Peur, paix, joie, bonheur
Christ est ressuscité ! Comment le voir, comment le montrer, comment le dire, comment le faire sentir ? Comment vivre relevé, recréé, régénéré ?
L’Apocalypse donne une vision du Christ vivant, le fils de l’homme dans toute sa lumière, éblouissant. Il étincelle comme l’or, il rayonne de blancheur comme la neige, il éclaire comme le feu, il irradie comme le bronze incandescent, il brille comme le soleil. Aucune image n’est trop intense pour le décrire. Et le ressuscité annonce, avec la puissance assourdissante d’un torrent qui se déverse dans de grandes chutes d’eau : « Ne crains point ! Je suis le premier et le dernier, et le vivant. J’étais mort ; et voici, je suis vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clefs de la mort et du séjour des morts. » Sa victoire est proclamée, il resplendit de gloire et de puissance.
C’est la réalité. Et en même temps, la résurrection reste bien discrète, à sa source, selon l’évangile de Jean. Marie-Madeleine, Pierre et le disciple bien-aimé sont arrivés au tombeau. Ils vivent une expérience bouleversante, et déroutante. « Car ils n’avaient pas encore compris l’Écriture, selon laquelle il devait se relever d’entre les morts. » (Jean 20,9). Comme nous, ils se situent entre voir et ne pas voir, toucher et ne pas toucher, croire et ne pas croire.
Et après ces trois-là, il reste neuf disciples qui n’ont rien vécu eux-mêmes, qui ont simplement entendu les paroles des autres. Peuvent-ils croire leur témoignage, sans avoir vu personnellement ?
Leur première émotion, c’est la peur. La mort de Jésus les a traumatisés, ils sont en deuil, ils sursautent au moindre bruit. Ils frémissent et frissonnent devant cette rumeur extraordinaire, au-delà des frontières de la mort, qui les confronte au divin transcendant, incompréhensible, à la crainte du Seigneur.
Le Christ dit dans l’Apocalypse : « Je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un m’entend et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je dînerai avec lui et lui avec moi. » (Apocalypse 3,20). Or voilà, les portes sont fermées. Les disciples ne veulent pas prendre le risque de faire entrer un inconnu, d’accueillir un étranger qui pourrait être dangereux. Et ce faisant, ils ferment aussi la porte au Christ.
Et malgré tout, Jésus vient. Il vient dans ce petit groupe réuni en son nom qui est déjà une Église. Simplement il est là, présent. Parfois nous pensons que Dieu est encore à l’extérieur, alors qu’il est déjà à l’intérieur.
Cette venue de Jésus parmi eux et en eux change toutes leurs émotions. Il leur souhaite la paix dans sa salutation, shalom ; et déjà les battements de leur cœur s’apaisent. Ils ressentent alors la joie. Devant le Seigneur, celui qu’ils reconnaissent comme le Seigneur, il n’est plus mentionné de crainte, seulement la joie, une joie pure. Et une semaine plus tard, le bonheur nous est annoncé : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! »
Ici Jean parle des disciples, mais il parle aussi et surtout de l’Église, de nous. Le Christ vient parmi nous, et au milieu même de nos peurs et de nos enfermements, il apporte avec lui paix, joie, bonheur.
Aux disciples, il se montre lui-même tout entier à voir et à toucher. Car les émotions passent par le corps. La joie de voir le Seigneur fait vibrer dans une explosion d’adrénaline, le contact avec sa peau fait trembler avec délice comme une caresse.
Le Seigneur se laisse toucher dans son corps blessé, percé aux mains et au côté, marqué par les clous. Notre Dieu est celui qui nous rejoint de corps à corps. Comme dit un écrivain : « Le lieu de Dieu est le corps de l’homme. » Et le corps est faible, il est limité, plein de défauts, il grandit, il s’abîme, il vieillit et meurt. C’est dans notre corps fragile que Dieu vient nous toucher, vulnérable comme l’amour.
C’est la puissance des sens, de la vue et du toucher, mais aussi leur limite. Marie Madeleine est invitée à dépasser le toucher, Thomas est invité à dépasser la vue. Nous tous sommes invités à la foi, la confiance qui ne dépend pas d’une sensation, d’une manifestation sensible, mais qui se fonde sur la conviction de la présence du Christ. Car c’est la vérité, il est là.
Nous pourrions penser que les disciples sont heureux d’avoir vu le Christ. Mais non, c’est nous qui sommes déclarés heureux, nous qui croyons sans avoir vu. Dieu nous a gardé cette bénédiction plus grande encore.
Par la foi nous pouvons le voir se dévoiler comme dans l’Apocalypse, non pas avec nos yeux, mais par nos sens spirituels. Nous pouvons dire alors que le ressuscité est vraiment lumière, puissance, merveille.