène au-delà d’un roi terrestre, au-delà de nos qualités humaines. Elle nous fait voyager vers une terre inconnue, et qui dépasse l’imagination.
Le monde qui est décrit n’est plus la réalité terrestre que nous connaissons, mais comme une nouvelle création. Cet avenir semble dépasser l’histoire humaine, et n’être pas encore réalisé, même après plus de 27 siècles. C’est une réalité spirituelle, et toujours une espérance.
Ésaïe voit en pensée une création réconciliée, pacifique. Car la nature est souvent cruelle et impitoyable, marquée par la violence. Les animaux tuent et sont tués. Et quand nous envisageons cette belle utopie végétarienne et végane, nous pouvons nous étonner : si l’être humain choisit, dans la mesure de ses possibilités, de ne pas tuer ou faire souffrir, et de laisser libres les animaux, que faire alors des animaux prédateurs et carnivores, qui continuent à en tuer d’autres ? Il y a une solidarité de toute la création : si quelques-uns commettent encore de la violence, alors il n’y a pas de paix.
Même David a été un berger violent, et a tué un Philistin en combat singulier. Il n’est pas un héros non-violent.
« Quand le lion ou l’ours venait enlever une bête du troupeau, je lui courais après, je le frappais et je délivrais la bête de sa gueule. S’il se dressait contre moi, je le saisissais par la barbe, je le frappais et je le tuais. » (1 Samuel 17,34-35).
Mais voici de l’inouï : la vache et l’ourse broutant ensemble, le lion végétarien comme le bœuf. Même la violence animale a disparu. Et comme dans un rêve d’enfant, le nourrisson peut jouer avec la vipère sans dommage, ainsi même le plus petit, le plus vulnérable est protégé.
Et si le sens littéral nous parle d’animaux, et d’écologie intégrale de l’ensemble du vivant, nous pouvons aussi y entendre une fable qui parle des humains. Certains humains sont doux comme des agneaux et des chevreaux, et il arrive qu’ils se fassent dévorer, harceler, persécuter, maltraiter, par d’autres. Car d’autres ressemblent à des vipères, agissent par moments comme des lions ou des panthères.
Il ne s’agit pas de diaboliser ces animaux dans la réalité, mais de sentir les caractères humains qu’ils symbolisent.
Alors cette vision est aussi celle des humains réconciliés, en paix. Le faible a sa place à côté du fort, et il n’y a aucune différence de valeur entre eux. L’égalité est établie. Chaque être est respecté, et n’est pas attaqué. L’amitié relie les humains, et les unit, quelles que soient leurs origines, leurs cultures, leurs idées, leur foi.
Humainement, c’est impossible, cela n’existe pas, c’est une illusion. Nul roi humain n’est ainsi. Nulle société humaine, nul écosystème animal ne ressemble à cela.
Oui car c’est Dieu seul qui fait cela. Ce roi sera le messie ; cette terre sera renouvelée en son cœur par son créateur ; sinon cela ne peut pas être. Voilà pourquoi nous y attendons le Messie, notre Christ ; c’est lui que nous espérons.
Lui sera rempli de l’Esprit saint en plénitude. Selon Ésaïe 9,
« Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, Et la domination reposera sur son épaule ; On l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix. » (Ésaïe 9,5).
Quand nous nous sentons comme une souche de bois sec en hiver, voici une espérance qui ouvre à une autre réalité, surnaturelle et spirituelle : notre Seigneur vient, il est roi, et inspiré par l’Esprit, à la fois puissant et doux, et apporte la paix.
Je termine en soulignant cette dernière image puissante : comme une vague immense, le Seigneur emplit tout, irrésistible. « La connaissance du SEIGNEUR remplira la terre comme les eaux recouvrent la mer. » Fais-toi connaître à nous, Seigneur, source intarissable, océan d’amour, que ta connaissance entre en nous. Et dans ton océan, ta vie nouvelle surgira pour nous tous et pour le monde.
Amen !