L’invisible de l’être (Luc 2,1-20)

Culte des 24 et 25 décembre 2025, Noël

À la recherche de l’essentiel

Après ce culte, je voudrais que vous puissiez repartir avec en vous un petit quelque chose, ou même soyons fous, un grand quelqu’un.

 

Que Noël soit une fête avec de la famille ou des amis, un bon repas, des cadeaux, des lumières plein les yeux, de nouveaux souvenirs inoubliables. Mais aussi, que ce soit un moment privilégié, une pause un peu hors du temps, pour retrouver le cœur, le sens, savoir qui nous sommes et où nous allons. Et que Dieu soit avec vous, que vous puissiez prendre conscience de sa présence, le sentir, redécouvrir intensément son amour, faire cette expérience.

 

Alors quel est l’essentiel ? Le renard dit au Petit Prince : « Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »

 

Et le Seigneur dit à Samuel : « Non ce que verra l’humain. Car l’humain verra aux yeux, et le Seigneur verra au cœur. » (1 Samuel 16,7).

 

Je suis encore porté par ce mot d’invisible, que j’ai entendu à la radio dans la bouche d’une personne invitée pour l’émission protestante Solaé, le dimanche matin sur France culture. L’invisible nous fait entrer dans une autre dimension, en écartant l’apparence, pour entrer dans l’être. Ce mot d’invisible m’ouvre à la spiritualité, me relie à la présence invisible enveloppante et dense de Dieu. Ainsi la tente de la rencontre s’emplit de nuée, frémit de la gloire de Dieu.

Une nuit

Noël est peut-être la fête de l’invisible, la fête de la promesse, ce qui va arriver, ce qui a déjà commencé à être, mais qui n’a pas encore paru dans la lumière de l’éclat de Dieu. Une fête en clair-obscur, dans la nuit où s’allume une lueur appelée à grandir et à illuminer la terre. Une fête avec du silence. « Marie gardait toutes ces paroles, méditant dans son cœur. » Il faut du temps, de la patience, avant que le sauveur devienne pleinement visible.

 

Je n’aime pas beaucoup les expressions du « petit Jésus », ou de « l’enfant Jésus », qui pour moi paraissent saturées de bondieuserie un peu mièvre. Pourtant il faut parler de Jésus petit, de Jésus enfant. Il n’est qu’un enfant, mais c’est Jésus. Il est petit mais il est immense.

 

Je voudrais que dans ce nouveau-né, nous percevions déjà Jésus, déjà le sauveur du monde. Ce n’est pas un Jésus à échelle réduite, c’est pleinement Jésus en devenir. Vous sentez l’écart entre le petit bébé qui se laisse voir à Noël, et l’être même de Dieu le Fils sauveur de l’univers. L’intervalle qui les sépare, c’est l’invisible. C’est l’essentiel.

 

Si les anges chantent : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! » c’est pour dire qu’il se produit davantage que ce qui est encore visible.

Un être humain

Un être humain est né, et déjà c’est le mystère de la vie, qui demeure encore au XXIe siècle, inexplicable.

 

Une personne qui travaille ou fait des visites en maison de retraite, ou pour le dire plus crûment, en EHPAD, me disait à quel point son regard posé sur une de ces personnes pouvait changer, en prenant le temps de l’écouter. Car extérieurement et visiblement, la personne très âgée est très diminuée : elle est petite et toute tassée, sa peau est toute fripée, elle sort à peine de sa chambre, ses mains tremblent, sa voix faible chevrote et se comprend mal, elle voit mal et n’entend qu’une partie des mots qui lui sont dits. Oui mais si ce vieillard vous raconte sa vie, vous entendrez qu’il a été un beau jeune homme, un sportif, un héros, un pilote, un inventeur. Cette vieille dame a été médecin, mère de dix enfants, volontaire, ambitieuse et bouillonnante d’énergie, rebelle et anticonformiste. Ils ont rêvé, chanté, prié, été engagés à l’entraide, ou des piliers du conseil presbytéral. Oui ils peuvent à juste raison être admirés. Mais ce qu’ils sont vraiment est invisible.

 

Comme le Christ, ils sont l’image du Dieu invisible.

 

De même, un bébé nouveau-né est infiniment fragile, dépendant, vulnérable, souvent tout rouge et la peau ridée. Et pourtant, déjà, il est un homme, il est une femme. Il est déjà ce qu’il sera plus tard.
L’essentiel de l’être humain, donc, est invisible.

 

Le nouveau-né dans la mangeoire est Jésus. Mais nous pourrions aller le voir et être déçus, car il n’y a rien à voir, il n’est qu’un bébé comme les autres, unique comme tous les bébés.

 

Ésaïe dit : « un enfant nous est né, un fils nous a été donné. » Il est né pour nous. Dieu nous l’a donné. Il nous a donné son fils, le premier-né, son unique, celui qu’il aime.

 

Et l’ange, le messager dit : « aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. » Et cela, c’est invisible. Le fils de Marie ne naît pas comme un roi ; il n’y a même pas de place pour lui dans le gîte, l’hôtellerie ou l’auberge. Pourtant, là tout faible et tout pauvre, il est notre sauveur, le Christ, le Seigneur.

 

Il est déjà celui qui donnera sa vie pour nous sur la croix, celui qui aura les paroles de la vie éternelle, celui qui guérira les malades, pardonnera les péchés, et ressuscitera les morts.
Il est promesse de tout cela. Selon Hébreux 11,

« Or la foi, c’est la réalité de ce qu’on espère, l’attestation de choses qu’on ne voit pas. » (Hébreux 11,1).

 

Ou encore, selon Jérémie 29,

« Car je connais les projets que j’ai formés sur vous, dit l’Éternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l’espérance. » (Jérémie 29,11).

Voici le Dieu de l’espérance, de l’invisible, de ce qui n’est pas encore et qui va arriver, voici le Dieu de l’avenir, le Dieu qui vient.

 

Il y a dans la naissance de Jésus infiniment plus que ce qui se voit, il porte en lui cette espérance que le monde est sauvé.

Qui nous sommes

Nous entendons souvent : sois toi-même, deviens qui tu es ! Mais souvent c’est par notre attitude et nos actes que les hommes nous répètent de devenir qui nous sommes. Comme si nos actions nous définissaient.

 

Mais pas plus que notre apparence extérieure, nos actions ne reflètent la réalité de notre être. Ce décalage persiste entre l’immensité de nos désirs, de notre volonté, l’infini de nos rêves, et les limites de nos capacités, de notre temps, et les circonstances qui ne nous permettent pas de faire tout ce que nous aurions pensé. Il y a aussi les actions que nous regrettons plus ou moins consciemment, dont nous ne sommes pas trop fiers, dont nous préférons ne pas parler, et auxquelles nous évitons même de penser.

 

Dieu nous pardonne tous ces actes manqués, ces erreurs, et toutes nos fautes. Serait-il sauveur, sinon ? Il nous donne sa grâce, autrement dit son amour. Nous existons déjà pour lui dans l’invisible, parfaits.

« En lui, il nous a choisis avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et sans défaut devant lui. » (Éphésiens 1,4).

 

Voilà qui nous sommes aux yeux de notre Père. Vous savez que le regard d’un parent sur son enfant n’est pas très objectif. Aux yeux de votre Père, vous êtes toujours une merveille. C’est parce qu’il vous voit dans l’invisible. Comme dit le psaume 139,

« C’est toi qui as produit les profondeurs de mon être, qui m’as tenu caché dans le ventre de ma mère. Je te célèbre, car j’ai été fait de façon merveilleuse. Tes œuvres sont étonnantes, je le sais bien. » (Psaume 139,13-14).

 

Seigneur, que ce que nous avons vu et entendu, nous le gardions dans notre cœur. Et que cela prenne toute sa dimension, qu’au-delà du visible, ton Fils Jésus se dévoile à nous dans l’immensité de son être et de son devenir. Et qu’il nous révèle à nous-mêmes, et nous fasse grandir et ressembler à ton image, comme un enfant ressemble à ses parents. Que le Christ vivant naisse et grandisse dans notre cœur !

 

Tu es né comme sauveur pour nous, accomplissement des promesses de toute notre histoire, et nouvelle promesse pour notre avenir et notre espérance. Fais-nous voir ta gloire ! Car nous croyons l’ange quand il annonce une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple.

 

Amen !

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