Venez, et vous verrez ! (Jean 1,35-42)

Prédication du dimanche 14 janvier 2024

Chercher

Il y a ici un immense enjeu, celui de découvrir et de choisir le Christ, de le redécouvrir et de le rechoisir, de savoir pourquoi nous devenons chrétiens et nous le demeurons. Jésus nous pose cette grande question existentielle : Que cherchez-vous ? Que cherchons-nous encore dans la foi ? Quelle est notre soif, notre désir, notre attente ?

 

Dieu donne en abondance. Jésus nous dit : « Demandez, et il vous sera donné ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et il vous sera ouvert » (Luc 11,9). « Si vous me demandez quelque chose en mon nom, moi, je le ferai. » (Jean 14,14). « Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et cela vous arrivera. » (Jean 15,7). Il faut demander, il faut chercher ; et je crois que c’est cela, la prière. Prier c’est creuser ce désir, cette attente, en la tournant vers Dieu ; c’est supplier, c’est espérer avec confiance. Devenons des disciples, devenons des chercheurs tendus vers Dieu.

 

Demeurer

Il y a dans ce texte quelque chose d’étrange, un dialogue décalé. À la question démesurée « Que cherchez-vous ? », les deux disciples ne répondent que par une autre question : « Où demeures-tu ? » Et à son tour, Jésus élude la question en lançant une invitation et une promesse : « Venez et vous verrez ». Certes ils cherchent où il demeure, mais leur quête est plus grande. Les mots n’expliquent pas les actions. Pourquoi suivent-ils Jésus ? À cause de Jésus lui-même. L’essentiel n’est pas dit, ne peut pas être raconté, c’est personnel. Il faut le vivre, et l’expérimenter. Il faut rencontrer Jésus, venir voir, demeurer, passer du temps avec lui.

 

Au début, ils semblent suivre Jésus par curiosité, et Jésus se retourne et voit qu’il est suivi. Ils doivent se démasquer, et finalement suivre Jésus les engage. Ils demeurent avec lui ce jour-là, quelques heures. Mais les jours suivants, et toute leur vie, ils continuent. Ils ne veulent plus le quitter.

 

Jésus propose un avenir : « Vous verrez ». Il n’offre non pas un lieu, mais un itinéraire, non pas un point final, mais un processus qui dure.

 

Où demeure Jésus ? Ils risquent d’être déçus. « Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l’homme n’a pas où poser sa tête. » (Matthieu 8,20). Jésus vient de Nazareth. Nathanaël dit : « De Nazareth, peut-il être quelque chose de bon ? » (Jean 1,46).

 

Et pourtant, ils viennent et voient où il demeure, et demeurent auprès de lui. Car c’est une demeure spirituelle qu’ils ont vue. Au chapitre 15 de Jean, enfin Jésus nous dit où il demeure : l’amour du Père, voilà sa demeure. « Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour. » (Jean 15,9-10). Les deux disciples ont vu l’amour de Dieu où demeure Jésus, et ils ont voulu y demeurer.

 

Trouver

Le Messie

Et enfin ils trouvent. Ils trouvent au-delà de ce qu’ils cherchaient. Ils n’ont pas trouvé simplement où demeure Jésus. Mais ils disent, et là encore il y a un décalage inexpliqué, un grand saut, car ils peuvent dire : « Nous avons trouvé le Messie. »

 

Et au début, Jean-Baptiste disait : « Voici l’agneau de Dieu ». Déjà la veille, il avait annoncé : « Voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. » (Jean 1,29).

 

L’agneau se trouve souvent dans l’Ancien Testament, mais en majorité pour être sacrifié. L’agneau c’est la victime pure et innocente. Comme c’est bizarre de la part de Jean-Baptiste de présenter ainsi, prophétiquement, Jésus !

 

L’agneau du temple

La protection du loup en Europe fait débat, car les éleveurs de moutons subissent des pertes à cause des attaques de loups. Dans l’Antiquité aussi les loups mangent les moutons. Vous connaissez la fable cruelle du loup et de l’agneau, écrite par le poète grec Ésope, et que La Fontaine a réécrite en français. Je vais vous lire une autre fable d’Ésope que j’ai découverte : « Le Loup et le jeune Agneau réfugié dans un temple ».

Un loup poursuivait un jeune agneau. Celui-ci se réfugia dans un temple. Comme le loup l’appelait à lui et disait que le sacrificateur l’immolerait au dieu, s’il le trouvait là : « Eh bien ! répondit l’agneau, je préfère être victime du dieu que de périr par toi. »

Cette fable montre que, si l’on est réduit à mourir, il vaut mieux mourir avec honneur.

 

Entre le loup et l’agneau, Jésus choisit d’être l’agneau, l’agneau du temple. Il n’est pas un jeune loup ambitieux aux dents longues. Il préfère la non-violence, quitte à payer de son propre sang. Il ne se défend pas. Parfois les chrétiens se sentent menacés et veulent défendre la foi, ce qu’ils croient être la seule vraie foi, défendre leurs valeurs et leur place dans la société. Mais Dieu est assez grand pour se défendre tout seul. Le Messie d’Israël ne vient pas avec des drones et des missiles pour libérer son peuple. Jésus est l’agneau de Dieu. Et contre toute attente, c’est cet agneau qui est le Messie, le consacré, le béni, qui a reçu l’onction de Dieu, le sauveur. La fragilité de l’agneau sauve le monde. Voici Dieu.

 

« Le beau berger dépose sa vie pour ses brebis. » (Jean 10,11). « Il appelle ses propres moutons par leur nom et les mène dehors. Lorsqu’il les a tous fait sortir, il marche devant eux ; et les moutons le suivent, parce qu’ils connaissent sa voix. » (Jean 10,3-4). Oui, devenons disciples, et suivons l’agneau de Dieu ! Et demeurons auprès de lui, dans son amour, tous les jours de notre vie !

 

Au premier regard

En guise de conclusion, pour chercher à expliquer cette inexplicable attirance amoureuse vers Jésus, il y a encore un détail magnifique, c’est le regard, au début et à la fin de ce texte. L’auteur emploie un verbe composé qu’on pourrait rendre littéralement par enregarder, regarder dans, regarder intérieurement. Jean-Baptiste enregarde Jésus, il regarde en lui, il le fixe et le scrute jusqu’au fond de l’âme, et dit alors : « Voici l’agneau de Dieu ». Parole de vérité sur Jésus.

 

Jésus enregarde Simon, il regarde en lui, il le scrute, et l’appelle alors d’un nom nouveau, Pierre, le rocher, le roc. Parole de vérité sur Simon.

 

Que Dieu nous donne de voir de ce regard intérieur et profond, dans lequel il révèle sa face et nous donne de connaître et d’aimer l’être humain que nous rencontrons. Que Dieu nous donne d’être vus de son regard qui nous nomme et nous redéfinit et nous convertit en êtres humains nouveaux, en disciples solides comme la pierre. Amen.

 

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