Retrouver le temps
Jésus organise ses journées en équilibrant des temps pour Dieu, des temps pour les autres, des temps pour soi. Les jours comptent toujours 24 heures, et pourtant cela nous semble souvent trop court, et le temps nous échappe. Mon grand-père, qui a de l’humour et le goût des formules, appelait internet « la machine à perdre son temps ». Et il m’arrive d’avoir l’impression que mes occupations peuvent être plus souvent dictées par l’arrivée des appels téléphoniques et des courriers électroniques, par la facilité du traitement du court terme et de l’urgence, que vraiment choisie et décidée selon les vraies priorités.
Du temps pour Dieu
Jésus suit la sagesse biblique en consacrant le shabbat comme jour de repos et de fête pour le Seigneur, jour de liberté comme délivrance de la servitude du travail, et souvenir de la sortie d’Égypte. Mais se repose avec liberté, sans s’interdire d’agir, pour que le shabbat ne devienne pas un jour de contrainte par le poids des interdits religieux. Ce serait un comble d’inverser ainsi le sens du jour de la liberté et du temps libre ! Dans le passage qui précède, Jésus a donc enseigné à la synagogue, et guéri un être humain tourmenté par un sale esprit.
À ce premier temps pour Dieu, le shabbat, s’ajoute ce temps que Jésus prend le matin, pour prier. Si Jésus a besoin de se reconnecter à Dieu, n’est-ce pas important pour nous aussi ?
Ce n’est pas facile. Dans le jardin de Gethsémani, dans cette situation dramatique où Jésus va être arrêté, condamné à mort, et crucifié, au creux de l’angoisse où la prière devient fervente et désespérée, vitale, Jésus dit :
« Simon, tu dors ! Tu n’as pas été capable de veiller une heure ! Veillez et priez, afin de ne pas entrer dans l’épreuve ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » (Marc 14,37-38).
Pourtant c’est important de prendre du temps pour Dieu. Je vous propose d’essayer ou de réessayer, d’avoir cette fidélité pour prier Dieu chaque jour. Pour cela, nous suivons l’exemple de Jésus, et nous demandons au Père l’Esprit-Saint, pour qu’il nous parle et nous fasse sentir l’intensité de sa présence, dans le silence, dans le désert, c’est-à-dire un lieu de solitude et de dépouillement.
Du temps pour l’autre
Après du temps pour Dieu, du temps pour les autres. Le temps passé en prière n’est pas du temps perdu, il permet de se ressourcer, de se reposer, de reprendre des forces, de se recentrer sur l’essentiel. Quand il s’achève, nous sommes pleins de joie et d’une énergie nouvelle pour affronter les activités de la journée.
Jésus se laisse déranger par l’autre, qui vient bouleverser nos projets. Cet homme dans la synagogue, il faut le guérir ; la belle-mère de Pierre aussi ; puis tous les malades. Simon et ceux qui sont avec lui poursuivent Jésus jusque dans son lieu de solitude. Et il ne les repousse pas, il part avec eux, encore ailleurs, vers d’autres personnes dans d’autres villages, vers l’inattendu des rencontres, vers l’aventure. Donc son agenda compte à la fois des points fixes fondamentaux pour la prière, et la souplesse pour s’adapter à l’autre.
Paul dit aux Corinthiens : « Je me suis fait tout à tous » (1 Co 9,22). Ce n’est pas être caméléon et camoufler son identité pour se fondre dans le décor par mimétisme. C’est rester authentique, tout en s’ouvrant à l’autre pour accueillir en nous une part de lui. L’autre nous altère, et nous change, nous assouplit, et nous fait découvrir des choses nouvelles. Il nous conduit parfois à abandonner des idées ou des activités que nous aimions, pour donner une place aux idées de l’autre et aux activités qu’il ou elle désire. Vivre ensemble, c’est faire des compromis c’est-à-dire des échanges qui nous rapprochent de l’autre ; c’est cela aimer.
Du temps pour soi
Enfin Jésus s’accorde aussi du temps pour lui-même, dans l’isolement, un temps de repos qui rejoint d’ailleurs le temps pour Dieu, dans ce secret de la chambre où Dieu est présent, dans l’intériorité intime où habite Dieu. Oui quand nous sommes seuls, Dieu n’est jamais loin.
Que Dieu nous redonne un emploi du temps libérateur et non contraignant. Qu’il nous offre un temps retrouvé plutôt qu’une impression de temps perdu. Qu’il nous apprenne le secret de sa vivacité dynamique, de l’allégresse légère de sa marche.