Un grand calme (Marc 4,35-41)

Prédication du dimanche 23 juin 2024

Le sommeil heureux

Il est important de bien dormir, pour être en forme la journée ! Bienheureux Jésus, qui arrive à dormir même au milieu des tempêtes ! Il a dit lui-même : « qu’il dorme ou qu’il veille, nuit et jour, la semence germe et croît » (Marc 4,27). Et le Cantique des cantiques songe : « Je dors, et mon cœur veille » (Cantique 5,2).

 

Le psaume 121 chante :

« celui qui te garde ne sommeille pas. Non, il ne sommeille ni ne dort, celui qui garde Israël. C’est le Seigneur qui te garde, le Seigneur est ton ombre à ta droite. » (Ps 121,3-5).

L’être humain peut dormir en paix, béni, parce que Dieu veille.

 

Nous sommes heureux d’avoir Jésus avec nous dans la barque de notre vie, dans notre cœur, dans notre communauté. Comme le cœur en tant que muscle continue à battre et à nous irriguer du sang de la vie pendant notre sommeil, notre cœur spirituel continue à pulser de l’amour et de la présence du Christ.

 

Les catholiques ont le tabernacle, ce coffret où ils déposent les hosties consacrées, en laissant luire une lumière rouge. Dans le livre de l’Exode, il est écrit : « Tu mettras sur la table le pain offert, constamment, devant moi. » (Ex 25,30). Et encore : « Toi, tu ordonneras aux Israélites de te procurer, pour le luminaire, de l’huile d’olive fine et vierge, afin d’entretenir constamment les lampes. » (Ex 27,20). Ce sont des signes. Ultimement, la demeure spirituelle, le temple, la tente, le tabernacle, c’est l’être humain. Le Christ pain vivant habite constamment en nous, et brille.

 

Les peurs

Les peurs de la traversée de la vie

Mais dans les eaux tumultueuses, notre cœur est agité par des tourbillons, des tornades, de l’écume et des vagues. Comment ne pas être entraîné par le vent et déporté par les flots ?

 

Les peurs existent ; des émotions nous submergent. Peur de la guerre, de la violence, de la mondialisation, de l’intelligence artificielle et des réseaux sociaux, des opinions et des modes de vie qui ne sont pas les nôtres, des radicalisations, des fanatismes, des catastrophes climatiques, de l’avenir du monde et de nos enfants. Peur de la pauvreté, de la spirale des addictions, de la solitude, de la mort ou de la vie. Peur de ne pas être aimé, de ne pas arriver à vivre, de ne pas être assez beau, grand, fort, intelligent, performant, dynamique. Des peurs collectives, pour la société, la planète ; et des peurs personnelles, intimes, affectives, secrètes.

 

Oui ces émotions existent, ressentons-les, exprimons-les. Mais qu’elles ne viennent pas nous engloutir, nous noyer ! Que la panique ne nous domine pas ! Il est vrai, le vent et les vagues ne sont pas des illusions. Mais à partir de là, il y a un mensonge, une fausse information, une propagande ennemie. Les disciples s’écrient : « nous sommes perdus et tu ne t’en soucies pas ? » Double erreur. À côté de la vérité du vent et des vagues, qui submerge nos pensées, il y a pour la nuancer cette autre vérité à ne pas oublier : un, nous ne périssons pas ; et deux, Jésus se soucie de nous, puisqu’il est là dans la barque, tout prêt à agir.

 

Jésus impose silence à toutes ces voix de peurs mensongères, il fait taire ces folles agitations. Il donne le grand calme.

 

Les peurs spirituelles

Plus subtiles, il existe aussi des peurs spirituelles. Au fond, nous pouvons avoir peur de l’absence de Dieu, peur que Dieu soit endormi et ne se réveille pas, peur que Dieu soit mort. Mais Jésus se lève et se révèle.

 

Il existe encore la peur de l’enfer, autrement dit la peur de ne pas être sauvé. Nous savons et nous affirmons que nous sommes sauvés par la foi, c’est l’évangile de notre bonheur. Oui mais la peur revient, quand Jésus dit : « N’avez-vous pas encore de foi ? » J’ai peur de ne pas avoir la foi. Aurai-je plus de foi que les disciples ? N’ai-je aucun doute, aucune peur ? Qui peut affirmer avoir la foi, la tenir fermement et posséder cette confiance absolue en Dieu ?

 

Eh bien ce texte dit une chose étonnante. Nous ne sommes pas sauvés par la foi. Les disciples n’ont pas la foi ; ils sont sauvés malgré tout. Ils sont sauvés par leur prière incrédule, l’action désespérée d’appeler Jésus au secours, comme les cris des psaumes. Et avant toute chose, Jésus les sauve de la tempête. Ensuite seulement, il les encourage à avoir la foi. La foi n’est pas une condition pour être sauvé. Le salut est donné d’abord, la foi est une conséquence. Parce que nous connaissons le Dieu sauveur et son amour pour nous, et que nous l’avons vu en action, nous avons confiance en lui et nous n’avons pas peur.

 

Nous sommes sauvés même sans la foi, par l’amour de Dieu. C’est le message inattendu de ce texte. Avant la foi, Dieu nous aime et nous sauve.

 

Et maintenant que nous sommes sauvés, alors Jésus nous appelle à la foi. Il ne nous appelle pas à nous satisfaire de notre manque de foi, à nous complaire dans nos doutes, à penser la foi inaccessible. Il nous appelle à nous savoir sauvés, à bannir la crainte, à croire en sa personne, en sa présence vivante. Nous portons Jésus en nous, mais trop souvent il est dans notre cœur comme endormi, comme mort. Mais Jésus est le vivant, réveillé de la mort ; et notre Église connaîtra un réveil, et notre cœur vivra une résurrection. Nous n’avons pas la foi, pas encore ! Ce « pas encore » vaut une promesse. Nous aurons la foi.

 

Celui qui est

La foi remplace la peur, quand Jésus se révèle. Au début, les disciples appellent Jésus maître, non pas au sens du maître d’un esclave, mais d’un enseignant, d’un maître d’école ou d’un maître de sagesse. Et cela ne les empêche pas d’avoir peur de la tempête.

 

À la fin, ils ne savent plus rien ; Jésus n’est pas celui qu’ils croyaient ; ils ne le reconnaissent plus. Ils s’étonnent, ils le découvrent tout-autre, transcendant. Ils arrivent finalement à une question : « Qui est-il donc, celui-ci ? » Si le vent et la mer l’écoutent, il est plus qu’un être humain. Il crée les vents et la mer. Il manifeste sa souveraineté, sa seigneurie, sur les éléments déchaînés. Ce n’est pas une souveraineté violente, mais une toute-puissance de douceur. Le pouvoir apaisant de Dieu amène un grand calme.

 

Les disciples ouvrent une question sur le mystère : l’identité de Jésus, et la connaissance de Dieu. Or deux chapitres plus loin, Jésus marche sur la mer et leur dit : « Courage ! Moi je suis, n’ayez pas peur. » (Marc 6,50). Jésus répond alors par le nom même de Dieu dévoilé du milieu du buisson ardent : « je suis », au sens de l’être même, celui qui est, l’Éternel, mais aussi au sens de « je suis là », « c’est moi », présence de Dieu.

 

Connaître l’amour de Dieu et savoir qu’il est là, vivant et puissant, nous donne une grande force. Il nous sauvera, il nous a déjà sauvés. La peur disparaît. Dieu nous donne la confiance, la foi, un grand calme, même au milieu d’un ouragan. Amen.

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