Il n'est pas ici
Tout commence avec ces femmes qui préparent des aromates et qui viennent au tombeau. Si elles n’étaient pas venues, qui aurait été témoin de la résurrection ?
Elles connaissaient Jésus, elles étaient là, elles le suivaient, et l’ont suivi jusqu’à la fin. Et même après sa mort, elles ne l’abandonnent pas.
Le deuil les accable, elles portent cette tristesse immense, et pourtant elles ne se laissent pas aller, elles se lèvent pour servir une dernière fois le Seigneur en parfumant son corps. Sans doute ces femmes n’attendent plus rien, elles cherchent un mort pour accomplir ce qui doit être fait.
Parfois le Christ se manifeste en réponse à une attente, un désir, une quête de notre part, quand nous l’appelons. Ici ce n’est pas le cas ; l’espoir a disparu. Mais il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ; alors les femme font quelque chose, apporter des aromates. Et la révélation du Christ vivant rejoint leur action, comme si derrière ce geste humble et presque dérisoire, ce rite funéraire impuissant face à la mort, se cachait une espérance qui demeure et persiste contre tout espoir.
L’aurore se lève, et elles n’imaginent pas la nouveauté de ce premier jour qui est en train de naître. Premier jour après shabbat, inauguration d’une nouvelle semaine, premier jour d’une nouvelle création.
Elles vont de surprise en surprise. La première surprise est de voir la pierre roulée ; la deuxième, de ne pas trouver le corps ; la troisième, de voir les deux hommes en habits éclatants, qui sont appelés plus loin une vision d’anges.
Elles sont perplexes, décontenancées. Quand la réalité n’est pas celle que nous pensions, d’abord nous ne comprenons pas. Nous ne savons pas si nous devons en croire nos yeux, ou notre logique et nos convictions anciennes. Le monde apparaît soudain inattendu, incohérent avec nos représentations. Nous sommes bousculés, tout redevient question et doute.
Il n’est pas ici ; il est donc ailleurs.
Le renard du Petit Prince dit son secret : « on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »
Elles ne trouvent pas le corps, c’est donc une réalité spirituelle bien plus que matérielle qu’elles vont pouvoir trouver. Elles ne trouvent pas le mort ; car c’est un mort qu’elles cherchaient. Or c’est le vivant qu’elles pourront trouver.
« Le SEIGNEUR Dieu façonna l’humain de la poussière de la terre ; il insuffla dans ses narines un souffle de vie, et l’humain devint un être vivant. » (Genèse 2,7).
Lorsque nous cherchons Dieu sans le trouver, c’est peut-être parce que nous cherchons un Dieu mort, un faux dieu qui n’existe pas. Nous découvrons le Dieu vivant, qui est tout différent.
« Vous me rechercherez et vous me trouverez, car vous me chercherez de tout votre cœur. Je me laisserai trouver par vous – déclaration du SEIGNEUR » (Jérémie 29,13-14). « Cherchez, et vous trouverez » (Luc 11,9).
Dieu se révèle autre.
Les femmes trouvent un tombeau vide ; mais dans le vide de la mort, au cœur du néant, dans l’absence, elles trouveront le Dieu inimaginable, qu’elles n’attendaient pas.
Des pères de l’Église avaient une théologie négative. On ne peut pas parler de Dieu, il est au-delà de nos mots, au-delà de tout. Il est celui qui nous échappe.
Il n’est pas ici : les deux hommes étincelants ne disent pas où il est. Simplement, il est au-delà du tombeau où nous l’avions enfermé. Jésus reste une grande question, un mystère, car la transcendance de Dieu nous dépasse infiniment.